Société

Quand l’entreprise change de propriétaire

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Que devient le contrat de travail d’un salarié d’une entreprise qui change d’employeur ? L’article 19 du code du travail est clair: Tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Les tribunaux considèrent qu’il y a transfert d’entreprise dès qu’il survient une modification dans la situation juridique non seulement par succession, vente, fusion ou privatisation, mais également par le contrôle du capital social par de nouveaux dirigeants. Le rachat ou la reprise d’une partie autonome d’entreprise est considéré comme transfert d’entreprise. En cas de transfert d’entreprise, tous les contrats de travail sont repris avec maintien de l’ancienneté acquise, de la qualification du salarié et de sa rémunération, y compris les avantages en nature ou en espèces. (Arrêt de la cour suprême n° 2247 du 24 septembre1990, dossier social n°3950/89 et arrêt de la cour suprême n° 79 du 18 février 1980, dossier social n° 86515).
Pour qu’il y ait transfert d’entreprise, l’activité doit être cédée dans tous ses éléments essentiels, avec les mêmes moyens techniques qu’auparavant. Par exemple, en passant du service d’un employeur à l’autre, le salarié continue le même travail, avec les mêmes moyens matériels, dans les mêmes locaux. En revanche, le salarié ne peut exiger le maintien de son contrat de travail dès lors que l’entreprise cesse toute activité et qu’une autre entreprise acquiert seulement certains éléments de celle-ci (le matériel, par exemple). Il y a, dans ce cas, perte d’identité  et l’activité est différente.
(Arrêt de la cour suprême n° 817 du 28 juillet 1928, dossier social 229/4/1/97).
Le transfert  peut concerner l’entreprise tout entière ou seulement un secteur de celle-ci, ce qui compte, c’est que l’activité partiellement transférée conserve son autonomie. Par exemple, si une société vend des meubles et qu’elle cède un atelier de menuiserie à une autre société uniquement chargée de travaux de menuiserie, le secteur transféré conserve son autonomie.  Une convention entre les deux sociétés ne peut pas faire obstacle à la règle du maintien des contrats de travail.
Lorsqu’une ville confie la concession à une entreprise, de la distribution de l’eau et de l’électricité, en remplacement d’une autre entreprise, les contrats de travail doivent être transférés au nouvel employeur. (Cas de la société Lydec qui a pris la suite de la RAD). L’exploitation de la concession porte bien sur une entité économique autonome existante puisqu’il y a des installations et du personnel.
En revanche, le principe du maintien du contrat de travail n’est pas applicable lorsque les éléments essentiels de l’entreprise ne font pas l’objet du transfert. C’est ainsi que si une entreprise de banque passe un contrat avec une entreprise extérieure de gardiennage et que ce contrat n’est pas renouvelé à son terme, les salariés de l’entreprise de gardiennage ne passent pas au service de celle qui sera appelée à la remplacer.
En cas de décès de l’employeur, dans le cas où celui-ci est une personne physique, tous les contrats en cours au jour du décès de l’employeur subsistent entre les salariés de l’entreprise et le ou les successeurs. Ces derniers prennent, vis-à-vis du personnel, la suite des obligations de l’employeur décédé, notamment en ce qui concerne le montant des salaires, des indemnités de licenciement et des indemnités de congés payés. Le décès de l’employeur ne libère pas son successeur de respecter le préavis. (Arrêts de la cour suprême  n° 221 du 21 mars 2000, dossier social n° 635/5/1/99, Arrêt n°576 du 12 juillet 1993, dossier social 9717/90 et arrêt n°681 du 19 juillet 2000, dossier social n°202/5/1/2000).
La jurisprudence ne considère pas le décès de l’employeur comme un cas de force majeure, le salarié, dont l’employeur est décédé, a droit aux indemnités de préavis et de licenciement. (Arrêt de la cour suprême n° 249 du 25 avril 1988, dossier social 8521/1987).
Conséquences du maintien des contrats de travail : le salarié se trouve automatiquement au service du nouvel employeur et son contrat de travail se poursuit dans les mêmes conditions. En effet, le nouveau propriétaire, ou gérant, est tenu à son égard de l’ensemble des obligations qui incombent à son ancien employeur à la date de la modification. Toutefois, cette garantie n’est pas accordée si le transfert a eu lieu dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire ou si une entreprise change de prestataire de services (pour exploiter une ligne de transport par exemple, ou pour assurer le nettoyage) sans qu’il y ait eu de convention entre les sociétés exploitantes.
Le salarié conserve les droits individuellement acquis en vertu du contrat de travail signé avec son précédent employeur. C’est le cas, notamment, de son ancienneté depuis la date à laquelle il a été embauché.
Si le nouvel employeur dépend de la même convention collective, celle-ci continue de s’appliquer. Si le nouvel employeur désire licencier son salarié, il peut le faire, mais il doit justifier d’une cause valable de licenciement. Le plus souvent, il s’agira d’un motif économique ou d’une modification substantielle du contrat de travail pour réorganisation de l’entreprise. Il doit lui verser des indemnités de licenciement et, éventuellement, de préavis calculées en prenant en compte son ancienneté acquise au service de l’employeur précédent. Certains salariés (souvent des cadres) sont mis, par leurs employeurs (souvent des sociétés de groupe) à la disposition d’autres entités juridiques, filiales de la société de groupe. Les droits acquis de ces salariés sont-ils transférables ? Cela dépend de la nature de la mise à disposition : détachement, mutation ou transfert.
Détachement : lorsque le salarié est mis par son employeur à la disposition d’une autre entreprise en vue d’y accomplir une certaine mission, il est considéré en situation de détachement. Le détachement intervient fréquemment au sein des sociétés appartenant au même groupe, unies par des liens juridiques ou économiques. Le détachement est utilisé pour une mission limitée dans le temps et dans l’objet, il ne peut durer des années ou avoir pour but d’écarter le salarié de son entreprise d’origine en le mettant à la disposition d’une autre du même groupe. Lorsque le détachement fait l’objet d’un accord, un écrit devra préciser les droits et obligations des parties réglementant la nouvelle situation. L’écrit devra préciser notamment l’objet de la mission ayant justifié la mesure et en fixer la durée.
Si le détachement se prolonge, sans tenir compte de son caractère provisoire ou de la mission assignée, et que l’entreprise d’accueil exerce à l’égard du salarié tous les pouvoirs de direction et de gestion, celle-ci est considérée par la jurisprudence comme seul véritable employeur. Il s’agit dans ce cas d’un transfert et non de détachement. Ainsi , est considéré comme transfert et non un détachement le fait que l’entreprise d’accueil employant à plein temps le salarié, le rétribue directement, verse ses cotisations sociales et le soumette à des directives précises quant au travail. Lorsque la mesure prend la forme de directives données par l’employeur, le détachement est considéré comme rupture s’il apporte une modification substantielle au contrat de travail. (Arrêt de la cour suprême n° 390 du 03 mai 1982, dossier social n° 92925).
Le salarié "détaché" qui, après avoir passé plusieurs années au service de l’entreprise d’accueil durant lesquelles celle-ci assurait le versement de ses salaires et ses cotisations sociales, se voit notifier la fin de son détachement et sa réintégration à son entreprise d’origine, est considéré comme licencié, le détachement étant, en fait, un transfert définitif.
Transfert : il y a transfert lorsque deux entreprises (généralement appartenant au même groupe) se mettent d’accord sur le passage d’un salarié (avec l’accord de celui-ci) de l’une à l’autre. Il y a donc rupture définitive du contrat initial et conclusion d’un nouveau contrat. Une telle opération entraîne la liquidation des droits du salarié (salaires dus, primes, congés, indemnités diverses…).
Le salarié ne peut faire valoir, vis-à-vis de son nouvel employeur, l’ancienneté acquise dans l’entreprise précédente, sauf si l’accord de transfert le prévoit. Il en va de même pour les autres avantages.
Mutation : la jurisprudence ne paraît pas faire de différence entre le transfert et la mutation d’un salarié dès lors que les conséquences sont les mêmes. Il y a lieu de noter que la mutation est une pratique réservée aux filiales et sociétés d’un même groupe unies par les liens juridiques ou économiques, lesquels confèrent au salarié le droit de s’adresser indifféremment aussi bien aux filiales ou sociétés auprès desquelles il a été muté qu’à la société mère, bien que celle-ci ne l’ait jamais employé, pour réclamer ses salaires ou ses indemnités en cas de licenciement.
Les sociétés entre lesquelles a eu lieu la mutation sont considérées, par la jurisprudence, des employeurs ou au moins débiteurs, la responsabilité de la  société mère est retenue du fait de sa gestion de l’ensemble du groupe et de ses pouvoirs et initiatives des licenciements et mutations.

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