Société

Sommet Euromed : une occasion manquée

© D.R

Les 35 représentants des Etats de l’Euromed se sont réunis à Barcelone les 27 et 28 novembre dernier, pour commémorer l’anniversaire de la Conférence de Barcelone, qui s’était tenue il y a dix ans dans la même ville. C’était l’occasion, vu les maigres résultats obtenus par le partenariat entre les 25 Etats du Nord de la Méditerranée et les 10 Etats du Sud, d’opérer une relance des 3 volets : politique et sécurité, économique et financier, social culturel et humain. Une première difficulté est apparue dans l’absence de tous les chefs d’Etat arabes, sauf Monsieur Mahmoud Abbas président de l’Autorité palestinienne. Cette absence est fort regrettable, car le niveau de représentation est très important dans une Conférence internationale, pour influencer les décisions. Les pays du Sud reprochent souvent à l’Union Européenne de s’intéresser plus à l’Est qu’au Sud. Le Sommet de Barcelone était justement l’occasion pour les pays arabes de peser de tout leur poids, d’autant qu’étaient présents les grands leaders européens : Jaques Chirac, Tony blair, José Luis Zapatero et Angela Merkel, la nouvelle Chancelière d’Allemagne. On peut reprocher également aux pays du Nord d’avoir donné la priorité aux problèmes du terrorisme et de l’émigration, et d’avoir négligé les autres aspects du partenariat euro-méditerranéen. En effet, les principaux résultats de ce Sommet ont eu trait à un Accord sur un Code de conduite contre le terrorisme, et un Plan d’action sur 5 ans, qui concerne la régulation de l’immigration clandestine.
Dans une déclaration de la présidence, car l’Accord n’a pas pu se faire dans le cadre d’une déclaration commune, faute d’une définition du terrorisme, les 35 Etats se sont engagés à lutter contre le terrorisme. Les modalités de cet engagement concernent le renforcement de l’échange d’informations et des expériences, la gestion des conséquences des attaques terroristes, la prise de mesures de prévention, les exercices de secours et l’assistance aux victimes.
Concernant les problèmes d’émigration, le Sommet s’est dit prêt à promouvoir les chances de l’émigration légale, et à coopérer pour réduire de façon significative le niveau de l’immigration illégale. Il a en outre adopté l’initiative hispano-franco-marocaine qui prône une approche globale du phénomène de l’immigration. Dans ce cadre, une Conférence euro-africaine pour l’immigration groupant les pays d’origine, les pays de transit, et les pays de destination, sera organisée au Maroc au printemps 2006.
Pour terminer avec le volet politique, et en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, qui empoisonne les relations dans la région, le Sommet n’a pas pris de décision significative. Il s’est contenté de souhaiter un «Accord juste et global, conformément à la Feuille de route, aux propositions de Madrid, et aux résolutions de l’ONU». Il a de même réaffirmé la nécessité pour les pays du Sud d’améliorer leur système démocratique et leur gouvernance.
Sur le plan financier, il a été rappelé que l’Union Européenne a octroyé 20 milliards d’euros aux pays du Sud depuis 1995 à ce jour, 9 milliards à titre de dons et 11 milliards à titre de prêts. Aucun chiffre n’a été fixé pour l’avenir, cependant Monsieur Chirac a proposé que les 2/3 du futur instrument financier consacré à la politique de voisinage, soient affectés aux pays du Sud de la Méditerranée. Il a en outre préconisé la création d’une Banque de développement dédiée à la Méditerranée, proposition qui sera étudiée en Décembre prochain. Enfin, et c’est la décision la plus concrète du Sommet, il a été créé un Fonds de Capital Risque de 45 millions d’euros, destiné à promouvoir les investissements dans les entreprises du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie), financé par le Gouvernement de Catalogne, l’Institut de crédit officiel espagnol et la BEI. Ce fonds pourrait être porté ultérieurement à 100 millions d’euros.
Pour ce qui est des autres volets de coopération, il a été décidé de continuer la construction d’une zone de libre-échange entre tous les pays euro-méditerranéens à l’horizon 2010, et de prévoir une aide spéciale pour l’éducation et la recherche.
Enfin la société civile sera désormais associée au partenariat euro- méditerranéen, en même temps que les gouvernements et les entreprises.
En conclusion, on ne peut qu’éprouver de la déception vis-à-vis des résultats de ce Sommet, sur lequel étaient fondés beaucoup d’espoirs. Certes, le contexte politique régional est défavorable, marqué par la persistance du conflit israélo-palestinien, la guerre d’Irak, le terrorisme et l’immigration clandestine. Mais c’était justement l’occasion de discuter de ces problèmes graves avec franchise et détermination. Il ne fallait surtout pas, sous prétexte de ces problèmes politiques, occulter l’aspect économique et social des pays du Sud, dont l’aggravation au cours de ces dix dernières années, est une des causes du développement du terrorisme et de l’immigration clandestine. De toutes façons, la coopération et le partenariat entre les deux rives de la Méditerranée sont incontournables pour la paix et la prospérité de toute la région. Il faut souhaiter que les prochaines rencontres soient mieux préparées, et que le contexte y soit plus favorable.

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI
(Institut marocain des relations internationales)

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