Société

«Le Polisario, c’est fini»

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ALM : Quel regard portez-vous aux mesures de confiance instaurées par le HCR. Et en quoi consistent-elles ?
Hamid Chabar : Ces mesures ont été prônées par le HCR, dans le cadre de son mandat. Elles consistent en un train de mesures. Je citerai à titre indicatif les appels téléphoniques auxquels la partie marocaine était la première à donner son accord en mars 2003 et qui ont commencé le 15 avril, avant d’être suspendus par le polisario. Ce dernier a prétexté l’absence d’autorisation de l’Algérie. Ce qui implique ce pays de manière directe, non seulement comme partie concernée, mais comme partie prenante. Il aura fallu attendre huit mois pour que l’Algérie donne son autorisation. Les appels téléphoniques ont pu reprendre en janvier 2004. Et nous nous en félicitons. Il s’agit à notre avis d’une manière à même de contribuer à déserrer l’étau autour des réfugiés et des séquestrés dans les camps de Tindouf. C’est pourquoi cette opération doit être élargie à tous les autres camps non encore desservis. Aujourd’hui, nous entamons les préparatifs pour la mise en application de la deuxième mesure, à savoir l’échange des visites familiales. Nous avons également été les premiers à donner notre accord au déclenchement de ces visites, qui pourront démarrer à partir de la première semaine du mois de mars.
Techniquement, comment se présentera cette opération ?
Cette opération sera régie par un document qui a reçu l’accord des parties concernées, y compris l’Algérie. Elle porte sur six mois. Les échanges seront de façon hebdomadaire. Il y aura entre quinze et vingt personnes qui partiront chaque semaine dans les camps du Polisario, au Sud de l’Algérie, pour rendre visite aux membres de leurs familles respectives et vice versa. De notre côté, toutes les mesures et dispositions devant garantir le bon fonctionnement de cette opération ont été prises. Il s’agit de Marocains qui reviennent chez eux. La logistique est assurée par la Minurso qui est partenaire du HCR dans cette opération. Des avions onusiens assureront la liaison entre Tindouf et les provinces du Sud. Nos concitoyens en provenance des camps de Tindouf auront la liberté de se déplacer comme ils le souhaitent sur tout le territoire national, de Tanger à Lagouira. S’ils veulent rester, le mandat du HCR s’applique. Le HCR se chargera dans ce cas d’examiner la demande des intéressés, les écoutera sur place et statuera en fonction de son mandat cette opération d’échange de visites familiales concernera toutes les villes du Sahara marocain. Toute la population sera desservie. Et nous souhaitons qu’elle soit élargie sur tous les camps de séquestrés, y compris le camp de Dakhla, situé à 170 km au Sud de la ville de Tindouf.
Comment le choix des candidats au voyage se fera-t-il ?
Côté marocain, le choix se fera librement. Tout Marocain d’origine sahraouie qui se souhaite se rendre auprès de sa famille à Tindouf aura le droit de s’inscrire et se porter candidat au voyage. Le seul critère retenu avec le HCR est que tout bénéficiaire puisse avoir au moins un membre de la famille évoluant dans les camps de Tindouf. Au début, le polisario voulait limiter cette opération aux personnes inscrites sur la liste de la Minurso. Nous nous sommes opposés à cette approche qui n’assure pas à cette opération la portée humanitaire souhaitée. Cela a pris malheureusement beaucoup de temps, mais nous avons eu finalement gain de cause. Ces visites seront élargies à l’ensemble des populations marocaines d’origine sahraouie.
Quel bilan faites-vous de la coopération entre le Maroc et la Minusro? Et comment jugez-vous les rapports entre les deux parties ?
La coopération est exemplaire. La partie marocaine n’a épargné aucun effort pour apporter son aide et soutien à cette mission et ce, dans le cadre de son mandat et du respect des engagements de notre pays. comme vous le savez, le mandat de cette mission a été régulièrement prorogé en fonction de l’évolution du dossier. Je rappelle que jusqu’à 1998-1999, nous étions dans la logique de mise en oeuvre du plan de règlement onusien. Depuis, le Secrétaire général de l’ONU et son envoyé spécial ont conclu à l’inapplicabilité de ce plan et ont invité les parties à s’inscrire dans la dynamique de la recherche d’une solution politique, aux fins d’un règlement définitif de cette question.
Où en est-on justement dans ce volet ?
Les derniers rapports du Secrétaire général reflètent à plus d’un égard l’évolution qu’a connue la recherche du solution politique. Le Maroc est serein. Il a toujours inscrit son action dans le cadre de la légalité internationale. Toute solution qui ne préserve pas les intérêts du Maroc, à commencer par l’exercice de sa souveraineté réelle sur son Sahara, sera écartée et ne peut être imposée.
Il faut préciser dans ce sens que plusieurs partenaires, dont certains membres du Conseil de sécurité, situent désormais le problème entre le Maroc et l’Algérie. C’est à la fois une évolution importante et une justice rendue dans l’examen de ce dossier. Je pense que le problème trouvera sa solution si les Algériens, compte tenu des considérations de voisinage et de l’histoire commune qui lie nos deux peuples, notamment dans leur lutte pour l’indépendance, prennent aujourd’hui en considération l’intérêt de la région du Maghreb.
De par votre expérience, quels sont maintenant les meilleurs moyens d’accélérer les règlements de ce dossier ? N’y a-t-il pas moyen de procéder à ces négociations directes avec l’Algérie ?
Il n’y a pas de règle préétablie. Nous souhaitons que nos voisins, amis et frères algériens puissent revenir à la raison. Ils sont les premiers à savoir et connaître les dégâts humains et les déchirements qu’un tel conflit, au demeurant artificiel, a engendrés.
La solution serait qu’ils reviennent à la raison. Il y va de l’avenir du Maghreb. La construction d’un espace maghrébin intégré, solidaire est un défi qui est lancé à toute la communauté maghrébine.
Je n’ai pas tous les éléments de réponse sur le degré de disponibilité de nos amis algériens. Mais le Maroc n’a jamais fermé la porte au dialogue. Il a toujours privilégié les rapports fraternels avec l’Algérie. Le Maroc ambitionne de transformer cette région en une région de coopération et d’échange et non en une région de conflit et de confrontation.
Pour aller plus loin, ne peut-on pas envisager une solution radicale qui consisterait en l’ouverture des frontières ? Et libre à chacun d’aller dans un sens ou dans l’autre…
Du côté de la partie marocaine, il n’y a aucun problème. Nous n’interdisons à personne de voyager. Je crois que la question est à poser à nos amis algériens. Nous savons qu’aujourd’hui, des milliers de personnes ont rejoint la mère-patrie, en réponse à l’appel «La patrie est clémente et miséricordieuse», vivent et évoluent tout en s’intégrant bien. Et nous savons aussi que plusieurs personnes risquent leurs vies, et celles de leurs familles retenues contre leur gré dans les camps de Tindouf, en procédant ainsi. Si le HCR peut s’acquitter de cette mission, nous serons les premiers à l’encourager.
Depuis quelques années, une nouvelle démarche a été adoptée dans le règlement du problème du Sahara marocain. Quelles en sont les grandes lignes ?
Nous oeuvrons dans la gestion de ce dossier au niveau international à dissocier l’humanitaire du politique. Sur le plan humanitaire, nous avons enregistré des progrès considérables. Grâce, notamment, à l’apport et à la contribution d’une société civile particulièrement dynamique et qui est animée par des originaires des provinces du Sud et dont le travail s’est traduit par des résultats concrets. Nous avons réussi dans cette dissociation et nous nous félicitons de cette évolution.
Les mesures de confiance comme les appels téléphoniques vont contribuer à renforcer cette dynamique et permettre à ce problème de sortir de l’ornière strictement politique. N’oublions pas qu’il y a environ quarante à cinquante mille de nos compatriotes qui sont séquestrés dans les camps de Tindouf.
Ce chiffre, se vérifie-t-il ?
Nous n’avons jamais eu de chiffres exacts. Le Croissant-Rouge algérien avance le même chiffre depuis 1982, soit 165.000 personnes. Je rappelle que le recensement de ces séquestrés n’a jamais été effectué conformément au mandat et aux pratiques du HCR.
L’opération d’identification de la Minusro, ne peut-elle pas constituer la base d’un éventuel recensement ?
On peut la considérer, avec beaucoup de réserve,s comme étant une des bases du recensement. Les chiffres communiqués par l’Algérie est cinq fois l’effectif qu’a obtenu la commission d’identification. La différence est énorme. Et le chiffre, selon plusieurs opérateurs, est un chiffre exagéré. Il est avancé pour drainer l’aide internationale. Une aide qui est en grande partie détournée par la nomenclatura du polisario vers d’autres lieux et à d’autres fins. Et même les donateurs le savent et s’en plaignent.

* Hamid Chabar est natif de Tiflet, en 1956.
Il est détenteur d’un Doctorat d’Etat de l’Université de Louvain en Droit public et relations internationales.
Auparavant, il a dirigé la Cellule du Sahara au ministère de l’Intérieur.

• Tarik Qattab
[email protected]
Envoyé spécial à Laâyoune

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