Société

Les miraculés souffrent de mort lente

© D.R

Ils ont échappé au trépas mais les 35 miraculés des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca meurent à petit feu: durement touchés dans leur chair, ils ont perdu leur emploi et n’ont reçu aucune indemnité de l’Etat.
«C’est gravé dans ma mémoire. Il était 21H50. Les clients jouaient au bingo, quand deux fortes détonations m’ont soulevé du comptoir pour me propulser 20 mètres plus loin. Il y avait des cadavres partout, et moi j’ai perdu l’usage de mes deux jambes», raconte à l’AFP Mohamed Mehdaoui, 53 ans, l’ancien serveur du restaurant «La Casa d’Espagne», aujourd’hui sur une chaise roulante. Cinq attentats-suicide, dont le plus sanglant à l’intérieur de ce restaurant, avaient fait 45 morts, dont 12 kamikazes, et de nombreux blessés.
«Franchement, j’aurais préféré mourir sur le coup comme mes clients, aujourd’hui je suis réduit à mendier et nous sommes cinq dans la famille», dit-il en sanglotant. Pourtant, selon lui, l’Etat s’était engagé à indemniser les victimes de ce funeste jour.
Ne voyant rien venir, le 16 mai 2007, les mutilés ont organisé un sit-in devant le restaurant espagnol…sans résultat. «Nous implorons le Roi Mohammed VI de nous sauver de la détresse», implore-t-il.
Mesbah Fiyach, un responsable de l’Association des victimes des attentats de Casablanca, qui a perdu l’œil gauche, constate amèrement que «malgré ses promesses, l’Etat n’a toujours pas indemnisé la trentaine de blessés graves».
Lors de l’explosion, Fiyach sirotait son café en compagnie d’Aziz El Ansari, un commerçant de 48 ans: «Nous vivons dans un total dénuement après avoir perdu nos emplois car qui va nous faire travailler avec nos handicaps», déplore cet ancien représentant de commerce.
Il affirme que son association a écrit à plusieurs reprises aux autorités. En vain: seules les veuves des 33 hommes décédés dans les attentats ont reçu l’équivalent de 50.000 euros chacune. Selon l’Association, 20 personnes ont péri dans le restaurant et les 13 autres dans les quatre autres explosions. El Ansari sursaute en entendant un panneau publicitaire s’écraser sur le sol à cause du vent. «Ce genre de bruit me rend malade: cela me rappelle ce tragique soir. Pendant le Ramadan, le son du canon annonçant le début du jeûne à l’aube est un vrai calvaire», dit-il.
Autrefois femme de ménage dans ce restaurant, Aïcha Chakour, 34 ans, montre sa chair déchirée par les clous que les islamistes avaient mélangé aux explosifs. «Avec mon travail, je subvenais aux besoins de mes vieux parents, maintenant je suis réduite à des expédients», assure-t-elle.
Gérant de «La Casa d’Espagne» en 2003, Mhamed Mahboub a subi sept opérations chirurgicale de la mâchoire. «Les autorités sont sourdes aux plaintes des victimes du 16 mai», dit-il résigné.  Joint par l’AFP, Ahmed Herzenni, président du Conseil consultatif des droits de l’Homme, répond qu’il «n’est pas habilité à traiter ce genre de question».
«Notre mission concerne principalement l’application des recommandations de l’Instance équité et réconciliation (sur la répression à l’époque de Hassan II). Mais si cette association nous adresse un courrier, nous l’examinerons avec attention », conclut-il. 
Contactée par l’AFP, la ministre du Développement social, Nouzha Skalli a déclaré elle aussi que son département ne s’occupait pas de ce genre de cas. Pendant ce temps, près du modeste domicile de l’un des mutilés, des voisins commentent, désabusés, l’évasion spectaculaire de la prison de Kénitra (40 km au nord de Rabat) de neuf islamistes, dont certains impliqués dans les attentats de Casablanca, qui avaient été condamnés à de lourdes peines.
 
• Mohamed Chakir (AFP)

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