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Rétrospective: Aicha Ech-Chenna a rencontré la première mère célibataire en 1970

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Sa mère, qui l’avait rejetée, lui avait dit : «Tu sors de la maison, tu vides ton ventre et après tu reviens» comme si elle allait faire un besoin naturel.

Rares peut-être sont ceux qui le savent, mais Aicha Ech-Chenna, présidente de l’Association Solidarité féminine, n’avait que 17 ans lorsqu’elle a vu pour la première fois des enfants abandonnés. «Je me rappelle très bien, ils étaient placés à la Maison d’enfants de la Ligue marocaine de protection de l’enfance.  A l’époque, je ne comprenais pas ce qu’était une mère célibataire et encore moins un bébé abandonné. Il faut dire que je n’étais pas encore mère pour le comprendre», affirme-t-elle.

Entre 1960 et 1962, elle avait intégré  l’école d’Etat des infirmiers. Aicha Ech-Chenna entendait les médecins dire : «On va soigner ces bébés et ils vont ensuite repartir à la Maison d’enfants».  Mais elle ne comprenait toujours pas. «La sœur nous demandait de les sortir pour les promener, mais à aucun moment elle  nous avait expliqué ce qu’est un enfant abandonné car le sujet était tabou». 

Le contact de Mme  Ech-Chenna avec la  première mère célibataire remonte à 1970. C’était une jeune fille de 18 ans, instruite et  issue de classe moyenne. Sa mère l’avait mise à la rue en plein hiver alors qu’il pleuvait des cordes. A l’époque, il y avait la coïncidence de deux fêtes religieuses, à savoir Aïd Al Maoulid et Noël. Sa mère, qui l’avait rejetée, lui avait dit : «Tu sors de la maison, tu vides ton ventre et après tu reviens» comme si elle allait faire un besoin naturel.

Aicha Ech-Chenna et trois de ses amies  l’ont accueillie. L’une d’entre elles l’avait reçue chez elle en l’absence de son mari, un officier militaire qui était en mission. Aicha et son amie Marie qui travaillait  chez Caritas avaient  décidé  de se rendre chez les parents de la jeune fille pour tenter de trouver une solution. La mère de la jeune maman célibataire est sortie de la maison en colère. «Nous lui avions demandé de nous accueillir juste 5 minutes, le temps de parler», raconte-t-elle. Au départ, elle était réticente, craignant la réaction de son mari. «S’il arrive maintenant, il vous tuera», déclare-t-elle. Les deux femmes eurent peur mais elles sont quand même entrées.

L’homme qui allait tuer sa fille…

«On dit souvent que les hommes sont violents mais ce n’est pas toujours le cas. Les hommes s’avèrent parfois plus tolérants que la gent féminine. Cette visite va d’ailleurs nous le prouver», signale-t-elle. Le père de la jeune fille est entré à la maison. Aicha et Marie lui ont fait savoir qu’elles avaient absolument besoin de ses services. Il ne savait pas que sa fille était enceinte. «Il nous a alors demandé de quoi il s’agit. Je lui ai dit que c’était un secret. Et par la même occasion, je lui avais demandé s’il y avait une pièce dans la maison où nous pourrions parler tranquillement». On est donc allés dans la chambre à coucher. «Je lui ai demandé s’il était armé. Il m’a répondu que oui. Et je lui ai alors demandé de retirer son arme». Nous voulions à tout prix son aide et son soutien.

Je lui ai alors signalé que sa fille n’était pas à la maison. Ce qui ne l’a pas choqué dans la mesure où sa fille avait l’habitude de se rendre chez ses grands-parents ainsi que chez ses tantes. A l’instant même, Aicha lui a tout raconté : «Votre fille a été mise à la rue par sa mère. Et elle va accoucher dans deux semaines au maximum. Elle ne veut pas abandonner son bébé et m’a parlé du père biologique, un coiffeur qui travaille dans un salon luxueux». Il sort alors de la maison en leur compagnie devant le regard ahuri de sa femme. Il va voir sa fille et ils vont se jeter dans les bras l’un de l’autre en pleurant tous les deux. «Il faut dire que nous étions surprises par sa réaction. C’était soi-disant l’homme qui allait tuer sa fille».

Aicha Ech-Chenna va être chargée de rencontrer le père biologique. C’est la première fois qu’elle aidait une mère célibataire. Finalement, le père biologique a bien voulu épouser la jeune fille. L’acte de mariage a été conclu alors que le jeune homme ignorait la grossesse.

Quand la jeune mère accoucha d’une petite fille, le père biologique va alors porter plainte contre sa femme et son beau-père au tribunal car ils lui avaient caché la vérité.

Après plusieurs années, Aicha Ech-Chenna va à nouveau rencontrer cette femme. Sa fille, qui a fini par connaître toute la vérité, lui a affirmé qu’elle aurait préféré que sa mère reste célibataire plutôt que de se marier avec un homme sans cœur. Sa fille qui était étudiante en médecine à l’époque a réussi sa vie professionnelle. Elle est devenue par la suite médecin et mère de famille.

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