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Maroc-France : Les lettres de noblesse

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La lettre fait date dans les relations franco-marocaines. Elle est prémonitoire de ce que certains nomment l’exceptionnalité des relations entre le Maroc et la France. Au plus fort des violences pour arracher l’indépendance du pays et de la répression par la puissance colonisatrice, des voix françaises se sont élevées pour appeler à l’apaisement.
Cette violence avait atteint son point culminant après l’exil de Mohammed V et de la famille royale. C’est alors que 75 français libéraux, vivant au Maroc, ont adressé une lettre au président de la République française, le 10 mai 1954. «Conscients de nos responsabilités de citoyens français au Maroc, nous nous tournons vers vous (…) pour exprimer notre angoisse et nos alarmes», déclarent-ils dans cette lettre. La mise en garde est sans équivoque. Elle concerne les mesures de police qui «contribuent à accentuer le divorce entre Français et Musulmans». Les 75 signataires de la lettre dénoncent ces mesures : «L’intimidation érigée en politique depuis plusieurs années non seulement s’est révélée inefficace, mais risque de compromettre tout rapprochement des Français et des Marocains».
Le retour d’exil de Mohammed V n’est toutefois pas clairement mentionné dans cette lettre, mais il figure en filigrane entre les lignes des signataires qui appellent à ne pas confondre entre ceux qui recourent à la violence et «ceux qui ont sur l’opinion à suivre dans leur propre pays une opinion différente de celle que paraissent suivre les pouvoirs publics».
Cette lettre a été publiée le 11 mai 1954 par «Maroc presse», «l’un des rares journaux qui n’étaient pas à la solde de la France», explique à ALM Odile Fuire, l’une des organisatrices de la commémoration. La lettre des libéraux français a été relayée, le 22 juillet de la même année par l’appel des nationalistes marocains. 128 personnes ont remis le 22 juillet 1954 une lettre au résident général de la France au Maroc. Ils appelaient clairement au retour de Mohammed V : «Nous tenons à vous déclarer – et, ce faisant, nous sommes persuadés de refléter l’opinion de l’immense majorité du peuple marocain – que le dialogue franco-marocain ne pourra être fructueux qu’en abordant franchement et sans équivoque, le problème posé par la déposition de Sa Majesté Mohammed Ben Youssef». Un troisième document complètera les deux précédents pour confirmer la mobilisation qui a succédé à la déportation du Sultan. Les ouléma de Fès ont demandé le retour du Sultan le 29 mai de la même année. Ce qui a valu à quarante d’entre eux d’être arrêtés au sanctuaire de Moulay Driss où ils avaient trouvé refuge. «Ces trois documents sont la preuve patente de la possibilité d’aboutir des revendications, sans violence», ajoute Odile Fuire.
Des acteurs de cette période seront présents à la cathédrale de Casablanca pour commémorer le cinquantième anniversaire de l’édition de ces documents. L’un des signataires de la lettre des 75, J. P. Razon, témoignera 50 ans après. Le discours des enfants du médecin Guy Delanoë, également signataire de la lettre des 75, est très attendu.
Particulièrement celui de Nelcya Delanoë, auteur d’un livre qui raconte l’extraordinaire aventure des engagés marocains dans le corps expéditionnaire français en Indochine : «Poussières d’Empires». Côté marocain, Abdessalam Arraki, signataire de l’appel des 128, participera à la commémoration de l’anniversaire. Cet homme, qui est le premier dentiste moderne au Maroc, a fait partie de la délégation qui a remis l’appel au résident général. Les interventions de l’historien Brahim Boutaleb et de Anne-Marie Rozolet, auteur d’un livre remarquable, livre sur les libéraux français «Passeurs d’espérance», sont également très attendus.
A signaler que la commémoration de la lettre des 75 et de l’appel des 128 constitue l’avant-goût des grandes festivités auxquelles le Maroc se prépare pour célébrer le cinquantenaire de son indépendance.

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