Société

Maroc: Explosion associative

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Le Maroc compte 116.836 associations. Une étude sur le tissu associatif du Royaume a été publiée en fin de semaine dernière par le ministère de l’intérieur. Selon le département de Mohamed Hassad, la société civile marocaine a connu une croissance et une diversification soutenues depuis la fin des années 1990.

Le nombre d’associations n’était, en effet, qu’autour de 4.000 au début de la décennie précédente. Si, à première vue, ce chiffre devrait faire état du poids important de la société civile marocaine, il est néanmoins à relativiser. Tout d’abord, il faut noter que la plus grande partie de ces associations ont un rayonnement très limité. 93% d’entre elles opèrent au niveau local. Ce sont des associations de quartiers ou de douars. Parmi les associations restantes, 2% ont une couverture provinciale, 1% une couverture locale et seulement 4% opèrent au niveau national, soit un peu plus de 4.500 associations.

De plus, ce cercle se réduit encore plus lorsqu’on considère les associations reconnues d’utilité publique par l’Etat. Selon l’étude du ministère de l’intérieur, elles ne sont que 202 sur les 116.836 existantes, soit pas plus de 0,15%. Les modalités de reconnaissance de l’utilité publique font l’objet de controverses depuis plusieurs années. L’article 9 du dahir du 15 novembre 1958 permet à toute association d’obtenir la reconnaissance d’utilité publique par décret à condition de répondre à certains critères liés à ses moyens d’action, ses modes de financement ou encore la proportion de jeunes et de femmes parmi ses membres. Plusieurs voix s’étaient élevées pour dénoncer le clientélisme lors du processus d’octroi de ce statut, ce qui expliquerait le nombre réduit d’associations qui en bénéficient.

L’augmentation de la cadence de création d’associations durant la dernière décennie est toutefois indéniable. Avec une moyenne de 10.000 nouvelles associations par an depuis 2005, cette cadence a connu un pic en 2009 avec près de 14.000 associations créées, puis en 2013 avec près de 12.000. Ce chiffre a cependant connu une baisse notable en 2014, où seulement 5.300 associations ont vu le jour. Toujours d’après l’étude du ministère de l’intérieur, la fréquence de renouvellement des bureaux était de 23 bureaux par jour en 2013. Cette même année a enregistré une moyenne de 85 associations créées par jour, avec un pic de 750 associations créées en une seule journée. En ce qui concerne la répartition des associations sur le territoire national, une inégalité prononcée ressort des chiffres du ministère. Trois régions concentrent, à elles seules, plus de 38% de l’ensemble des associations du Royaume : Souss-Massa-Drâa avec 19.417 associations, Marrakech-Tensift-Al Haouz avec 12.209 associatins et le Grand Casablanca avec 12.148 associations. Les régions avec les effectifs les plus réduits sont Chaouia-Ouardigha avec seulement 3% des associations nationales et Gharb-Chrarda-Beni Hsen avec 4% (voir graphique ci-contre).
Le taux d’inclusion des jeunes semble, quant à lui, satisfaisant. L’intérieur évalue à 27% la présence des jeunes dans les instances dirigeantes des associations, ce qui témoigne, selon l’étude, d’un engouement de cette tranche d’âge pour le champ associatif. Cette proportion baisse, néanmoins, à 8% lorsqu’il s’agit des 20-30 ans et à 0,15% pour les moins de 20 ans.

Le social d’abord

D’après l’étude du ministère de l’intérieur, les Marocains créent des associations d’abord dans un but social et caritatif, en témoigne la proportion des associations d’inscrivant dans le domaine des «œuvres sociales». Celles-ci sont majoritaires, représentant 24% du tissu associatif marocain. Un intérêt insoupçonné des Marocains pour l’environnement place le secteur en 2ème position, aux côtés du développement durable, comptant 21% du total des associations du Royaume.

Il est suivi des associations de «Sport et loisirs» avec 19%. L’étude relève un engouement particulier ces dernières années pour les associations qualifiées de «nouvelle génération», opérant dans les domaines des droits de l’Homme, du genre, de l’entrepreneuriat ou encore de l’emploi. Ces secteurs restent, néanmoins, sous-représentés.

Seulement 0,95% des associations s’activent dans le domaine des «Droits de l’Homme et défense des intérêts catégoriels» contre plus de 13% dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, un secteur boosté cependant par le nombre élevé d’associations de parents d’élèves. Le pourcentage des associations s’activant dans les domaines de «la politique», «la religion» et «les droits de l’Homme» se situe, globalement, entre moins de 1% et 3% en fonction des régions.

Le tissu associatif : A man’s world

Si la facilitation d’accès aux femmes est l’un des critères de la reconnaissance d’utilité publique par l’Etat, le milieu associatif marocain n’en est pas plus féminisé.
Selon l’étude sur le tissu associatif marocain publiée par le ministère de l’intérieur, les instances dirigeantes des associations ne comprennent pas plus de 12% de femmes. Nous sommes donc bien loin de l’égalité des genres dans le milieu associatif, bien que les plus grandes figures de la société civile marocaine soient des femmes.

Cette proportion très réduite reviendrait à l’histoire même du champ associatif marocain. L’étude explique, ainsi, que «la majorité des associations actuelles sont les réminiscences d’anciennes entités dont l’objet même fut réservé aux hommes», citant l’exemple des associations de chasse et celles liées au milieu sportif. Par ailleurs, à l’instar de plusieurs autres domaines, l’ascension des femmes aux instances dirigeantes des associations est souvent entravée par des poches de résistance. Les femmes sont confrontées à des «plafonds de verre» dès lors qu’elles tentent d’accéder au poste de président ou de directeur.

L’étude rappelle que le même constat peut être relevé dans le milieu politique où les femmes ne représentent que 16% des instances dirigeantes des partis politiques.

 

Evolution de la création d’associations de 1916 à 2014

La cadence de création des associations au Maroc a connu une augmentation significative vers la fin des années 1990. Son rythme s’accélère de manière notable en 2005, année de lancement de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH). Entre 2005 et 2013, l’INDH avait en effet compté la création de plus de 11.000 associations et coopératives, avec un pic remarquable en 2009 puis en 2013, suivi d’une réduction de plus de la moitié cette année.    

 

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