Société

Mercier : “l’éthique reste un choix à faire”

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ALM : Pourquoi ce besoin d’éthique en entreprise ?
Samuel Mercier : Le besoin d’éthique en entreprise vient pour des raisons multiples liées aux relations avec l’environnement, notamment pour obtenir les légitimités sociales. Et puis en interne, c’est le fait de doter l’entreprise d’une culture organisationnelle forte et cohésive, de canaliser les comportements, voire discipliner, impliquer et motiver les salariés. Il s’agit finalement de donner un sens aux actions de l’entreprise.

Est-ce qu’une entreprise peut être éthique ?
Certains disent que c’est un oxymore et qu’éthique et entreprise sont en fait deux termes qui ne vont pas l’un avec l’autre. Pour répondre à cette question, il faut aussi se trouver des points de repère. Dans une logique libérale notamment, quand on voit l’entreprise comme étant un ensemble de projets qui sont financés par des investisseurs, et quand on voit que l’entreprise récompense les actionnaires, distribue des salaires, fait vivre des fournisseurs, entretient des distributeurs… on se rend compte que tout cela permet d’injecter en fait de l’argent dans tout le système économique, ce qui peut également être considéré comme éthique. C’est certes une éthique minimale, économique et libérale, mais ça montre qu’il y a un ensemble de bienfaits qui font que, de nos jours, l’entreprise est l’une des institutions les plus fondamentales des sociétés développées. Peut-être que dans des sociétés encore à l’abri de l’économie de marché, on peut développer des échanges en passant par d’autres mécanismes. Mais dans la plupart des sociétés, l’entreprise est le pivot. Une entreprise peut être éthique si elle respecte un certain nombre de règles du jeu. Si elle s’engage à atténuer les conséquences de ses actes et si elle prend en compte les conséquences négatives qu’elle entraîne. Et si en échange, l’Etat et les autres acteurs se rendent compte des bienfaits qu’elle engendre.

Quelle est la perspective dans laquelle doit s’inscrire l’éthique en entreprise ?
C’est en fait une éthique globale, une réflexion sur la vision et la mission de l’entreprise, qui se décline par la suite en une démarche éthique marketing, sociale ou écologique. Je pense qu’il y a une vision globale qui consiste à se poser des questions sur le sens de l’activité d’une entreprise, ce qui la conduit à des plans d’action plus précis.

Est-ce que l’éthique est compatible avec le profit dans une entreprise ?
C’est là une question essentielle à quoi toutes les réponses sont possibles. Une chose est sûre en tout cas : ce n’est pas évident de concilier éthique et maximisation de profit. On peut cependant dire, à l’inverse, que c’est parfois le fait d’être éthique qui conduit à faire du profit. Bien se comporter permet en effet d’attirer de futurs clients et même de développer le sens des profits. Cela se décline également dans la gestion des ressources humaines. Avoir la réputation d’une entreprise soucieuse de ses salariés permet d’attirer les meilleurs profils. Je crois qu’il faut raisonner en termes d’horizons. Concilier éthique et profit à court terme ne peut effectivement pas donner une merveille. Ce n’est qu’à moyen ou à long terme que l’entreprise sera gagnante. À court terme, peut-être qu’il faut se priver d’un certain niveau de gain au profit de l’éthique, ou l’inverse. C’est-à-dire que l’entreprise se prive d’une certaine éthique parce qu’elle veut réaliser du profit tout de suite. C’est plus un choix à faire.

Pour le cas du Maroc, parler d’éthique en entreprise est un luxe ou une nécessité ?
L’éthique pose la question du degré de liberté. Et donc plus on est contraint, moins les questions d’éthique sont importantes. Effectivement, pour les entreprises marocaines, et c’est le cas dans l’ensemble des pays en développement, les contraintes ne sont pas les mêmes qu’ailleurs dans des pays plus avancés. Et puis en même temps, c’est difficile de condamner les dirigeants des entreprises qui ne se conforment pas à une certaine éthique. Moralement, ce n’est pas toujours aussi simple. C’est plus une question de conscience individuelle et de la façon dont chacun justifie ses choix, si on en est fier ou pas.

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