Société

Mohammed Moussaoui: «Le concept du djihad mérite d’être clarifié»

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ALM : Marrakech vient d’abriter un congrès sur les droits des minorités religieuses dans les pays à majorité musulmane. Selon vous, ce rendez-vous peut-il atteindre ses objectifs ?
 

Mohammed Moussaoui: Les thématiques développées par les participants s’inscrivent dans les directions tracées par la Lettre royale et balisées par les notes de cadrage du ministre des habous et des affaires islamiques en la personne d’Ahmed Toufiq, ainsi que la note du président du Forum pour la promotion de la paix dans les sociétés à majorité musulmane Cheikh Abdellah Ben Biyah. Le concept de djihad honteusement dévoyé aujourd’hui mérite d’être clarifié, à l’instar de ce qu’avait fait le Conseil supérieur des ouléma du Royaume dans un avis qu’il avait rendu récemment dans un contexte marqué par les attentats sanglants perpétrés en France. C’est surtout l’idée de la citoyenneté contractuelle qui avait été au cœur des contributions des intervenants et qui semblait offrir un cadre intéressant dans le traitement de la problématique des droits des minorités religieuses. Cette problématique ne pouvait être mieux traitée qu’en se penchant davantage sur les droits et les devoirs du citoyen.
 
A quoi aspire une telle citoyenneté ?

Une telle citoyenneté doit viser à atteindre en priorité deux objectifs : le premier est d’assurer aux citoyens la liberté de conscience, de religion et de conviction ainsi que la liberté de pratiquer le culte de leur choix. Le deuxième est d’assurer l’égalité entre les citoyens indépendamment de leur choix en matière de religion ou de conviction. Il appartient à chaque Etat de droit de mettre en place des moyens adaptés pour garantir ces deux objectifs. Les pays musulmans qui déclarent dans leurs Constitutions que l’Islam est la religion d’Etat peuvent s’appuyer sur l’esprit des textes fondateurs de l’Islam qui prohibent toute contrainte en religion et dénoncent toutes les discriminations. La promotion d’une culture religieuse conforme à cet esprit doit mobiliser les ouléma et les institutions religieuses musulmanes. Les acteurs politiques de ces pays doivent veiller à garantir les droits et les fixer dans le cadre de la loi.
 
Après les attaques terroristes de janvier et novembre 2015, un climat de défiance à l’égard de l’Islam et de l’ensemble des musulmans s’est développé. Que pourriez-vous nous dire ?

Les extrémismes se sont toujours nourris mutuellement. Nous devons dénoncer des crimes terroristes qu’aucune cause ne peut justifier. Le terrorisme, incarnation de la barbarie, de la terreur et de la lâcheté, ne peut se prévaloir d’aucune religion ou civilisation. En même temps, nous devons dénoncer avec force les propagandes qui participent à la surenchère et aux amalgames dont les musulmans de France souffrent depuis des mois. L’explosion des actes anti-musulmans qui ont plus que triplé entre l’année 2014 et l’année 2015, est la conséquence de ces amalgames. Face aux agissements des adeptes de la surenchère et des amalgames, nous devons rester confiants dans le sens des responsabilités qui animent l’immense majorité de nos concitoyens. L’appel des institutions religieuses et civiles françaises à la vigilance face à tout amalgame qui transformerait la lutte contre le terrorisme en une stigmatisation des musulmans de France, est un gage de responsabilité.
 
Au-delà de la condamnation et de la dénonciation, que préconisez-vous pour y faire face ?

Effectivement, l’Union des mosquées de France a mis en place un plan d’action ambitieux qui vise à améliorer la formation initiale et continue des cadres religieux pour mieux interagir avec un contexte de plus en plus complexe et exigeant. Pour cela, l’UMF a initié le 30 juillet 2014 un partenariat avec l’Institut Mohammed VI de Rabat, pour la formation des imams morchidines et morchidates. Ce partenariat s’est renforcé suite à la déclaration conjointe franco-marocaine signée lors de la visite du président de la République au Maroc les 19 et 20 septembre dernier. Le contenu du prêche du vendredi, moyen d’enseignement et d’élévation spirituelle suivi régulièrement par plus d’un million de musulmans, doit répondre aux défis auxquels sont confrontés les musulmans de France. Une parole commune des imams peut s’avérer nécessaire à des moments particuliers. Il y a également l’enseignement religieux dispensé dans les mosquées, les écoles et instituts de donner aux jeunes des clefs de compréhension et des «filtres de connaissances» qui leur permettraient de faire face aux propagandes extrémistes. L’indivisibilité de la vie et de la dignité humaine, le respect de la pluralité religieuse, la préservation de la paix et la défense de la justice, sont des exemples parmi ces filtres.

De telles valeurs doivent être inculquées dès la plus tendre enfance… Quid de l’éducation dans ces processus ?

Il faut absolument aider les parents à s’investir davantage dans l’éducation de leurs enfants qui sont confrontés à des réalités complexes et à des risques accrus, notamment via Internet et les réseaux sociaux. Les imams doivent apporter toute leur aide et tout leur soutien au personnel de l’éducation nationale qui est leur premier allié dans leur mission d’éducation et de transmission des valeurs.

Le dialogue inter-religieux, qui est aujourd’hui plus que jamais une nécessité, doit se traduire au sein de nos lieux de culte, comme au sein de nos familles, par un discours accueillant et présentant avec estime et respect le choix de nos concitoyens en matière de conviction ou de religion. Appeler les femmes et hommes politiques, journalistes et intellectuels à faire preuve de davantage de discernement. Notre combat face aux extrémistes, face aux prêcheurs de la haine et de la division et contre toutes les formes de racisme et de xénophobie doit puiser toute sa force dans notre unité et notre cohésion.

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