Société

Palestiniens et Israéliens pris au piège

© D.R

Dans son édition du vendredi 20 octobre 2006, tiré à plus d’un million d’exemplaires, le populaire quotidien de droite Yediot Aharonot révélait que l’Iran aurait offert à Khaled Mechaal, le chef du Hamas extérieur basé à Damas, 50 millions de dollars, pour faire échouer les négociations en vue de l’échange du caporal israélien Gilad Shalit contre des centaines de prisonniers palestiniens (femmes, enfants, condamnés ayant purgé plus de 20 ans de détention). C’était un mauvais coup porté aux efforts entrepris par l’Egypte, l’Autorité palestinienne et Israël pour parvenir à dénouer cette crise. Quant aux pourparlers en vue de la création d’un cabinet palestinien d’union nationale, ils sont au point mort et les affrontements entre membres des forces de sécurité du Hamas et du Fatah se multiplient. Le 20 octobre, le convoi du Premier ministre, Ismaël Haniyeh, a été pris sous les tirs de proches d’un milicien du Fatah abattu par les hommes du Hamas. Devant la détérioration de la situation, qui s’étend à la Cisjordanie, Abou Mazen a décidé de nommer à la tête des forces de sécurité en Cisjordanie un ancien fidèle de Yasser Arafat, le général Ali Jaber, réputé être un homme à poigne. Une nomination contestée par le gouvernement palestinien puisque le ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Zahar, a fait savoir que son mouvement, le Hamas, entendait renforcer l’implantation de ses propres forces de sécurité en Cisjordanie.
L’échec de la médiation tentée par l’émir du Qatar et le refus du Hamas de souscrire aux recommandations de l’initiative de paix soutenue par les pays arabes modérés, laissent craindre une aggravation de la crise politique dans les territoires d’autant que Mahmoud Abbas n’a pas renoncé à son idée de constituer un cabinet composé de technocrates qui se substituerait au gouvernement d’Ismaël Haniyeh jusqu’à la tenue de nouvelles élections législatives palestiniennes. Du côté israélien, des incertitudes continuent à planer sur l’avenir de la coalition gouvernementale dirigée par Ehoud Olmert. Certes, le Premier ministre a marqué un point, le dimanche 22 octobre, en faisant adopter par le cabinet, à une voix de majorité, le projet de création d’un régime présidentiel défendu par le dirigeant d’Israël Beïtenou. Avigdor Lieberman, qui en faisait la condition sine qua non de son entrée au gouvernement.
Les ministres de Kadima et le chef du Parti des retraités, Raffi Eytan, ont voté pour, les ministres du Shass, le parti religieux orthodoxe sépharade, et les ministres travaillistes ont voté contre; cependant qu’un membre du Parti des retraités, Yaacov Benizri, s’abstenait.
Dans Haaretz, un analyste souligne que l’entrée, probable désormais, d’Avigdor Lieberman au gouvernement constitue indéniablement un succès pour un chef de gouvernement qui se trouvait en piteuse posture : «Qui aurait pu penser qu’après la guerre, Ehoud Olmert, principal responsable de cette entreprise vouée à l’échec, deviendrait l’un des Premiers ministres disposant d’une des plus stables et des plus larges majorités ?» Avec 77 députés, Ehoud Olmert obtient une majorité dont jamais ne disposa aucun chef de gouvernement, pas même David Ben Gourion à l’époque du Mapaï (la formation dont est issu le Parti travailliste actuel).
En fait, selon l’analyste précité, la seule guerre qu’aient remporté Olmert et Lieberman, c’est celle qu’ils ont menée contre Benyamin Netanyahou qui, de chef d’une opposition parlant haut et fort, se retrouve désormais réduit au rang de simple porte-parole d’un groupuscule de 12 députés. Ceci pourrait compromettre son avenir sur la scène politique israélienne et ramener les déçus du Likoud vers Israël Beïtenou ou vers le deuxième parti russe que s’apprêterait à fonder Arkady Gaidamak. Que feront les Travaillistes si Avigdor Liberman devient leur collègue au sein du gouvernement ? La semaine dernière, Amir Peretz, leur chef et actuel ministre de la Défense, avait fait savoir qu’il quitterait la coalition. Il espérait en effet pouvoir constituer une coalition de remplacement comprenant Gil, le Parti des retraités, des élus de Kadima hostiles au projet d’Avigdor Lieberman, le Shass ainsi que le Meretz, le parti de la gauche laïque dirigé par Yossi Beilin. Mais les membres du Meretz sont hostiles à la fusion projetée avec un Parti travailliste dont ils prédisent l’éclatement prochain. A moins qu’Amir Peretz ne parvienne à les convaincre que cette solution est la seule possible pour permettre la reprise du dialogue avec les Palestiniens en vue de la conclusion d’un accord visant à garantir définitivement la sécurité d’Israël et la création d’un Etat palestinien. Mais il s’agit là d’une perspective de longue haleine. Pour l’heure, Amir Peretz accuse le coup et espère que le Comité central du Parti travailliste donnera son aval à l’élargissement de la coalition, lui permettant ainsi de sauver la face. Il est vrai que, s’il est hostile à Avigdor Lieberman, Amir Peretz doit compter avec l’avis, différent, de plusieurs ministres travaillistes, en particulier Benyamin Ben Elieze, Yitshak Herzog et Shalom Simchon, favorables à l’arrivée du dirigeant russe. L’essentiel de la vie politique israélienne est occupé par les polémiques autour de la succession du président de l’Etat, Moshé Katsav, compromis dans une affaire de viol et de harcèlement sexuel, qui pourrait le contraindre à devoir démissionner. C’est ce qui lui demande une lettre qui lui a été adressée, le 23 octobre, par la Cour suprême et dont une copie a également été transmise au conseiller juridique du gouvernement. Les prétendants à sa succession sont légion. Ehoud Omert avait tenté de proposer un candidat consensuel en la personne de l’écrivain juif américain Elie Wiesel, rescapé de la Shoah et Prix Nobel de la Paix. Ce dernier a décliné l‘offre, estimant qu’il n’en était pas digne. Cette suggestion avait provoqué la colère d’un autre Prix Nobel, Shimon Peres, qui se verrait bien occuper le fauteuil présidentiel que lui avait déjà ravi, il y a six ans, Moshé Katsav, membre du Likoud. Mais si l’opinion publique est en faveur de cette solution, ce n’est pas le cas des députés auxquels revient la charge d’élire le président. Selon un sondage publié par le journal Maariv, seuls 16 d’entre eux sur 120 seraient disposés à lui apporter leurs suffrages. Shimon Peres serait donc battu et prendrait le risque, s’il maintenait sa candidature, d’entrer, selon la féroce expression de l’éditorialiste Ben Caspit, «dans le panthéon international des looser». Cela explique que, selon des proches d’Ehoud Olmert, Shimon Peres n’ait pas encore officiellement acte de candidature.
La classe politique israélienne n’est pas la seule à être victime de ces scandales et de ces rumeurs. C’est ainsi que le Grand Rabbin sépharade d’Israël, Shlomo Amar, originaire de Casablanca, est accusé par un rabbin anonyme, dont les propos ont un certain écho dans les milieux religieux, d’avoir pris des libertés dangereuses avec la stricte application de la Halakha, la jurisprudence rabbinique.
Ces différents péripéties, tant du côté palestinien qu’israélien, sont d’autant plus regrettables qu’elles visent à masquer l’essentiel, à savoir que les choix des uns et des autres détermineront l’avenir de la région et celui de leurs enfants. Leurs querelles parraissent donc bien dérisoires par rapport à ce formidable enjeu qui apportera à chacun la satisfaction de ses aspirations nationales après des décennies de conflit.
La reprise des négociations entre Israéliens et Palestiniens permettrait en effet de voir s’éloigner de la région «la menace nucléaire iranienne» dont Ehoud Olmert s’est entretenu la semaine dernière avec le président Vladimir Poutine en effectuant une visite officielle de trois jours en Russie, le pays dont son père, Mordekhay Boroboslan, est originaire. Ehoud Olmert s’est dit l’héritier d’une longue tradition historique de dialogue et d’aspiration à la paix cependnat que le président russe affirmait que «seule la négociation permetterait d’arrêter ou de ralentir le programme nucléaure iranien». Et Vladimir Poutine a pris l’initiative d’envoyer, dans les jours à venir, une délégation russe en Israël afin d’étudier une solution pacifique du conflit virtuel avec l’Iran.
Ce serait pour les Israéliens une manière de se délivrer de leur dépendance à l’égard des Etats-Unis, qui appellent de leurs vœux une confrontation armée avec le régime de Téhéran et qui s’opposent à l’ouverture de négociations entre Israël et la Syrie, des négociations auxquelles le président syrien Bachar al Assad s’est déclaré prêt. La conclusion d’un accord israélo-syrien, notamment sur la restitution du Golan occupé depuis 1967, permettrait aux Palestiniens du Hamas de se libérer de la tutelle de Téhéran et d’envisager sérieusement la mise sur pied d’un gouvernement d’union nationale avec  le Fatah, capable de relayer l’initiative de paix des pays arabes modérés. Une manière comme une autre de démontrer que tout, dans la région, du plus dérisoire, au plus sérieux, est inextricablement lié.

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