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Meriem Othmani : «Faire travailler un enfant est une forme d’esclavage»

© D.R

Entretien avec Meriem Othmani, présidente de l’association Insaf

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La combat des mères célibataires n’est pas une mince affaire. Au quotidien, ces mamans et leurs enfants souffrent du regard de la société et tentent tant bien que mal d’élever leurs enfants dans la dignité. Dans ce combat, Insaf accompagne depuis maintenant près de 19 ans ces femmes, qui pour la plupart étaient des petites bonnes. Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre de Meriem Othmani, présidente de l’association.

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ALM : Comment vous engagez-vous au quotidien auprès des femmes célibataires et des enfants ?

Meriem Othmani : Personnellement, j’ai commencé le travail dans le social en 1980, il y a donc près de 40 ans. Et ça fait plus de 40 ans que j’ai beaucoup de bonheur à aider les autres. Tout le monde a envie de faire du bien et donc moi j’ai vraiment la chance de le faire au quotidien. J’ai travaillé pendant 18 ans à l’association l’Heure Joyeuse, ensuite je me suis engagée dans le travail associatif avec l’association Insaf qui défend les droits des mères célibataires. Car la population des mères célibataires est une population humiliée. Je m’explique: comment on devient mère célibataire? Dans la plupart des cas, suite à un viol ou par une arme redoutable, qui est la tendresse. C’est difficile que les gens puissent résister à la tendresse. Imaginez un peu une petite bonne qui a souvent été frappée, maltraitée, si un gentil garçon la traite de princesse elle va croire qu’il va l’épouser et elle va facilement céder à la tentation. Que se passe-t-il par la suite une fois qu’elle est enceinte ? Quelles sont les solutions qui se présentent à elle? Qu’est-ce qu’elle a comme solution? Beaucoup se suicident, d’autres commettent l’irréparable et tuent leur bébé. A Casablanca on trouve chaque année des bébés morts dans les poubelles, dévorés par les rats ou par les chats. La troisième solution c’est défendre son enfant et devenir par conséquent mère célibataire et affronter les jugements et le regard de la société. Ces mères sont très courageuses. Ce sont des femmes qui méritent le respect et je voudrais vraiment leur rendre hommage.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à agir auprès des petites bonnes?

On s’est dit qu’il faut agir en amont, qu’il fallait essayer d’éviter ça, on s’est rendu compte que beaucoup de ces mamans étaient des petites bonnes. Elles sont livrées à elles-mêmes à un âge très précoce. Imaginez bien qu’à l’âge de 6 ans, ces filles travaillent dans les maisons. Elles sont victimes d’attouchements et pas forcément par le maître de maison, ça peut être le gardien, le chauffeur, le fils du maître de la maison ou le voisin. Donc, il fallait vraiment lutter contre cette problématique terrible «d’esclavage», parce qu’il faut le dire, faire travailler un enfant est «une forme d’esclavage». En 2002, nous avons créé une section pour lutter contre le travail des enfants. Donc on a tout de suite commencé à secourir des enfants qui travaillaient dans les maisons, on les enlève aux maîtres et on les rend à leurs parents. On donne modestement 250 dirhams à la famille par mois pour qu’elle puisse mettre l’enfant à l’école. Après on suit le parcours de cet enfant jusqu’à son Bac. Actuellement, on a des centaines de filles qu’on a arrachées en quelque sorte au travail domestique. Ainsi, pour le premier programme dédié aux mères célibataires, l’Union européenne nous soutient et nous aide avec un financement pour que nous puissions mettre 1.600 femmes en formation et en réinsertion professionnelle sur 4 ans.

Comment changer le regard de la société vis-à-vis de ces mères célibataires ?

C’est mon grand souci. J’aimerais tant que les gens comprennent le courage qu’elles ont pour confronter la société. Elles ont été rejetées par leur famille, elles ont d’énormes problèmes au quotidien. Il faut aussi que les gens comprennent d’abord que ça peut arriver à tout le monde. Deuxièmement que l’erreur est humaine, une mère célibataire est une maman comme les autres, elle a le droit de vivre avec son bébé dans la dignité.

Quels sont les cas qui vous ont le plus marquée durant votre parcours ?

Les cas d’agressivité extrême de la population. Une fois, une maman s’est disputée avec une voisine. Celle-ci, prise de rage, a pris de l’eau bouillante et l’a versée sur le bébé de la mère célibataire.

Avez-vous été confrontée à des réticences par rapport à l’action de l’association ?

Non, nous sommes un peuple extrêmement gentil. Quand on explique aux gens ils nous écoutent. Comme vous pouvez le constater, l’association est située dans un quartier très populaire et jamais nous n’avons eu de réaction négative des gens. Au contraire, petit à petit on arrive à réinsérer ces femmes dans la société.

Selon vous qu’est-ce qui bloque au niveau décisionnel pour que les choses changent?

Il faut être positif. Beaucoup d’amélioration sont à noter. L’Etat quand il est sollicité essaye de résoudre les problèmes. On est quand même dans un État de droit.

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