Société

«Nouvelle Moudawana, des avancées majeures»

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ALM : Vous avez tenu, les 23 et 24 mai  à Madrid, un séminaire sur la nouvelle Moudawana. Quels ont été les enjeux de ce séminaire ?
Mohamed Bouzoubaâ : Effectivement, nous avons tenu avec nos voisins et partenaires espagnols un séminaire consacré en partie à un échange de vues qui nous a permis certainement d’évoquer les innovations introduites par le Code de la Famille, et leur mise en œuvre à la lumière des deux années écoulées depuis l’entrée en vigueur de ce texte. Cette rencontre nous a permis de répondre à l’intérêt manifesté par nos partenaires espagnols pour cette expérience, à travers ses apports les plus significatifs, dans le domaine de la consolidation des droits de la femme, de la préservation de la dignité de l’homme et de la priorité accordée aux droits de l’enfant et à la sauvegarde de la cellule familiale, placée sous l’autorité des deux conjoints. Cette rencontre était également l’occasion de mettre en exergue les efforts déployés au niveau de la mise en place des sections de la justice de la famille afin de traduire cette priorité au niveau de l’organisation judiciaire du Royaume. Il va sans dire que, dans la même optique, l’accent a été mis sur l’élément humain et que nous avons évoqué les perspectives de coopération en vue de promouvoir les contacts et les échanges entre magistrats. A ce titre, je vous informe que nous sommes en train de finaliser la mise en place d’un réseau de coopération judiciaire internationale qui s’intéressera, entre autres sujets, à des questions relatives au droit de la famille. Tout cela permettra certainement une meilleure connaissance de nos expériences respectives.

Quel bilan faites-vous de la nouvelle Moudawana, deux ans après son entrée en vigueur ?
Il est incontestable, selon mon opinion et celle de beaucoup d’observateurs, que le nouveau Code de la famille a permis d’enregistrer des avancées majeures en matière de droit de la famille. Celles-ci ne sauraient constituer un bilan définitif eu égard aux enjeux fondateurs de ce code. Cependant, à l’issue des deux années qui se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur de ce code, des tendances positives se dégagent d’ores et déjà. La journée d’étude, organisée par le ministère de la Justice, conjointement avec les commissions de la Justice, de la Législation et des droits de l’Homme des deux chambres du Parlement, en présence d’un large auditoire composé de spécialistes de la société civile, de l’université et de la presse, a permis de passer en revue, de manière détaillée, les statistiques établissant la tendance haussière du mariage, baissière du divorce, soumis à un contrôle judiciaire accru, le caractère subsidiaire de la polygamie et l’assimilation par la société marocaine des nouvelles dispositions du Code de la Famille, telles la possibilité ouverte à la femme de contracter son mariage par elle-même, celle offerte aux conjoints de régler de manière contractuelle le sort des biens acquis pendant le mariage, ainsi que celle offerte au conjoint de recourir à des procédures plus souples de dissolution du lien conjugal, tels que le divorce pour cause de discorde ou le divorce par consentement mutuel.  Cette journée a permis également de répondre aux interrogations suscitées à cet égard. Ce constat, si positif soit-il, ne manque pas de nous exhorter à poursuivre nos efforts en vue de consolider ces acquis, forts en cela de l’optimisme qu’il nous inspire en l’avenir.

Depuis l’application de la nouvelle Moudawana, les Tribunaux de famille subissent une forte pression de la part des citoyens. Nombre de juges se plaignent, par ailleurs, du manque de moyens pour faire face à cette pression. Quelle solution pour ce problème ?
Il est évident que le Code de la famille constitue une réforme dont les aspects positifs ont largement été évoqués. Sa mise en œuvre a été accompagnée, conformément aux Hautes instructions royales, par la mise au point d’un plan d’action destiné à doter les sections de la Justice de la famille des moyens nécessaires à leur fonctionnement. L’exécution de ce plan a été engagée depuis l’entrée en vigueur du Code de la famille et sera poursuivie en vue de pallier les insuffisances qui pourraient être constatées au niveau des ressources humaines et des moyens matériels.
Cependant, l’accent ne peut être mis exclusivement sur le développement de nos moyens matériels car l’amélioration de la qualité de la Justice de manière générale, et de la Justice de la Famille en particulier, est tributaire de la réunion d’un ensemble de facteurs. C’est dans cette perspective que notre plan d’action, en cours d’exécution, est aussi axé sur la formation initiale et la formation continue des magistrats et des cadres judiciaires, dans un objectif de spécialisation. Il est axé également sur un vaste programme d’informatisation, mis au service de la proximité de la Justice. Par ailleurs, la réflexion est en cours pour promouvoir des modes alternatifs de règlement des litiges en général telles que la médiation et la conciliation. Nous pensons à cet égard que ces modes-là pourraient trouver un terrain d’application adéquat en matière de droit de la famille car la réconciliation des parties n’est-elle pas la meilleure des solutions ? Aussi, ce type de solution permettrait-il de mieux prendre en compte la dimension humaine prépondérante dans les litiges relatifs au droit de la famille.

Plusieurs citoyens déplorent les retards dans l’exécution des jugements. Une Moudawana efficace n’est-elle pas synonyme de célérité dans l’exécution de ces jugements ?
Effectivement, nous sommes convaincus qu’une justice de qualité se conçoit aussi bien eu égard au bien-fondé des jugements, qu’à la célérité de leur traduction dans les faits. A ce propos, le ministère de la Justice a fait de l’exécution des jugements l’une de ses priorités majeures. La spécificité des litiges relatifs au droit de la famille en font un impératif encore plus sensible. Cependant, cette même spécificité nous impose de raisonner autrement qu’en toute autre manière juridique. Le Code de la famille a apporté un certain nombre de solutions en vue de muscler les voies d’exécution classiques, telles les innovations en matière de procédure d’abandon de famille, les possibilités de saisie entre les mains d’un tiers, etc. Cependant, il se peut que l’exécution ne dépende pas uniquement de la bonne volonté de la personne condamnée ou de l’efficacité du moyen d’exécution mis en œuvre, mais également de la solvabilité du débiteur.
Le recours aux moyens de contrainte, prévu par la loi, peut s’avérer insuffisant pour régler le problème de manière adéquate et définitive. C’est dans ce sens que nous œuvrons pour la création du Fonds de solidarité familiale par lequel nous comptons mettre un terme à ces situations difficiles, par la mobilisation des moyens requis. Cette solution permettra certainement d’évacuer la part la plus sensible des jugements en attente d’exécution.

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