Société

Quel statut pour les employés de maison ?

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Le code du travail prévoit, dans son article 4 que l’activité des employés de maison sera réglementée par une loi spéciale. Cette loi constituera, en fait, un statut particulier. Il existe plusieurs catégories de salariés dont l’activité est réglementée par des statuts particuliers, comme les travailleurs dans des mines, les journalistes, les VRP (représentants de commerce), les concierges d’immeubles à usage d’habitation, etc… Chacune de ces activités présente des particularités qui ont poussé le législateur à prévoir des dispositions particulières. Cependant, il faut préciser que ces catégories de salariés, ainsi que leurs employeurs sont, d’une part, soumis à l’ensemble des règles prévues par la législation du travail et, d’autre part, par le statut particulier qui prévoit des dispositions particulières selon l’activité de la catégorie. Nous pensons, à ce sujet, que le statut particulier des employés de maison sera traité autrement car on ne peut pas assimiler le chef de famille qui gère sa maison dans la "stricte intimité" au chef d’entreprise qui, lui, est tenu de gérer son entreprise dans le cadre d’un arsenal juridique complexe que constitue la législation du travail.
Quels sont les employés de maison? Est considéré comme employé de maison, la femme de ménage (domestique), le cuisinier, le jardinier, le chauffeur, le gardien et généralement toute personne travaillant dans une maison.
Un employé de maison est une personne qui travaille dans un domicile et non dans une entreprise, son employeur est un chef de famille et non un chef d’entreprise, c’est pour cette raison que l’employé ne pourra, à notre avis, bénéficier que des dispositions qui feront l’objet du statut particulier réservé aux employés de maison, contrairement aux autres catégories de salariés exerçant leur activité dans des entreprises et qui bénéficient , d’une part, des dispositions particulières prévues par leur statut particulier et, d’autre part, de l’ensemble des dispositions générales de la législation du travail
Certains pensent que, pour protéger les employés de maison, il suffit de décréter une loi les assimilant aux salariés de droit commun du travail, ils bénéficieront, ainsi, des droits et avantages prévus par le code du travail. Cela signifie tout simplement que le chef de famille sera tenu :
– De payer à l’employé, au moins, le Smig (actuellement de l’ordre de 2.000 dh),
– De le faire bénéficier de congés annuels, des jours fériés, des absences régulières à l’occasion de certains événements familiaux,
– De lui assurer un environnement de travail irréprochable au niveau de l’hygiène et de la sécurité,
– De ne pas l’occuper pour une durée journalière supérieure à 8 heures, ou 44 heures par semaine,
– De lui payer les heures supplémentaires, au-delà de 8 heures par jour, avec majoration de 25 %, 50% et 100% selon le cas,
– De tenir une comptabilité régulière pour le paiement des salaires, congés annuels payés et autres,
– De conserver cette comptabilité pendant plusieurs années en la mettant à la disposition de l’inspecteur du travail à qui la loi confère le pouvoir de rentrer au lieu du travail, sans autorisation,
– De le déclarer à la CNSS, en payant les cotisations, l’AMO et l’impôt sur salaire,
– De l’assurer auprès d’une compagnie d’assurances contre les accidents du travail,
– de répondre à la convocation de l’inspecteur du travail et, enfin,
– De répondre à la convocation du tribunal auquel le chef de famille devra élire domicile, puisque les affaires judiciaires traînent pendant plusieurs années, etc…
Cette loi d’assimilation étant impensable, le législateur devra choisir parmi ces dispositions celles qui seront urgentes et indispensables pour instituer un cadre juridique mais également les moins contraignantes pour les ménages marocains dont le pouvoir d’achat est affaibli par la cherté des produits de première nécessité. C’est pour toutes ces raisons que le statut des employés de maison devra être, dans un premier stade, conçu comme une loi spéciale qui se limitera à une protection de base car, rien ne sert de prévoir des dispositions inapplicables ou qui mettraient en danger des centaines de milliers d’emplois. Nous pensons que, dans l’état actuel des ménages, le statut particulier devra se limiter, dans sa première phase, aux domaines suivants :
– L’obligation de conclure un contrat écrit selon un modèle qui sera fixé par l’autorité compétente, cet écrit pourra éliminer un nombre considérable de problèmes qui vont surgir dès la mise en application du statut.
– L’obligation de «servir» un salaire, dont la fixation devra être laissée, à notre avis, à l’appréciation des deux parties, en fonction de l’offre et de la demande,
– La fixation de la durée journalière de travail,
– Le droit au repos hebdomadaire,
– Le droit au repos pendant les jours fériés,
– Le droit à un congé annuel,
– Le droit à préavis avant toute rupture du contrat,
– La tentative de conciliation en cas de litige et le règlement à l’amiable devant l’inspecteur du travail,
– La prescription en matière de salaire devrait être fixée à une très courte durée, sachant que, d’une part, tout employé quitte son emploi dès la première semaine impayée, ou le premier mois impayé et, d’autre part, aucun chef de famille ne tient une comptabilité ni exige la décharge pour qu’on lui impose, par exemple, la prescription de deux années fixée par le code du travail. De même, la prescription en matière de congé annuel devrait être fixée à une très courte durée pour les mêmes raisons.
Un contrat simplifié, établi conformément au statut, par l’administration compétente pour servir de modèle, peut être imposé aux parties. Parmi les mentions qui nous paraissent nécessaires :
– L’identité exacte des deux contractants,
– La période d’essai,
– Le montant du salaire et la périodicité de la paie, –
– La durée du travail et l’horaire si l’employé n’est pas logé,
– La durée du préavis à observer par la partie ayant décidé de mettre fin au contrat de travail.
Si l’embauche est faite à titre temporaire, les dates du début et de la fin de la durée du travail doivent être mentionnées.
Le contrat devrait rappeler aux parties certaines obligations telles que le droit de l’employé au repos hebdomadaire, au repos durant les jours fériés, au congé annuel et au préavis à observer.
Il devrait rappeler, également, le délai de prescription du salaire et du congé annuel. L’inspection du travail sera appelée à jouer un rôle important dans le règlement à l’amiable des différents qui vont surgir entre chefs de famille et employés de maison. Les agents de l’inspection ont l’habitude de régler ces petites affaires dans le cadre du code du travail.
Les tribunaux sociaux seront, pour la première fois, appelés à statuer sur des litiges survenus entre chefs de famille et employés de maison. Leur compétence devra, à notre avis, être limitée aux impayés de salaire, congé, jours fériés et préavis. Nous pensons qu’au début, les indemnités de licenciement et les dommages-intérêts pour rupture abusive devront être exclus. En dehors des dispositions évoquées ci-dessus et prévues au 1er livre du code du travail, tous les autres domaines du code devront être exclus, ces derniers sont répartis en deux catégories, la première concerne des dispositions propres aux entreprises (élections de délégués, comités d’entreprises, négociations, délégués syndicaux etc…), elle est d’elle-même exclue, la deuxième catégorie concerne des dispositions dont les principales sont relatives aux conditions de travail, à l’affiliation à la CNSS, à la couverture médicale et à l’assurance contre les A.T. Ces trois mesures sont imposées aux entreprises opérant dans les domaines industriel et commercial et dans les professions libérales depuis les années 40 en ce qui concerne les conditions de travail, depuis 1953 en ce qui concerne l’affiliation à la CNSS (ancienne caisse d’aide sociale) et, depuis à peine deux années en ce qui concerne l’assurance contre les A.T.
Le résultat est sans commentaire, les conditions de travail sont désastreuses le nombre des salariés déclarés à la CNSS s’élève à 1.750.000 (chiffre officiel), ce qui représente 20% de l’ensemble des salariés qui est de 9 millions, (chiffre officiel). Quant à l’assurance contre les A.T, elle ne peut, dans les meilleurs cas, être supérieure à 20%, puisque seuls les salariés déclarés à la CNSS sont assurables. Signalons au passage que l’assureur naturel en cette matière est bien la CNSS et non les compagnies privées. Compte tenu des résultats obtenus dans ce domaine auprès des entreprises, il est certain que peu de chefs de famille feraient la queue à la porte de la CNSS, pour demander leur affiliation en tant qu’employeurs et déclarer l’ensemble de leur personnel en tant qu’employés de maison, en payant les cotisations, l’AMO, l’impôt sur salaire et la couverture contre les risques AT.
Pour conclure, nous ne pensons pas qu’un statut ayant pour but d’instituer un cadre juridique de base aura des effets indésirables ou non souhaitables sur le revenu ou les habitudes des ménages, en dehors de la démarche relative à la conclusion, par écrit, d’un contrat de travail, lequel contrat est d’ailleurs dans l’intérêt du chef de famille également car, en cas de problème, il lui sera d’une grande utilité, surtout par les temps qui courent. Ce pendant, un inconvénient non négligeable est à signaler, le chef de famille pourra recevoir, de temps à autre, des convocations émanant de l’inspection du travail et même du tribunal social auxquelles il devra répondre, c’est bien gênant pour quelqu’un qui n’a pas l’habitude de fréquenter ces administrations, mais il devra bien s’y faire.

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