Société

Le moqadem et les baraques

© D.R

Si la plupart des Marocains rêvent de posséder leur propre appartement, d’autres ne pensent qu’à acquérir une baraque pour fuir au moins la visite mensuelle du propriétaire. Mustapha fait partie de ceux-là. Depuis longtemps, il cherchait une baraque pour abriter sa petite famille. Son salaire dérisoire ne lui permet ni de supporter le loyer mensuel, ni la pression des traites mensuelles pour l’achat d’un appartement économique. Toutefois, il est arrivé en une vingtaine d’années de travail à économiser une somme d’argent assez coquette. Pourquoi ne pas acheter une baraque en attendant qu’il soit relogé un jour dans le cadre d’une opération de lutte contre l’habitat insalubre ?, s’interroge-t-il. En plus, une baraque peut répondre au moins provisoirement à son rêve d’avoir son propre abri, sans plus penser au loyer qu’il doit verser mensuellement. D’abord, il n’habite pas loin des Carrières qui squattent la région de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ, à Casablanca. Cette proximité lui a permis d’être au courant des dessous des manoeuvres malhonnêtes qui entachent le monde des baraques. Hamid, agent d’autorité (Moqaddem au 48ème arrondissement urbain à Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ), dont il vient de faire la connaissance, lui a raconté à ce propos plusieurs histoires.
D’une rencontre à l’autre dans un café pour siroter des verres de thé, Mustapha a proposé à son ami le moqaddem de le mettre en contact avec un habitant désirant céder sa baraque. “Mais je dispose moi-même de deux baraques“, lui a lancé le Moqadem qui lui a reproché de ne lui avoir pas exprimé son désir d’acquérir une baraque.
Lorsque Mustapha a formulé le souhait de les visiter, l’agent d’autorité a refusé, prétextant qu’ils doivent d’abord marchander le prix et lui préparer un certificat de résidence pour que les choses soient faites sérieusement. Convaincu, Mustapha lui a demandé le prix. Trente mille dirhams pour l’une et quarante mille pour l’autre. Deux jours plus tard, Mustapha est venu au café avec les trente mille dirhams en poche. Hamid est déjà à son attente.
Il a reçu les billets de banque et la photocopie de sa carte d’identité nationale. “Tu auras demain le certificat de résidence“, lui promis l’agent d’autorité.
Effectivement, il a tenu sa promesse, il lui a livré une attestation portant le numéro 395. Seulement, Mustapha lui a demandé de lui céder la deuxième baraque. “Tu dois ajouter 10 mille dirhams“, lui explique le moqaddem. Après une longue conversation, Mustapha a cédé. Et le lendemain, il lui a remis le reliquat et Hamid de son côté a ramené une deuxième attestation portant le numéro 336. Plein de joie, Mustapha est retourné chez lui pour annoncer la bonne nouvelle à sa femme et lui demander de l’accompagner le lendemain pour visiter la baraque. Le lendemain, Mustapha et sa femme se sont rendus vers la baraque. Quand le mari a tenté d’ouvrir la porte, une femme qui pensait aux enfants qui jouent, s’est trouvée face-à-face à lui. “Au voleur !, au voleur !“, a-t-elle crié. Sa femme est intervenue pour la calmer.
À ce moment, les badauds se sont déjà attroupés autour d’eux pour savoir de quoi il retourne. Une fois les tensions apaisées, Mustapha a appris que la baraque était occupée par une autre famille. Cette dernière l’avait reçue des autorités publiques après la destruction de la sienne par le feu. Quand il s’est adressé au Moqaddem, celui-ci l’a rassuré qu’il va allait lui trouver une autre baraque. Ne croyant pas à ses paroles, Mustapha a fini par déposer plainte contre lui. Seulement, il a appris qu’il n’était pas sa seule victime et que d’autres personnes avaient également été escroquées, entre autres, Rachida. Cette veuve, mère de deux enfants, qui vivait avec sa famille à Hay Al Machrouâ, a choisi de présenter une demande au Moqaddem pour l’aider légalement à avoir une baraque. Mais Hamid lui a expliqué qu’il dispose d’une baraque et qu’elle doit seulement verser une somme de 40 mille dirhams pour l’acquérir. Elle lui a donné cette somme, ainsi qu’une attestation de décès de son mari et la photocopie de sa carte d’identité nationale.
L’argent en poche, l’agent d’autorité lui a donné aussitôt un certificat de résidence n° 647 attestant qu’elle demeure à la rue 18, n°1, Carrière Kh’lifa. A cette adresse, elle est surprise de trouver la baraque habitée par une famille depuis belle lurette. Elle a porté plainte. Prenant l’affaire en main, les éléments de la police du 36ème arrondissement de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ ont arrêté l’agent d’autorité, Hamid. Ce dernier a affirmé avoir été recruté en janvier 2002 en tant que moqaddem.
Au fil du temps, le salaire qu’il recevait ne répondait plus à ses besoins et ne pouvait en aucun cas répondre à ses rêves de fonder un foyer. À ce moment son ami, Zouheïr, qui travaille également au même arrondissement, lui a proposé de promettre aux des baraques aux habitants qui le désirent et ce contre des sommes d’argents.
Aussitôt, il est passé à l’action. Il a été traduit la semaine dernière devant le juge d’instruction près le tribunal de première instance de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ.

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