Société

Paroles, paroles…

Ahlam n’avait jamais remarqué que la signification de son prénom était le pluriel du nom «rêve». Elle n’avait jamais pensé que les rêves puissent ne pas se réaliser, s’évaporer, devenir un moyen de destruction. Mais elle a fini par l’apprendre -à ses dépens – en un mois, un laps de temps insignifiant dans la vie de l’être humain.
Ahlam est une jeune fille de dix-huit ans, svelte, aux cheveux toujours élégamment coiffés, sourcils fins et bien dessinés. Une tête bien faite, comme on dit. Elle est la princesse du lycée ou elle poursuit ses études, à Kasbat-Tadla, en deuxième année d’enseignement secondaire. Et elle est également brillante, elle ne rate pas ses cours. Elle n’a pas d’autres souci que ses études.
Samedi 2 mars. Dix-sept heures. Ahlam vient de sortir du lycée, marchait seule, à destination du domicile familial. Elle n’aime pas trop bavarder avec ses camarades et amies de la classe. C’est son habitude depuis son premier jour à l’école. Elle poursuit son chemin, toute seule, ne se rendant pas compte de ce qui l’entoure. Tout à coup, un coup de klaxon la fait sursauter. Elle tourne, très vite, sa tête à sa gauche ; un simple mouvement involontaire. Seulement elle fut surprise par le conducteur qui lui souriait. Elle reprend son chemin. L’automobiliste klaxonne encore et encore. Elle accélère ses pas, arrive chez elle, accède à son domicile.
Le dimanche est un jour de repos. Mais le lundi…il est là encore, en train de la suivre. Elle ne ralentit pas sa marche, accélérant même, comme si elle craignait quelque chose. L’automobiliste finit par s’arrêter, descendre et s’adresser à elle. Elle ne ralentit pas ses pas, continuant à marcher plus vite qu’auparavant comme si elle faisait une course.
-Attends un peu que je te parle mademoiselle…lui demande-t-il.
Elle ne répond pas, ne lève pas son visage vers lui, les yeux rivés au sol. Il reprend gentiment ses paroles : -«Je suis animé par de bonnes intentions…je te demande de me donner une occasion pour t’exprimer mes sentiments…je n’ai que quelques semaines au Maroc et ensuite je retournerai en Italie…».
Le mot «Italie» a résonné dans ses oreilles. Pour la première fois, elle lève les yeux pour voir le jeune homme. Jilali, trente-sept ans, ressortissant marocain en Italie depuis dix-sept ans. Il avait émigré clandestinement, mais il a régularisé sa situation depuis une dizaine d’année. Elle échange un sourire avec lui, comme si elle lui donnait le feu vert pour continuer à parler…
-«Je crois qu’il n’est pas convenable de te parler comme ça…et cela pourrait te porter atteinte de la part des curieux…Est ce qu’on peut se voir demain ?», lui demande-t-il galamment. Elle se contente de libérer entre ses lèvres un beau sourire.
-«Tu seras libre vers dix-sept heures demain ?» Elle répond affirmativement de la tête.
Mardi. Dix-sept heures sonnent. Ils se rencontrent. C’est la première fois qu’elle monte en voiture, avec un inconnu. Elle ignore quelle force la possède pour s’aventurer ainsi. C’est une vraie aventure pour elle. Il lui parle de lui, de ses aventures en Italie, de ses relations, de la fortune qu’il a amassée durant ces années, des terres agricoles qu’il a achetées…et de son coeur qui a battu la chamade lorsqu’il la vue la première fois.
Elle rougit de pudeur, mais aussi de plaisir sent une sincérité dans ces paroles mielleuses. Lorsque dix-huit heures sonnent, il regarde sa montre et la surprend :
-« On doit partir maintenant parce que tu dois rentrer tôt chez toi. Tu ne dois pas donner l’occasion aux curieux qui cherchent à porter atteinte aux filles… »
Elle sent son estime envers lui augmenter. « Un jeune homme qui se préoccupe de moi avec autant de sincérité ? . Et enfin, elle commence à rêver à devenir l’épouse de Jilali. Une semaine de rencontres, de cadeaux, de rêves, est suffisante pour qu’elle devienne éperdument amoureuse de lui. Il n’a jamais osé, durant ces jours, la toucher ou lui demander quoi que ce soit.
La dernière semaine de mars, il la rencontre, le matin. Elle monte à l’intérieur de la voiture, ne lui demande pas sa destination. Il conduit, lui parle de l’avenir qui les attend. Ahlam est absorbée par les rêves, les monts et merveilles que lui promet son prince charmant. Il s’arrêtent près de la forêt d’Aït Ouârda. Ils descendent tous deux, s’assoient sur un drap, l’un à côté de l’autre. Il est toujours en train de la noyer de ses sublimes paroles. Elle ignore comment elle s’est retrouvée dans ses bras, lorsqu’il l’a attirée tout doucement. C’est comme si elle attendait ce mouvement de lui. Ahlam se noie dans les rêves et le plaisir au point qu’elle l’a laissé faire… Lorsqu’ils se séparent, il lui demande de se rencontrer le lendemain. Mais il ne vient pas au rendez-vous. Elle lui téléphone. Pas de réponse. Elle finit par apprendre qu’il est retourné en Italie. Elle porte plainte. Et elle attend qu’il revienne pour être arrêté. Mais c’est trop tard, du moins pour elle. Elle qui a tout perdu, même l’estime que sa famille lui portait.

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