Société

Samir El Omari, un génie bien de chez nous

© D.R

ALM : L’Agence spatiale canadienne a été condamnée à vous verser l’équivalent de 4,4 millions de dirhams. Qu’est-ce que vous comptez faire à présent ?
Samir El Omari : La question conflictuelle avec l’Agence spatiale canadienne a été réglée, mais il reste certains détails importants à revoir. Je suis en train de négocier avec les compagnies qui utilisent mon brevet depuis exactement le 25 janvier 1998. Aujourd’hui, il faut trouver une entente ou annuler la licence d’utilisation. Mais avant, je dois vérifier combien de bénéfices l’invention a-t-elle générés. Durant l’enquête, je ne pouvais pas avoir des données sur l’état financier de ces différentes compagnies privées. Mais maintenant qu’il y a un jugement qui me donne raison sur la question de la propriété intellectuelle, je vais pouvoir savoir et surtout en bénéficier.

Le matériau composite à matrice métallique est le nom de votre invention. En quoi est-elle révolutionnaire pour le domaine spatial ?
L’industrie spatiale dépense 40.000 dollars pour lancer un kg dans l’espace. Un satellite de 100 kg va donc coûter 40 millions de dollars. L’aéronautique et le spatial ont constamment besoin de matériaux très légers ayant des propriétés mécaniques très élevées. Avec les composites MMC, cette performance devient possible. Ce qui est gênant avec l’exploration spatiale, c’est qu’elle prend beaucoup d’instruments dans ce qu’on appelle l’engin spatial.
Je vous donne un exemple : dans la navette, il y a toujours deux gros réservoirs d’hydrogène pour la propulsion dans l’espace. Ces réservoirs pèsent la moitié de l’engin. Si on arrive à réduire leur poids, on pourra mettre beaucoup d’équipements qui vont servir à aller plus loin dans l’espace et en quelques heures seulement. Tout se passe vraiment au niveau du carburant.
 Plus on en gagne, plus on pourra aller plus loin. Il faut que l’engin soit léger pour échapper à la gravité et en même temps autonome pour pouvoir être en orbite plus longtemps afin d’envoyer un maximum de photos et de données. Le matériau léger est vraiment la base de l’exploration spatiale. Pareil pour un satellite de communication.
Il coûte en moyenne 250 millions de dollars et au bout de cinq ans son orbite commence à baisser pour n’être qu’un débris de l’espace. Avec les composites  MCC, il va rester 10 ans en orbite, on va économiser 250 millions de dollars et l’on va obtenir plus d’informations.
Ce sont là les deux points sur lesquels mon équipe et moi avons travaillé avec la Nasa et l’Agence spatiale canadienne.   

Votre invention intéresse également l’industrie automobile. Comment peut-elle l’utiliser ?
Tout ce qui s’applique dans l’espace peut s’appliquer sur terre. Quand j’ai quitté l’Agence, j’ai travaillé avec certains partenaires, notamment le constructeur automobile Ford. Il a utilisé mon invention pour le système de freinage. Les disques des freins sont en acier. Le problème avec ce matériau, c’est qu’il n’est pas performant parce qu’au bout de deux ans, il faut changer les plaquettes et parfois tout le système de freinage. En plus, il n’est pas sécuritaire. Si vous roulez par exemple à 80 km à l’heure et que vous voulez freiner, le disque atteint les 600°. La température est tellement élevée que vous ne maîtrisez plus vos freins. Autre problème, celui du poids du disque en acier. Un disque pèse 13 kg, multipliés par quatre cela fait 52 kg alors qu’avec mon invention, il ne pèsera plus que 2 kg. Vous gagnez presque 45 kg, 60 kg pour les camions et les avions. C’est vraiment énorme.
D’autres applications ont été ciblées telles que le bloc moteur, le piston, les arbres de transmissions. Des réductions de poids de 30 à 50 % ont été atteintes.
Ce qui est bien aussi avec ce matériau léger, c’est qu’il protège l’environnement. En fait, on l’appelle un matériau vert parce qu’il réduit l’énergie et la consommation d’essence. C’est pourquoi beaucoup de pays développés se sont mis ces derniers temps au matériau léger, pas l’invention comme telle, parce qu’ils n’ont pas le droit de l’utiliser, mais ils travaillent sur d’autres classes du matériau.

En quoi réside la spécificité de votre invention ?
Le matériau composite est constitué de trois phases, un métal, les fibres céramiques et une troisième composante appelée intermétallique.
Cette phase, produite lors de la fabrication à haute température du composite, se distingue par sa structure de réseau tridimensionnel qui a pour effet de souder la matrice métallique aux fibres céramiques et ainsi conférer au produit final des propriétés extraordinaires. J’explique : vous rentrez trois éléments A,B,C et vous sortez avec d’autres composites. Normalement, avec un matériau classique, vous devez sortir avec ces mêmes éléments A,B,C.
Ce qui fait  aussi la beauté de ce matériau, c’est qu’il permet d’éviter d’avoir ce qu’on appelle la violation des propriétés puisqu’on ne peut pas savoir ce qu’il y a dedans.
L’Agence spatiale canadienne a gaspillé 400.000 dollars et a été incapable de fabriquer les composites MMC.

Quels sont vos projets actuellement ?
J’ai consacré beaucoup de temps et d’énergie à ma bataille judiciaire contre l’Agence.
À présent que cette affaire est réglée, je vais retrouver mon laboratoire et continuer mes recherches. Je vais surtout essayer de développer tout ce qui est connexe à mon invention, c’est ce qu’on appelle en termes de propriété intellectuelle, les inventions dérivées ou améliorées. Quand on fabrique un réservoir à partir d’une invention, c’est une invention en soi aussi. Sinon, je suis habitué à vivre au jour le jour. J’ai des difficultés à faire des projets à long terme.

 Le parcours d’un grand scientifique

Samir El Omari est diplômé de l’Ecole nationale de l’industrie minérale (ENIM) de Rabat. Attiré par l’industrie spatiale et aéronautique, il décide de s’envoler pour Montréal, au Canada. En 1989, il intègre l’Ecole polytechnique. Master et Doctorat en poche, ce natif de Khouribga n’a qu’un seul objectif : faire partie de la communauté des chercheurs du prestigieux Massachussetts Institute of Technology (MIT) aux Etats-Unis. Grâce à son ambition et aussi à ses résultats, il réussit à se faire accepter en 1994.
Au MIT, il côtoie des chercheurs de renommée internationale et même les prix Nobel de la science.Deux ans plus tard, l’Agence spatiale canadienne fait appel à lui et l’intègre en tant que chercheur.

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