Société

On tue pour un boulot

Ahmed, son frère Abed et leur ami, Miloud viennent d’entrer à leur cellule à la prison de Oukacha. Leur état moral est au seuil de l’explosion. Ils viennent d’écouter la sentence rendue, contre eux, par le président de la chambre criminelle près la cour d’appel de Casablanca. Chacun d’eux prend un coin à la cellule, regarde les deux autres comme s’il voulait leur faire des reproches. «Nous sommes arrivés à Casablanca pour gagner notre vie et nous voilà maintenant en prison», songe Ahmed, vingt-neuf ans.
Il jete un regard sur son frère, Abed, vingt-trois ans et leur ami Miloud, vingt et un ans, puis baisse ses yeux. «Je ne sais pas ce qu’il m’a pris pour arriver à cet état de chose…» pense-t-il. Son histoire est comme un court-métrage. C’est à Ikbilène qu’il est né ; un douar d’Ighrem, dans la région de Taroudant. Un douar comme les autres où l’oisiveté occupe une grande place. Ce qui encourage les jeunes à aller voir ailleurs… Ahmed a un oncle tailleur à Casablanca.
Quand celui-ci est arrivé au douar pour rendre visite à sa famille, son frère lui a demandé de lui rendre un service. «Prends avec toi mon fils Ahmed pour qu’il apprenne quelque chose». Ahmed a dix ans. L’oncle accepte, prend l’enfant, le prend en charge. Ahmed commence à apprendre la couture. Les jours passent en un clin d’oeil. Au bout de trois ans, Ahmed n’a toujours rien appris. Il retourne chez lui, passe trois autres années chez lui. A 16 ans, il pense que les choses doivent être prise au sérieux.
Il songe à aller encore une fois à Casablanca. Mais, cette fois-ci, avec un objectif dans la vie, pour son avenir. Il commence par travailler dans un restaurant dans un quartier populaire. D’un jour à l’autre, il arrive à devenir garçon de café. Il ramasse un peu d’argent.
Ses ambitions ne s’arrêtent pas là. Il arrive en effet à devenir actionnaire dans un restaurant. Au fil du temps, son frère Abed le rejoint, travaille comme caissier dans une un établissemnt de bain-douches pour un salaire journalier de 35 dirhams. Cependant, il profitait de son temps libre pour rejoindre son frère au restaurant. Au bout de trois ans, Abed apprend le métier, devient cuisinier. Il n’a pas abandonné la caisse de la douche.
Quand il décide de regagner Agadir, il cherche quelqu’un qui pourrait le remplacer jusqu’à son retour. Il a recruté Hassan, vingt-huit ans. Quant à lui, il a travaillé dans un restaurant. Deux ans plus tard, Abed est retourné à Casablanca. Et donc Hassan s’en va chercher un autre job. Mais la dernière fois, Hassan ne veut plus.
Abed s’énerve, retourne au resto de son frère. Il n’arrive pas à concevoir d’avoir perdu ces 35 dirhams. «Je dois faire quelque chose pour l’éloigner», pense-t-il. Il recourt à son frère Mohamed et leur ami Miloud, leur demande de lui trouver une solution. «On peut l’accuser d’être un agresseur qui s’attaque aux femmes…», propose Miloud. L’idée ne plaît pas à Mohamed. «Non, non… On doit chercher une autre solution…Celle que tu proposes lui vaudrait des années de prison…et je crois que c’est mieux de l’attaquer dans la rue et de le blesser d’un coup de couteau…», leur propose-t-il. «C’est une bonne idée…», dit Abed. 8 janvier. Vers vingt heures. Les trois jeunes se rencontrent et se rendent à la douche. Vingt-deux heures sonnent. Hassan quitte la douche. Les trois jeunes le suivent.
Abed et Miloud sont armés de couteaux. La rue est déserte. Abed surprend Hassan, lui assène un coup de poing par derrière. Hassan crie au secours. Abed tente de le terrasser. En vain. Miloud lui assène un autre coup de poing. Abed sort le couteau, tente de le blesser au cou. Seulement le coup était grave. Hassan tombe à terre. Le trio prend la poudre d’escampette. Le lendemain, le propriétaire appelle Abed. Il reprend son boulot.
«Qui a tué Hassan ?», demandent les enquêteurs. Khalid, un témoin qui a vu, par coïncidence, le trio suivant Hassan, a couru quelques minutes plus tard, donner leur description à la police. Le trio a été arrêté et présenté devant la justice.
«Abed, Miloud et Ahmed sont jugés coupable d’homicide volontaire et complicité et la cour condamne le premier à 20 ans de reclusion, le deuxième à 15 ans et le troisième à 10 ans». 45 ans de prison pour 35 dirhams !

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