Société

Littérature : Les défaillances littéraires du dernier roman de Taïa

J’ai lu avec beaucoup d’attention le dernier livre de Abdellah Taïa. Si j’avais décelé dans son Mon Maroc et par la suite dans Le rouge du tarbouch la sincérité d’une voix et les prémisses d’un écrivain en herbe, je constate qu’avec L’armée du salut déjà, et maintenant Une mélancolie arabe, l’auteur succombe au pire ennemi de la créativité littéraire : la redondance.
La langue dans Une mélancolie arabe est certes fluide, facile à lire, mais il n’y a pas de style, ou pas suffisamment travaillé ; et c’est le style qui fait l’écrivain. L’écriture sombre souvent dans la platitude du sentimentalisme béat, et parfois même du misérabilisme arabe. J’ai beau chercher des idées qui interpellent, des citations qui obligent à s’y arrêter, à les relire, à les noter, une narration qui déroute, des effets de style qui charment, une herméneutique qui fait travailler les méninges ; Rien, Wallou. Il y a certes quelques jolies tournures phrastiques, mais c’est très peu pour un écrivain dont on attendait beaucoup. Quant au contenu, je regrette que l’auteur remâche les mêmes personnages et poursuit les mêmes nourritures terrestres : famille qu’il porte au nu, désir naissant, séduction, jouissance, rupture, malheur jusqu’à en mourir (ne serait-ce que sur du papier), quête d’un autre plaisir charnel, et rebelote. Taïa change le nom de l’amant, le temps et l’espace de l’amour, et nous raconte presque la même histoire. Les nourritures spirituelles et intellectuelles, elles, peuvent toujours attendre.
Bien sûr, certains voient dans la quête (et conquête) des corps d’A. Taïa une quête de l’identité ; dans l’amour des autres hommes la recherche d’une acceptation de sa différence ; dans les multiples introspections un profond désir de retrouver le Moi véritable. Tout ceci est discutable. La psychocritique a cela de génial : elle peut justifier la chose et son contraire. Néanmoins, la recherche de la profondeur du Moi peut prendre, à mon humble avis, d’autres itinéraires que celui toujours emprunté par l’auteur de Mon Maroc.
J’invite A. Taïa à se dégager de son corps, de sa libido. Je l’invite à prendre exemple sur Jean Giono, Oscar Wilde et André Gide (M. Taïa saura pourquoi j’ai choisi ces noms). Qu’il nous présente une œuvre qui se hisse de là où il puise son inspiration et nous serons les premiers à l’applaudir.
La littérature intimiste est une chose, le nombrilisme en est une autre surtout lorsqu’il n’a pour seul expédient que le « neuvième trou ».

• Mokhtar Chaoui
Enseignant-chercheur et écrivain

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