Société

Mise au net : Réponse d’un Kapo à un Al Capone

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Kapo : «détenu(e), précise Le Petit Robert, qui est chargé(e) de commander les autres détenus, dans les camps de concentration nazis» Pour le directeur du Journal Hebdomadaire, fils –troisième du nom – de son célèbre père et petit fils de son illustre aïeul (toute une dynastie en gestation), c’est ce que nous serions, nous tous, qui avons pris sur nous l’intrépidité d’aborder sous l’angle de la moralité politique l’implication de Fadel Iraki, actionnaire de référence de deux hebdomadaires, dans une affaire de recel.
Nous avons assurément commis un lèse et offensé Leurs Altitudes les princes de la suffisance, mais rien ne saurait justifier l’outrance de l’injure, au sens juridique du terme, si ce n’est que Fadel Iraki et ses acolytes ont désormais la main dans le mot de Cambronne.
Sans surprise, la réaction n’a pas démenti les prévisions : la fuite en avant par une dérisoire tentative de politisation d’un fait divers. Et, situation aggravante pour le recel, le détournement des faits. La reprise de l’affaire par la presse unanime à lui accorder l’intérêt qu’elle mérite ne serait qu’une cabale organisée par «l’aile sécuritaire du pouvoir» contre la seule expression de la vérité au Maroc, le Journal Hebdomadaire. Cette auto-victimisation a une école, mais la ficelle est grosse : ni le Maroc n’est pas l’Allemagne nazie, ni l’interpellation d’un receleur, fut-il l’actionnaire de l’hebdomadaire, n’est pas un pogrom.
Toutes les contorsions du monde, toutes les arguties possibles et imaginables n’y changeront rien. Les faits sont irréfragables. Ils ont tout pour susciter l’intérêt de la presse: vols dans des résidences royales. Implication de noms connus. Et, pour ne rien gâcher, interpellation de Fadel Iraki qui a en sa possession non pas, comme la plupart des impliqués, un service d’une dizaine de verres en souvenir du défunt Roi, mais onze services et demi et deux carafes. C’est tout à l’honneur du palais royal de ne pas se constituer partie civile, le parquet n’a qu’à juger en son âme et conscience de la suite à donner à l’affaire. Mais au terme de la loi qui sanctionne sévèrement ce genre de délit, le recel est avéré. Si l’on sait en plus que Fadel Iraki s’adonne au négoce de toiles et d’objets d’art, toutes les interrogations deviennent légitimes, tout comme le présumé receleur, actionnaire d’un journal qui prétend à la régence de la morale et de l’éthique dans le pays, et se retrouve de par là même naturellement qualifié pour tenir le rôle inconfortable de star de l’affaire. Dès lors pourquoi feindre de s’en étonner ? De même pourquoi s’étonner que cette situation induise deux questions de fond : sans compter un quatrième larron de l’équipe, comment se fait-il que sur trois actionnaires, deux ont ou ont eu maille à partir avec la justice sur des affaires bassement matérielles, tandis que le troisième est un présomptueux impénitent ? Avec un pourcentage de délinquance aussi élevé au sein d’une population aussi réduite, tous les statisticiens vous diront que nous ne sommes plus en face d’un phénomène accidentel. A partir de là, il ne faut pas non plus s’étonner que la suspicion plane sur les changements de statut qui sont intervenus sur les sociétés éditrices du Journal Hebdomadaire et de son pendant en arabe, Assahifa. Beaucoup les ont qualifiés de faillites frauduleuses sans que nos prêtres de la vertu, chantres de la transparence, n’aient jugé utile d’en expliquer à leur public chéri la nature foncièrement mutante des deux journaux. Ce qui découle de cet agglomérat est effectivement une ligne éditoriale à mille lieues de relever de la conception immaculée. J’ai eu dans un autre article à citer deux exemples éloquents : le traitement réservé à la secte satanique et le plagiat flagrant du dossier sur les islamistes. J’y ajoute aujourd’hui un autre, le décès de Hassan Zoubaïri dans les locaux de la police. Là où tout journaliste rigoureux aurait parlé tout au plus de mort suspecte et exigé au mieux l’ouverture d’une enquête impartiale avec la participation, pourquoi pas de l’ONU, de la Croix-Rouge, voire d’un digne représentant extraterrestre pour en assurer la neutralité, le Journal Hebdomadaire conclut, sans autre forme de procès, à la mort sous la torture. Comme d’habitude, il s’érige en enquêteur, procureur, juge, avocat et exécuteur testamentaire de la sentence.
Contrairement à ce que l’on veut faire croire, le courage et la gloire ne sont pas dans l’acte de ne pas se désolidariser de son actionnaire majoritaire, mais bien de dire avec la rectitude qu’impose le discours du journal que s’il y a délit, la justice, qui devrait être la même pour tous, doit suivre immuablement son cours. Rien dans la posture du Journal Hebdomadaire n’est en porte-à-faux avec ses us et coutumes. La seule dissonance émane de la présence à proximité de ces Al Capone du journalisme, d’un homme dont on peut ne pas partager les idées mais dont on ne peut remettre en cause l’intégrité, Mohamed Sassi contraint de s’expliquer devant le congrès de son nouveau parti sur ses relations avec tel ou tel, signifiant par là sans le vouloir que nous sommes dans ce milieu devant une confluence d’eau douce et d’eau saumâtre.
Un jour on retracera, textes à l’appui, l’itinéraire de ce journal et la matrice de son discours pour mieux comprendre que dans son désamour avec le pouvoir, il n’y a rien de hautement politique. Celui-ci, bien loin de ce que nos amis vendent au public, les tolère parfaitement bien. Ce qu’il rejette en eux ce sont, pour reprendre une expression d’Alain Minc, leurs «idées en pointillé» et leur véhémence compacte. C’est élémentaire, tout pouvoir a besoin de contre-pouvoir. Il lui est même très utile dans ce sens où «contester l’essence d’un système revient à le pousser à renforcer sa cohésion.» Seulement pour remplir convenablement cette fonction, on ne peut être berger le jour et loup la nuit. Sans vouloir vous renvoyer à vos dictionnaires, quand on se porte candidat à ce genre de mission, il est impératif de faire preuve d’un minimum de cohérence.

Par Naïm KAMAL

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