Société

Reportage : Berkane, le verger de l’Oriental

«L’image qu’on se fait d’une bourgade marocaine est toujours envoûtante : citadelle d’argile accrochée à la montagne, douar enchevêtré d’impasses, médina fermée sur le mystère.
Ces clichés, aux décors pittoresques, n’appartiennent pas à Berkane. La topographie du village n’enferme ni les rêves ni les sortilèges du pays. Coupé du milieu naturel, l’espace urbain s’organise autour d’une discipline : la géométrie. Equerre des rues, symétrie des quartiers. Un plan «au carré» tracé par le génie militaire soucieux d’efficacité. Dans cet alignement, étranger à l’esprit oriental, s’inscrit l’histoire tumultueuse d’une époque. C’était il y a longtemps, autour de la Koubba du marabout Sidi Mohammed Aberkane, résonnaient alors ces noms : Triffa, Béni Snassen, Martimprey, Lyautey». Berkane de 1859-1956 est ainsi décrite dans un livre de Cécile Lopez. L’auteur met en valeur la «terre d’argile rouge» des plaines de Moulouya. Située à l’extrême nord-est du pays, limitée par la Méditerranée au nord, l’oued Kiss (frontière maroco-algérienne),Oujda à l’est, Nador à l’ouest et Taourirt au sud, la ville de Berkane, 300.000 habitants environ, représente sans conteste le verger de l’Oriental. Une région de plaines et montagnes, restée fidèle à sa vocation de centre agricole de premier plan et réputée pour la qualité de ses fruits et légumes. Des plantations immenses et verdoyantes. Des espaces agréables qui caressent le regard. Qui ne connaît pas la clémentine de Berkane très prisée en Europe ? Ce fruit est né en 1900, en Afrique du Nord. Un missionnaire français, le père Clément Rodier, mélangea le pollen d’un bigaradier – arbre dont le fruit, la bigarade et une orange amère – à la fleur du mandarinier. Tout content de sa découverte, le père Clément baptisa son nouveau produit : clémentine.
Une production tournée essentiellement vers l’export. Tout le monde -ou presque- à Berkane vit de la terre. On y dénombre une vingtaine de stations de conditionnement et d’emballage d’agrumes, qui travaillent selon des normes modernes, d’une capacité totale de 100.000 tonnes par an. L’agriculture ici est une affaire qui marche malgré la faiblesse et le caractère irrégulier de la pluviométrie. Car le périmètre est irrigué grâce à deux barrages, Mohammed V d’une capacité de 410 millions de m3 et Mechraâ Hammadi d’une capacité de 10 millions de m3. Berkane, une terre d’abondance et de fertilité. Au point qu’elle a de tout temps suscité les convoitises souvent irrésistibles de ceux, pas nécessairement des agriculteurs, qui veulent posséder des fermes. Le dernier en date, qui s’est vu céder une grande exploitation locale, n’est autre que l’athlète Hicham El guerrouj, un enfant de la région. Une affaire qui a suscité un scandale à l’échelle nationale.
«Pourquoi pas moi alors que j’ai fait beaucoup pour le Maroc», se défend l’intéressé. Ici, le patrimoine de la Sodea et de la Sogeta, deux sociétés publiques dont la mauvaise gestion est sans cesse dénoncée, est considérable. Mais dans quel état est-il aujourd’hui ?
Une chose est sûre : l’État est de moins en moins qualifié à faire de l’agriculture. Surtout que la gestion de ces domaines, en l’absence de contrôle et de sanctions, sont devenus des terreaux fertiles pour l’enrichissement et la gabegie. L’Office régional de mise en valeur agricole de la Moulouya (ORMVAM), dépendant du ministère de l’Agriculture, a joué un rôle important dans la valorisation des potentialités agricoles, notamment par l’exploitation et l’entretien de l’infrastructure hydraulique, ainsi que l’équipement des terres irrigables et l’encadrement des agriculteurs. Or, l’office est déficitaire depuis plusieurs années. On explique cette situation, qui est commune à tous les autres offices du pays, par le fait que l’établissement fonctionne essentiellement grâce à la facturation aux exploitants des redevances en eau d’irrigation à un prix en plus dérisoire qui n’a pas été revu depuis des lustres. Un malaise règne aussi à l’ORMVAM dont les agents font grève depuis deux ans tous les jeudis. Épaulés par les trois syndicats (UMT, CDT et UGTM), ces derniers (échelle 1 à 10 à qui correspond à un salaire de 2000 à 4000 Dhs) revendiquent l’amélioration de leur situation matérielle et la régularisation de leur statut qui date de 1975. Cette catégorie du personnel s’estimant lésée par rapport aux ingénieurs et vétérinaires qui eux ont obtenu récemment une augmentation de salaire.
Apparemment, le ministère de tutelle est d’accord pour satisfaire ce cahier revendicatif. Mais le dossier est toujours bloqué au département des Finances.
La ville de Berkane est dominée dans certains endroits par un caractère rural. En effet, certains quartiers périphériques, sans équipements de base, sont conçus comme des douars avec un élevage de poules, de lapins, voire même de chèvres…

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