Société

Retraites : Les détails de la réforme…

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ALM : Le chef de gouvernement a annoncé récemment que le départ à la retraite sera fixé à 63 ans au lieu de 65 ans. Pourquoi ce changement ?
 

Mohamed Moubdie : C’est effectivement à ce niveau que l’offre en la matière a été retenue. Il faudra rappeler que le gouvernement a choisi d’inscrire le traitement de ce dossier dans le cadre d’une démarche participative et en large concertation avec toutes les parties concernées. Dans la première mouture du projet le choix s’est effectivement porté sur la limite d’âge de 65 ans. Et comme vous le savez, le Conseil économique, social et environnemental a été saisi le 1er août 2014 par le chef de gouvernement afin qu’il émette un avis sur les deux projets de lois relatifs au régime des pensions civiles. Après étude, le CESE a proposé de situer cette limite à 63 ans, cela dit, il faudra savoir que les syndicats sont représentés au sein de cette institution constitutionnelle, ce qui veut dire qu’ils ont l’occasion d’analyser et d’exprimer leurs points de vue et leurs positions au sein de cette enceinte. Le gouvernement a finalement choisi de se  rallier  à la position du CESE car elle constitue une moyenne idéale qui reflète une position consensuelle et représentative de toutes les sensibilités concernées par ce dossier. Il est à rappeler aussi que lors  du dernier round du dialogue social, le chef de gouvernement s’est engagé à revoir les paramètres afin qu’ils soient les plus proches des revendications des centrales syndicales.
 
Quelles sont concrètement les autres mesures paramétriques qui sont prévues ?

Les mesures paramétriques prévues dans le package de cette réforme sont au nombre de trois: l’augmentation de la contribution; la révision du salaire de base pour le calcul de la retraite et la révision du taux d’annuité pour le calcul de la pension. Concernant l’augmentation de la contribution, il est prévu d’augmenter la contribution de l’Etat et des affiliés, chacun de deux points pour  la 1ère  année de la réforme, et de deux points additionnels durant la 2ème  année de la réforme, portant ainsi la cotisation de 20 à 28% partagée à parts égales entre l’Etat employeur et les fonctionnaires affiliés : soit respectivement un taux de cotisation pour chacune des deux parties passant de 10 à 12%, sur la période entre le 1er  janvier et le 31 décembre de la première année de la réforme, ensuite à 14% à compter du 1er  janvier de la 2ème année de la réforme. S’agissant de la révision du salaire de base pour le calcul de la retraite, celle-ci sera calculée sur le salaire moyen des 8 dernières années (soit 96 mois). La proposition du gouvernement en la matière consiste à adopter, progressivement sur une période de 4 ans, le salaire moyen sur les huit dernières années de service effectif (96 mois) à la date du départ à la retraite comme base pour le calcul de la pension, au lieu du dernier salaire perçu avant le départ à la retraite. Pour ce qui est du taux d’annuité pour le calcul de la pension, Il est proposé dans le projet du gouvernement de baisser le ratio d’annuité pour le calcul des pensions de 2,5 à 2% pour tous les droits qui seront acquis à compter du 1er janvier de l’année de la réforme, tout en maintenant un ratio de 2,5% pour tous les «droits acquis» avant cette date. Pour la retraite anticipée, le ratio d’annuité pour le calcul des pensions sera baissé de 2 à 1,5% pour tous les droits qui seront acquis à compter du 1er janvier de l’année de réforme, tout en maintenant un ratio de 2% pour tous les «droits acquis» avant cette date. A souligner que les mesures préconisées par le gouvernement dans le cadre de ce projet de réforme ne concernent que les actifs affiliés au régime et les futurs bénéficiaires à compter de la date proposée d’entrée en vigueur de ces mesures, et n’auront aucun impact sur les prestations servies aux pensionnaires actuels.
 
Les projets de lois seront transférés au Parlement en 2016. Est-ce que cela veut dire l’entrée en vigueur des nouvelles mesures en 2017 ?

Compte tenu de l’urgence de la réforme, et de la situation délicate du régime des pensions civiles géré par la Caisse marocaine des retraites qui a entamé son premier déficit en l’année 2014 (ce déficit s’élevait à 950 millions de dirhams en 2014, et sera presque de 3 milliards de dirhams à la fin de l’année 2015), le gouvernement envisage de soumettre les projets de réforme du régime des pensions civiles à la procédure d’approbation (Conseil de gouvernement et aux deux Chambres du Parlement). Si l’on attendait l’année 2017 pour l’entrée en vigueur des nouvelles mesures, le déficit atteindrait à ce moment plus de 14 milliards de dirhams.     

Vous serez amené à défendre cette réforme. Est-ce que vous êtes prêt à assumer son coût politique aussi ?

La réforme du régime des pensions civiles est devenue impérative et indispensable et il n’y a pas, à mon avis, d’autres alternatives possibles. Le gouvernement actuel a eu le courage politique d’entamer cette réforme, tout en étant conscient de son coût politique pour les partis formant la coalition gouvernementale actuelle. Cela dit, il est possible que le gouvernement actuel ne puisse pas entamer la mise en œuvre de cette réforme, et laissera ce dossier crucial pour le prochain  gouvernement. Mais il aura eu le mérite du courage politique de l’avoir instruit et mis en forme dans le cadre d’une démarche concertée. C’est de l’avenir de ces régimes de retraite qu’il s’agit. Vous  savez qu’une journée de retard de la réforme coûtait plus de 60 millions de dirhams par jour, soit plus de 20 milliards de dirhams par année. Je suis prêt à défendre cette réforme et à en assumer le coût politique parce que c’est la seule voie pour que les retraités actuels et futurs puissent bénéficier effectivement de leur pension à la fin de chaque mois.

Vous vous apprêtez également à réformer le statut général de la fonction publique. Quelles seront les nouveautés phares de cette réforme ?

Il faut noter que la réforme du statut général de la fonction publique s’inscrit dans le dessein de construire une administration moderne, efficace et proche qui répond aux attentes des citoyens par la qualité de ses prestations. Cette réforme tend, en effet, à traduire les nouveaux principes et dispositions de la Constitution  dans une fonction publique au service de l’Etat de droit démocratique et moderne, promotrice de la bonne gouvernance, centrée sur le citoyen et protectrice de l’intérêt général. C’est aussi une démarche qui propose une nouvelle définition de la qualité professionnelle, du rôle et des conditions d’exercice des fonctionnaires publics.
Elle agit dans le sens de la mise en place d’une forte déontologie du service public axée sur des principes et des valeurs de neutralité, de transparence, de professionnalisme,  de reddition des comptes,  d’être au service de l’intérêt général et du citoyen, une administration qui fait siens les principes d’éthique, d’intégrité, de probité,  d’interdiction de toutes les formes du conflit  d’intérêts,   et de recherche de l’efficacité et de l’efficience.

Cette dynamique de réformes de l’administration a comme objectifs d’établir une gestion moderne des RH axée sur les résultats en introduisant les référentiels des emplois et des compétences, la gestion prévisionnelle des effectifs et des parcours professionnels;  en privilégiant une gestion axée sur les résultats;  et en prenant en compte la performance dans la gestion de carrière.

Est-ce que vous pensez que cette réforme sera bouclée avant la fin de votre mandat ?

Il est important de rappeler que la refonte du statut général de la fonction publique a franchi  plusieurs étapes importantes. Je citerais à titre d’exemple l’organisation de plusieurs rencontres et ateliers de travail avec différents organismes internationaux, notamment l’OCDE  et la Direction générale de l’administration et de la fonction publique française ; l’organisation du colloque national sur la refonte du SGFP en juin 2013, à l’issue duquel plusieurs recommandations ont été prises en compte dans l’élaboration du projet ; la présentation de la plate-forme de la réforme au Conseil supérieur de la fonction publique dans sa deuxième session du troisième mandat réuni le 10 juin 2014.
Actuellement, le ministère a élaboré un avant-projet de loi qui est en cours d’étude et de perfectionnement par une commission technique formée des directeurs des ressources humaines et des responsables de quelques départements ministériels.
Le ministère s’est engagé à soumettre le projet de réforme du statut général de la fonction publique à la procédure d’approbation avant la fin de cette année.

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