Société

Tué pour un bon geste

«C’est un curieux, il ne devait pas intervenir, il devait rester loin de ces clochards bien qu’ils soient ses voisins de quartier…» dit un jeune qui se tenait parmi les badauds. Un autre lui a rétorqué : «Ce n’est pas un curieux, c’est un brave homme…Il voulait seulement leur éviter d’arriver à l’irréparable…». «…Eh bien voilà, l’irréparable l’a touché lui-même…» lui répond un troisième. Les badauds sont encore, ce dimanche soir, 15 septembre 2002, attroupés au quartier Aïn Haroune, à Fès, autour de Mohamed, cinquante-six ans. Il était étendu par terre, gisant dans une mare de sang. Ses onze enfants l’entouraient, le consolaient, lui demandaient de patienter un peu, le temps que l’ambulance arrive. Mohamed, dont les agresseurs ont pris la poudre d’escampette, est gravement blessé.
Beaucoup de sang coulait de sa nuque.
Les éléments de la brigade criminelle de la PJ de Fès étaient déjà là. Ils ont déjà entamé leur premier constat d’usage et ont recueilli les premiers témoignages. Ils ne déploieront pas beaucoup d’effort dans cette affaire car les agresseurs ne sont pas des étrangers du quartier Aïn Haroune et ils sont connus par les habitants.
«Ils sont identifiés, donc nous n’aurons pas de problèmes pour les alpaguer…» confie le chef de la brigade à l’un de ses adjoints.
Les éléments de la protection civile ont évacué Mohamed vers l’hôpital. «Sa blessure est très grave…» affirme un médecin à l’un de ses fils. Chaque seconde passait comme une journée. Personne de ses enfants ne supporte ce malheur. « Je ne sais pas où ils seront à ce moment…Si l’homme est resté en vie, ils doivent être poursuivis pour coups et blessures et traduits seulement devant la chambre correctionnelle, alors s’il est mort, ils seront poursuivis soit pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner soit pour homicide volontaire…» explique le chef de la brigade à l’un des fils de Mohamed qui est entre la vie et la mort à la salle de réanimation.
«C’est une question de temps pour les arrêter, on sait maintenant comment et pourquoi ils l’ont poignardé…» ajoute le chef.
«Et pourquoi, donc ils l’ont agressé?…je ne crois pas qu’ils voulaient lui subtiliser une somme d’argent car ils le connaissaient…» lui demande le fils.
Le chef a commencé à lui expliquer les détails : Jamal et Farid sont deux jeunes chômeurs qui ne sont pas cruels ou méchants. Tous les habitants du quartier les connaissent. Leur défaut est qu’ils s’enivrent, sans vergogne, dans leur quartier.
Dans l’après-midi du dimanche, ils ont ouvert une première bouteille de vin rouge. D’un verre à l’autre, les têtes ont commencé à tourner. En un clin d’oeil, Farid a sursauté de sa place comme piqué par une abeille. « …Tu n’es pas un homme, tu es un tricheur…un “Ould Lahrame“…» crie-t-il.
Jamal a fait semblant de ne rien entendre et il lui a demandé : « Qu’est-ce que tu as ? qu’est-ce que je t’ai fait ? sois tranquille mon ami et nous laisse-nous continuer notre soirée sans problème…».
«…Mais c’est toi qui veux créer des problèmes et non pas moi, je t’ai remarqué depuis notre premier verre…Tu doses ton verre plus que le mien…» lui répond-il avec la même nervosité.
Farid n’a pu contenir ses nerfs cette fois. Il a commencé à crier, à l’insulter : «C’est toi le tricheur…».
Les tensions ont monté d’un cran. Jamal s’est avancé vers son ami, dégainant son couteau. A ce moment Haj Mohamed, qui était de retour de la mosquée, est intervenu pour les empêcher d’arriver à l’irréparable. Il est avancé vers l’un d’eux pour le calmer, puis vers l’autre. Jamal a tenté de poignarder son ami. Haj Mohamed est intervenu pour l’en empêcher, et le couteau est venu se planter dans la nuque de Mohamed qui est tombé par terre.
Les deux amis ont pris la fuite. Le lendemain, lundi 16 septembre, Mohamed mourut. Les limiers de la police judiciaire n’ont effectivement pas perdu beaucoup de temps pour arrêter les deux amis et les mettre entre les mains de la chambre criminelle près la cour d’appel de Fès, avec comme chef d’accusation, coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner.

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