Société

Oujda envahie par les clandestins

Ils ont en dénominateurs communs leur jeune âge, leur extrême pauvreté et leur disposition à parcourir des centaines de kilomètres à pied pour arriver à destination. Ils affluent ces derniers temps vers la région d’Oujda. Quatre-vingt-douze immigrés, dont l’un a été évacué vers l’hôpital, ne dépassant pas la trentaine, les vêtements en guenilles, les chaussures usées par les longs trajets, l’air innocent et les yeux rêveurs, se morfondaient, vendredi dernier devant le siège de la gendarmerie royale à Béni Drar, 20 km au nord d’Oujda. Là ils ont été rassemblés.
A la vue de ce flot d’immigrés d’un genre nouveau, on se rend compte qu’on est loin de l’époque où les immigrés munis d’un visa d’entrée au Maroc, résidaient dans les hôtels de la médina dans les villes proches du Détroit du Gibraltar en guettant l’occasion propice pour la traversée de la mer.
La nouvelle génération d’immigrés, qui se caractérise par son dénuement, brave les dangers et entreprend des expéditions périlleuses à destination de contrées inconnues d’Afrique et franchit à plusieurs reprises les frontières algéro-marocaines.
Abdoulaye Olowim (24 ans), qui est parti du Mali vers la Libye à la fin de 1999, avait touché à plusieurs métiers. Il a été jardinier, ouvrier de bâtiment, boulanger avant que son destin ne change de tournant, il y a dix jours, alors qu’il se dirigeait vers l’Europe. Comme tous les autres immigrés, Abdoulaye affirme qu’il n’a pas pu résister à la tentation de rejoindre ses amis en Espagne. A pied ou par un tout autre moyen de transport, il est passé de la Libye en Algérie, traversant les villes de Ouargla, Ghardaïa, Tiaret, puis Maghnia où il rejoint un camp abritant près de 150 autres compatriotes, mais aussi une centaine d’autres clandestins notamment des Sénégalais, des Nigériens, des Ghanéens et des Congolais.
Tous ceux qui ont été interrogés affirment n’avoir reçu aucune assistance pour s’introduire au Maroc et qu’ils suivent l’itinéraire que leur conseillent ceux qui ont tenté, avant eux, l’aventure. En outre, certains d’entre eux, qui ont été arrêtés et refoulés vers leurs pays au moins une dizaine de fois, connaissent désormais le chemin par coeur pour l’avoir emprunté à plusieurs reprises. Aux questions «quand avez-vous quitté votre pays et quand êtes-vous arrivés», la majorité des immigrés répondent : «Quel jour sommes-nous?».
Même après avoir eu connaissance de la date, ces personnes parviennent rarement à situer les évènements car ils perdent la notion de temps après les longues périodes passées dans des refuges.
Khalifa, la trentaine, ne possédant pas de passeport, parlant un français approximatif, affirme qu’il lui a fallu une année pour faire le trajet Mali-Oujda où il a été arrêté pour la deuxième fois. Les gerçures de ses mains, l’expression de son visage, ses habits en haillons sont autant de marques de la souffrance qu’il a dû endurer tout au long de l’année. Après avoir franchi le poste-frontière Borj Baji Mokhtar, Khalifa a traversé Tamenrasset, Ghardaïa, Maghnia passant le plus clair de son temps caché dans des refuges près de Maghnia en compagnie de près 200 Maliens et d’autres immigrés en provenance d’autres pays.
Cette nouvelle génération d’immigrés a juste de l’argent pour la nourriture, peu d’effets. Peu d’entre eux envisagent sérieusement de retourner au pays et la plupart d’entre eux comptent faire d’autres tentatives pour franchir la Méditerranée afin de rejoindre l’Eldorado et d’autres contrées plus prometteuses. La traversée ne sera pas de tout repos et le transit sera dur.

• Ahmed Ghailan (MAP)

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