Société

Mustapha Rassi : «La focalisation sur l’enfant altère la libido de la maman»

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ALM : Qu’est-ce qui change sur le plan sexuel quand on devient parents ?
Mustapha Rassi : En réalité, le fait de passer de la notion de couple à celle de parents, c’est-à-dire l’arrivée d’une nouvelle personne, à savoir l’enfant, au sein du couple, nécessite un investissement psychologique très important. Devenir parents est un événement vécu, certes, d’une façon heureuse bien évidemment, mais sur le plan sexuel c’est très déstructurant. La plénitude sexuelle se heurte, désormais, à un nombre d’obstacles créés par les parents eux-mêmes. Le plus souvent c’est le moment où le couple est le plus menacé de vivre des drames sexuels, telles que la frigidité et l’infidélité. 

Comment le couple doit-il gérer sa sexualité par rapport à la responsabilité paternelle?
Dans l’ensemble, les études en la matière ont prouvé qu’il y a une réduction des rapports sexuels d’environ 30% dans les deux premières années après l’arrivée de l’enfant. Ceci à cause de la maternité qui éloigne la femme du mari étant donné qu’elle se trouve désormais contrainte à être repliée sur son enfant. Elle doit lui donner son bain, changer, le nourrir selon un rythme qui dépend du bébé, et parfois à des heures assez tardives de la nuit. Cette focalisation sur l’enfant altère la libido de la maman. Elles se trouvent en période de moindre séduction active pour le mari.
L’enfant exerce une censure sur la sexualité des parents. Parce qu’il y a toujours une peur de réveiller l’enfant ou d’être écouté par lui. Les hommes, aussi, expriment une baisse de la libido en rapport avec les modifications de l’image du corps de leurs femmes. On a généralement de gros seins engorgés de lait maternel, des vergetures partout à travers le corps, sur le ventre, sur les cuisses, en plus d’une prise de poids, etc.

Quand, au juste, le couple bascule -t-il de complices sexuels à de simples parents ?
Dès que le corps de la femme commence à se dédoubler pour porter un foetus et que la femme après l’accouchement commence à fonctionner en mode duo, le bouleversement commence à se sentir dans la vie du couple. Ainsi, il faut dire que déjà au stade de la grossesse, la sexualité connaît d’énormes limites, c’est-à-dire moins de rapports, la fatigue qui dérange la maman, la pesanteur, les vomissements parfois, et la pénétration qui doit se faire désormais en douceur pour ne pas faire de mal au foetus. Les positions sexuelles sont, aussi, limitées par un  ventre très gonflé. Après l’accouchement, il y a aussi une période qui limite la sexualité, ce sont les suites de couche qui prennent plusieurs semaines. Tout cela perturbe la sexualité du couple.

Comment doivent réagir les parents lorsqu’ils sont surpris par les enfants en plein rapport sexuel?
En fait, les parents réagissent, en général, en passant au mode pause, c’est-a-dire le couple coupe le souffle. Il arrête, essaye de camoufler et expliquer à l’enfant. Mais le vrai problème c’est quand les parents ne se rendent même pas compte qu’ils sont écoutés ou vus en plein rapport. On se trouve ainsi devant des enfants bombardés par des stimulations. Il s’en suit une destruction de l’image idéale que les enfants ont de leurs parents et les enfants deviennent psychopathologiques. Les enfants perdent, à cause de cet incident, leurs capacités à s’émouvoir et à ressentir des émotions, et parfois même à ressentir de l’excitation. Et cela dépend aussi de l’âge de l’enfant. Selon l’âge qui soit précoce ou tardif, les petits enfants ne comprennent rien mais les grands, eux, comprennent et simulent le rapport écouté ou vu comme une agression envers la maman.
Donc, il faut toujours prendre un maximum de protection pour préserver l’intimité de la relation sexuelle.

A quel âge de l’enfant, les parents doivent-ils s’abstenir de pratiquer le sexe au vu de l’enfant ?
Les sexologues conseillent de ne jamais pratiquer le sexe devant son enfant. C’est une expérience traumatisante à partir de zéro âge. Certains disent qu’il faut séparer les enfants et les mettre dans leurs chambres propres à eux-mêmes à partir de l’âge de six mois, mais moi, je suis pour la séparation à partir de l’âge de trois mois.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes ou aux vieux couples qui ne sont plus que des parents?
L’amour de l’autre, l’amour de l’enfant et le respect de soi permettent généralement de surmonter la situation. Ce sont ces trois éléments qui permettront à deux êtres de s’entendre, de vivre en harmonie et d’élever un troisième être sans aucun problème. En réalité, la sexualité épanouie c’est le fait de réussir un équilibre au sein de la famille. Certes, ce n’est pas toujours évident, mais en s’entendant et en partageant les tâches on peut y arriver. Et la sexualité, même un peu réduite, deviendra un pilier qui soude le couple.


Votre enfant vous a vus faire l’amour ? Pas de panique…
D’abord, s’arrêter tout de suite en se couvrant puis en se rhabillant. Sur le moment, on peut exprimer sa gêne. Et insister sur le fait qu’il n’aurait pas dû assister à cette scène en disant : «On est embêtés que tu nous aies vus». Ensuite, sans attendre, les deux parents, ou la mère pour la fille et le père pour le garçon, doivent parler à l’enfant. Il ne faut surtout pas faire comme si de rien n’était. Vous vous placeriez dans le déni du choc subi par l’enfant. De même qu’il ne faut pas mentir en inventant, «on jouait à la bagarre». Cela risquerait de lui donner une représentation très étrange de l’acte amoureux. Il serait encore plus déboussolé. Il faut par contre le laisser raconter l’épisode: «Tout à l’heure, qu’as-tu vu au juste»? A-t-il assisté à un baiser? À une caresse? Inutile de lui faire passer un interrogatoire qui le mettrait mal à l’aise, mais il est important qu’il essaie de mettre des mots sur ce qu’il a vu pour être rassuré. Ensuite il faut répondre à ses questions en choisissant son vocabulaire. Il faut employer des mots simples. Evitez les mots crus et les réflexions déplacées comme : «Tu nous as vus prendre notre pied». Ce qui est important, c’est d’associer l’acte avec les sentiments en disant, par exemple : «Lorsque des adultes s’aiment très fort, ils s’embrassent, ils font l’amour». Ce n’est pas le moment de se lancer dans un cours d’anatomie ou d’éducation sexuelle ! Il ne faut pas s’attarder sur les détails, car les mots peuvent exciter l’enfant et ce serait l’emmener sur le terrain de la séduction. C’est à lui, et à lui seul, de faire son apprentissage et de découvrir plus tard ce que c’est exactement que «faire l’amour». L’acte sexuel peut être perçu comme un acte violent par le tout-petit. S’il vous dit, inquiet: «Papa a fait du mal à maman», répondez-lui : «Mais non, papa ne faisait pas du mal à maman. Tu sais, quand on fait l’amour, on se serre fort dans les bras. C’est normal».

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