Société

Pour se venger, il tue son fils

«Pourquoi est-ce que je recherchais tant le malheur ?», s’est interrogé Lahcen quand il s’est retrouvé dans le box des accusés. Il tournait la tête dans tous les sens de cette salle archicomble, la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca, comme s’il cherchait quelqu’un. Il paraissait alors si maigre dans ses vêtements, si vulnérable. Rien à voir avec les accusations dont il faisait l’objet, accusations qui faisaient de lui un homme méchant, cruel et vulgaire.
Avant ce jour, Lahcen s’était d’ailleurs souvent mal comporté sans qu’il ait jamais eu à se soucier des conséquences. Il a toujours agi comme s’il n’avait aucun but dans la vie. Or, le jour où il s’est retrouvé dans ce tribunal, face à cette réalité frappante, il s’est bien rendu compte que cette fois-ci, il avait eu tort. «Mais je suis sûr que c’est trop tard…trop tard pour faire les comptes», pensait-t-il. Pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt, avant que le mal ne soit fait ? Quand il est né en 1967 au douar Amragh, commune Aglon, Caïdat Ouled Jerrar, province de Tiznit, Lahcen avait fait la joie de ses parents. Il était l’aîné et le couple ne voulait pas qu’il reste sans avenir comme la plupart des enfants du douar. «On doit le mettre à l’école, il ne doit pas rester à courir dans les champs…», disait sa mère. Lahcen est donc allé à l’école et ses parents n’ont pas épargné le moindre effort pour l’aider à poursuivre ses études. Mais en vain.
En 1986, le jeune a abandonné ses études pour tomber dans le chômage et l’oisiveté. Puis un jour, il a décidé d’aller à Casablanca comme le font souvent les jeunes. «Je n’ai rien à faire au douar, il faut que je regagne Casablanca. Je veux rejoindre Saïd, Bouchaïb et les autres pour travailler», a-t-il confié à sa mère. Cette dernière ne voulait pas que son aîné parte, consciente que cette grande ville ne fait qu’avaler les «fils du douar». Elle ne lui a pourtant rien dit, préférant laisser son fils réaliser son rêve. Lahcen a même été aidé par ses deux parents au début de son aventure. Dès qu’il est arrivé à Casablanca, il s’est mis à travailler dans une société de construction, puis est devenu gardien dans une villa. C’est alors qu’il a commencé à voir Mina.
Mina est née en 1975 au douar l’Aounate, province d’El Jadida. Elle est issue d’une famille pauvre et elle n’est jamais allée à l’école. Comme Lahcen, elle a quitté son douar pour regagner Casablanca et y trouver un travail. Quand Lahcen a vu Mina pour la première fois, il est tout de suite tombé amoureux d’elle. Et les deux jeunes ont fini par se marier et vivre dans une chambre du quartier Oukacha. Durant trois années, ils ont vécu très heureux. Pourtant, un jour, leur relation s’est détériorée. Comment et pourquoi ? Ni lui, ni elle ne pourraient l’expliquer. Lahcen a commencé à rouer son épouse de coups. Ses mauvais traitements sont devenus quotidiens, sans raison apparente. Mina souffrait en silence. Un jour, une voisine lui a raconté avoir vu son mari avec une autre femme au centre-ville de Casablanca. Mina était hors d’elle et ne savait pas quoi faire. Elle n’avait jamais pensé que son époux pourrait la rejeter un jour. Car Mina continuait d’aimer Lahcen malgré sa méchanceté et sa cruauté. Elle a donc décidé de garder son calme avant de pouvoir vérifier les dires de sa voisine. Depuis ce jour, elle s’est donc mise à épier son mari et à le suivre. Jusqu’au jour où elle l’a pris en flagrant délit et dénoncé à la police. Lahcen et la femme qui l’accompagnait ont été arrêtés. Une fois au commissariat, Lahcen a présenté son acte de mariage avec cette autre femme, Zahra. Née en 1977 au douar Ouled Amer, province de Kénitra, elle aussi avait dû quitter sa famille pauvre pour regagner Casablanca. Elle avait trouvé un emploi chez une famille résidant tout près de la villa où Lahcen était gardien. C’est ainsi qu’ils se sont rencontrés. Et mariés. A cette date, Lahcen ne pensait déjà plus à Mina et la laissait sans le moindre sou. Sa première femme était devenue mendiante. Zahra, par contre, lui a bientôt donné un petit garçon, Youssef. Et ce second mariage semblait rendre Lahcen heureux, jusqu’à ce que, un jour, il change encore de comportement. Pourquoi ? Lahcen s’est mis à douter de sa femme. «Tu accompagnes des hommes», lui a-t-il lancé un jour. Zahra avait beau nier et pleuré, il ne la croyait pas. Il a même fini par chasser sa seconde épouse de chez lui, ainsi que leur enfant. «Ce n’est pas le mien, il est l’enfant des autres», lui a-t-il crié. Zahra s’est aussitôt rendue chez sa soeur, au douar Ouled Ahmed, à Dar Bouâzza.
Le 9 décembre. Vingt heures sonnent. Lahcen arrive au douar Ouled Ahmed, se cache près de la maison de sa belle-soeur. Vers vingt-deux heures. Une voiture s’arrête devant la demeure et une femme descend. «C’est elle», pense-t-il tout en restant caché jusqu’aux environs d’une heure trente du matin. Il escalade alors un poteau et s’introduit dans la maison sans attirer l’attention. Tout est obscure. Il se faufile près d’une chambre. Quelques minutes plus tard, Zahra sort. Il la surprend. Elle s’enfuit sans crier. Il tente de l’attraper.
En vain. Elle parvient jusqu’aux toilettes et s’enferme. Lahcen rentre dans une chambre et trouve Youssef, son enfant. Il le saisit et lui ôte ses vêtements. L’enfant qui ne comprend rien, pleure et crie, jusqu’à ce que Lahcen lui donne un coup de couteau dans la gorge. Il vient d’égorger l’enfant. Quand il a regardé les juges entrer dans la salle d’audience le jour de son procès, Lahcen a crié : «Je mérite n’importe quelle sentence rendue contre moi». Le verdict est en effet tombé : la prison à perpétuité.

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