Société

Un escalier de secours inutile

© D.R

Jeudi 15 juillet. C’est la veille de l’anniversaire d’Ali. Il sera le vendredi à son quarantième printemps. Il est venu vers 14h à son local réservé pour la photographie, située à la rue de Safi, en ancienne médina à Casablanca et ce, après avoir déjeuné. D’abord, il y a passé toute la matinée avant de baisser le rideau vers 13h. Seulement il n’y est pas resté cet après-midi plus dix minutes avant de le baisser pour remettre les clés au marchand de pépites qui se trouve en face. “Si un client me demande, dis-lui que je reviendrai vers 17h“, lui dit-il sur un ton gai. Et il est parti à bord de sa bicyclette. À quelle destination ? Devait-il aller au labo pour tirer les photos de ses clients ? Personne ne savait au juste.
Vers 20h 30, le téléphone portable de l’un de ses amis a sonné. Qui est à l’appareil ? Sans s’identifier, l’interlocuteur a demandé à l’ami s’il connaissait un certain Ali, tout en lui rappelant son nom. “Oui, c’est un ami et voisin, mais je ne sais pas où il se trouve maintenant“, lui répond l’ami avant de demander l’identité de son interlocuteur. “C’est la police qui te parle, ton ami est mort et tu dois nous rejoindre maintenant au commissariat“. L’ami s’est affalé sur la chaise la plus proche. Les larmes aux yeux, il ne pouvait pas répondre à ceux qui l’entouraient. Ces derniers tentaient de le calmer. Ali est mort, leur a-t-il lancé. Quand et comment ? L’ami ne savait aucun détail. Il devait répondre à la police. À bord d’un petit taxi, il s’est trouvé, quelques minutes plus tard, devant les éléments du 4ème arrondissement de police de Casablanca-Anfa, qui se chargeaient de la permanence. “Ton numéro de téléphone est le dernier que le défunt composé avant sa mort“, lui affirme le chef. Dans quelles circonstances est mort Ali ?
Il était 18h quand la police a été alertée qu’une personne de sexe masculin a été transportée depuis le hall de l’immeuble situé au n° 35, rue Azilal, derrière l’hypermarché Acima, situé au boulevard Mohammed V, vers les urgences de l’hôpital Ibn Rochd, par les éléments de la protection civile. Malheureusement, il a rendu l’âme quelques minutes plus tard.
Se dépêchant sur les lieux, les enquêteurs ont appris que le défunt était allongé le visage contre terre, son téléphone portable et sa carte d’identité nationale étaient dans sa poche. Il ne présentait aucun trace de coup, ni de violence sur son corps, à l’exception de son front fracassé suite au choc violent. Un habitant qui occupe un appartement au troisième étage s’est rendu compte qu’un objet tombait de haut. Mais il n’a pas remarqué s’il s’agissait d’un corps humain ou de quelque chose d’autre. Les enquêteurs sont convaincus maintenant qu’il est tombé soit du 4ème soit du 5ème étage et que personne ne l’a violenté.
S’agit-il d’un suicide ou d’un simple accident ? A-t-il été violemment poussé par quelqu’un ? Que faisait-il d’abord là ? Etait-il chez des amis ? Les interrogations pleuvaient sans réponse. Et le dernier numéro qu’il ait composé pourrait-il conduire les enquêteurs à une réponse convenable pour déterminer les circonstances de sa mort?
Effectivement, le numéro de téléphone leur a permis d’appeler son ami. Et ce dernier leur a expliqué que le défunt connaissait, depuis trois ans, une certaine Malak Chamalia, de son vrai nom Malika, issue d’une ville du nord. L’ami ne la connaissait pas et ne l’avait jamais vue. Où demeurait-elle ? L’ami l’ignore.
Etait-elle célibataire, mariée ou divorcée ? Il l’ignore également. Les enquêteurs ont commencé la même nuit à chercher les identités des locataires de l’immeuble surtout ceux qoccupant les appartements des 4ème et 5ème étages. Et la boucle est bouclée autour d’une femme, mère de famille, qui s’appelle Malika, issue du nord. Elle demeurait en ancienne médina, pas loin du local du défunt, avant de déménager dans son nouvel appartement. Avait-elle une relation avec Ali ? Oui, a-t-elle répondu. Et il passait chez elle de temps en temps en l’absence de son mari et de ses enfants. Ils partageaient à chaque fois le même lit. La dernière fois, il était chez elle quand son mari qui était à la plage en compagnie de son fils aîné a frappé à la porte. Prise de panique, Malika a conduit Ali à la cuisine pour le cacher avant de trouver une solution pour le faire sortir. L’époux est entré dans la chambre à coucher. Entre temps, il s’est dirigé vers la cuisine pour prendre un cendrier. À ce moment, Ali n’a trouvé d’autre solution que de monter à la fenêtre pour tenter d’emprunter l’escalier de secours.
Toutefois, il a glissé pour chuter sans un cri. Le mari a entendu le bruit d’un corps qui est tombé. Il a appelé sa femme pour voir. Celle-ci s’est évanouie, sans lui dire qu’il s’agissait d’Ali, qu’il connaissait, lui aussi puisqu’il est son voisin de quartier en ancienne médina. L’épouse, mère de deux enfants, la vingtaine, a été traduite devant le parquet général près la Cour d’appel de Casablanca poursuivie pour non-assistance à personne en danger, non-dénonciation à la police et adultère. Alors qu’Ali, divorcé et père d’un enfant, a été enterré, vendredi 16 juillet, le jour de son anniversaire.

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