Société

Mort pour 20dh

La salle d’audience n°7 de la chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca est archicomble. Les membres de l’assistance se bousculent pour prendre place, défaut de sonorisation oblige. Celle-ci est réservée uniquement pour les grands dossiers, nous confie-t-on.
Une dizaine de mis en cause venaient d’accéder à la salle sous la surveillance des policiers. Une femme, en djellaba verte, s’est mise debout, les yeux fondant en larmes. L’un de ses deux garçons, qui s’asseyaient près d’elle, a commencé à pleurer à haute voix. Un vrai cirque. La femme de l’accusé ne cesse de se lamenter. Et pour cause. Elle ne dort plus depuis l’arrestation de son époux, Abdellah. Chômeur, ce dernier ne se souciait guère de son foyer. De ses enfants non plus. Abdallâh n’a qu’une seule motivation dans la vie : sa dose quotidienne de vin rouge. Et pour assurer ce plaisir, tous les moyens sont bons. Il n’hésite pas à subtiliser de l’argent à sa femme. À la maltraiter, s’il le faut, pour en avoir encore. En «bonne» épouse, elle subissait ce calvaire en silence. Sans jamais penser à recourir à sa famille qui l’avait mise entre les mains de cet irresponsable. C’est elle qui se chargeait de subvenir aux besoins de sa famille. Elle travaillait de temps en temps chez des familles plus ou moins aisées et parfois elle se contentait de faire la lessive pour une employée qui n’hésitait pas de temps en temps de lui donner des habits pour ses enfants.
Avant de se marier, Abdellah travaillait dans une société de confection. Brève expérience qui allait le mener par la suite vers un chômage prolongé. La Cour n’a pas encore accédé à la salle d’audience. Le brouhaha des conversations entre les mis en causes qui venaient s’asseoir sur les bancs et leurs familles abasourdissait la salle. Atmosphère…
«Mahkama». Le président ouvre les premiers dossiers. Il reporte les uns et il classe les autres pour examen.
«Dossier n°…/05/01, Abdellah…».
Abdellah quitte le banc des accusés et se dirige vers le box, tête baissée.
«Tu es accusé de coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner et de vol qualifié…» lance le président de la cour qui continue de parcourir le PV avant de lui demander : «Que dis-tu de ces accusations… ?».
«Oui, je m’enivrais avec Hakim, c’est lui qui a payé le vin…Je ne travaille pas…» rétorque Abdellah. Ils conversaient et s’enivraient. Leurs têtes ont commencé à tourner. Deux bouteilles ont été vidées. Et il n’y a plus de vin. Abdellah avait un plaisir pour poursuivre sa soirée. Mais il n’a plus d’argent.
«Achète une autre bouteille…», demande-t-il à son ami. Ce dernier refuse. Il veut rentrer chez lui. Il ne veut plus boire. Abdellah savait qu’il disposait de l’argent. «Et pourquoi ? tu as encore de l’argent…», lui dit-il.
Mais Hakim ne voulait que rentrer chez lui. Abdellah hausse le ton. Il l’insulte. Hakim n’accepte pas l’humiliation. Les esprits se chauffent. Abdellah dégaine un couteau, se dirige droit vers son ami et lui assène plusieurs coups, jusqu’à ce qu’il tombe raide.
Abdellah commence à lui fouiller les poches. Il n’y a trouvé que vingt dirhams. Il empoche l’argent et retourne chez lui comme si rien ne s’était passé. Sa femme a remarqué ses habits maculés de sang.
«C’est quoi ça ? D’où vient ce sang ?», lui demande-t-elle, inquiète. Il ne répond pas. Puis, il se jette dans un profond sommeil.
Le lendemain, la police est venue frapper à sa porte pour l’arrêter et le conduire au commissariat. «Je ne lui ai rien volé M. le président, je l’ai poignardé parce qu’il m’a insulté et m’a qualifié de fainéant qui vit sous la tutelle de sa femme…», confie Abdellah à la Cour.
«Mais il avait de l’argent dans ses poches…», lui précise le magistrat.
«Je ne sais pas, je l’ai poignardé sans l’intention de le tuer et je suis rentré chez moi pour dormir…», explique-t-il. Et quand la Cour a prononcé son verdict en le condamnant à 30 ans de réclusion criminelle, Abdellah fond en larmes et demande pardon. Mais sans savoir à qui le demander: à son ami Hakim? à sa femme ou à ses enfants ?.

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