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Les frontières du réel

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Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a affirmé, il y a quelques jours, que "l’ouverture des frontières entre l’Algérie et le Maroc demandera de nombreux mois". Force est de constater qu’à première vue cette ouverture des frontières ne profitera qu’à ce dernier.
Et pour cause, le nombre de touristes qui afflueraient de l’Est vers l’Ouest serait, de l’avis de tous les observateurs, beaucoup plus nombreux que celui qui opterait pour le sens inverse. Tous les hôteliers, les commerçants et les industriels, d’Oujda jusqu’à Nador (et même d’ailleurs), confirment que dès l’ouverture des frontières en 1988, l’arrivée de vagues entières de touristes algériens sur le sol marocain a énormément boosté leurs chiffres d’affaire.
Depuis 1994, date de la fermeture de ces fameuses frontières, bon nombre d’hôtels ont mis la clé sous le paillasson, un nombre incalculable de petits commerces ont dû fermer boutique et plusieurs investisseurs nationaux ont carrément tourné le dos à l’Oriental. Toutefois, les frontières entre les deux pays ne sont pas devenues aussi imperméables que l’on imaginait. La contrebande a atteint des records historiques. En mars dernier, la compagnie algérienne Naftal (distributrice des produits pétroliers) a estimé à 3 millions de litres par jour, le volume de carburant faisant l’objet d’exportations illégales vers le Maroc. Soit environ 53 millions de dollars de pertes annuelles pour le Trésor algérien.
En fait, ceci ne signifie pas que cette manne financière profite à l’économie marocaine.
Au contraire. Le manque à gagner pour les sociétés de distributions et le Trésor marocains est colossal.
D’autres produits, essentiellement alimentaires, quittent l’Algérie en direction du Maroc. C’est le cas de la farine, de l’huile, des dattes ainsi que de plusieurs produits laitiers. En revanche, selon bon nombre d’enquêtes journalistiques réalisées par des organes de presse des deux pays, les contrebandiers achemineraient vers l’Algérie des produits textiles, de l’alcool et du cannabis.
En somme, il ne faut pas croire que l’ouverture des frontières entre les deux pays aura un impact quelconque sur la contrebande. Sans mesures d’accompagnements d’envergure gouvernementale, cette ouverture risquerait même d’aggraver ce phénomène.
C’est ainsi que l’opinion la plus répandue, au Maroc comme en Algérie, est celle qui consiste à croire que l’ouverture des frontières est une mesure qui ne profiterait en définitive qu’à l’économie du royaume. C’est peut-être pour cette raison que les autorités algériennes ne manifestent que très peu d’enthousiasme sur la question de l’ouverture des frontières.
Ce qui est sûr, c’est que cette mesure peut être également bénéfique pour l’économie algérienne. L’industrie algérienne est capable de réaliser des percées importantes dans le marché marocain. Certes, la concurrence est rude, mais certains industriels algériens sont convaincus que le marché marocain est également porteur pour eux.
Dans le cadre de la stratégie de développement des provinces et préfectures de l’Oriental, l’industrie algérienne, essentiellement dans le secteur des BTP, peut jouer un rôle important. Le savoir faire algérien dans le domaine de l’industrie lourde ne fait aucun doute. Il n’est donc pas exclu que des groupes privés algériens s’installent au Maroc, essentiellement dans la région orientale.
D’un point de vue plus global, le secteur touristique algérien peut être également un argument intéressant. En fait, et toujours théoriquement, car encore faut-il que l’industrie touristique algérienne se mette à niveau, notre voisin de l’Est peut drainer énormément de touristes marocains voire attirer des touristes étrangers en passage au Maroc.
Les professionnels des deux pays pourraient réfléchir à la mise en place d’offres touristiques conjointes. C’est-à-dire des packages incluant des circuits traversant les deux pays. Et tout le monde y trouvera son compte.
En somme, l’ouverture des frontières pourrait être un point de départ pour une véritable intégration économique maghrébine. Mais en attendant que l’Algérie devienne un partenaire commercial important, des poches de résistance persistent encore.

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