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Un mausolée et une histoire: Sidi Ben Achir, saint des indigents à Salé

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Quelques femmes sont allongées, d’autres sont assises alors que plusieurs tournent autour de la tombe du saint en faisant des gestes de leurs mains comme pour embrasser son épitaphe. Tout cela sous un fond de psalmodie du Coran et de prières.

La Qobba de Mohamed Ben Omar Ben Achir est l’un des plus anciens monuments populaires de la ville de Salé. Située à côté du cimetière qui porte le même nom, les visiteurs, venus de loin, pullulent à ses alentours chaque vendredi pour se recueillir sur les tombes de leurs proches et prier le saint Ben Achir de leur accorder sa «baraka». A son entrée, des femmes accroupies autour de petites tables qu’elles ont elles-mêmes improvisées invitent les visiteurs à se munir de bouteilles d’eau de rose et de bougies, qu’elles vendent en échange de quelques dirhams, avant d’entrer dans l’édifice. A l’intérieur, la tombe de Mohamed Ben Omar Ben Achir. Mort en 1364, sa sépulture occupe le milieu d’une salle assez vaste. Celle-ci est ornée au plafond par les trois grands lustres en cire, produits du fameux cortège de cire par lequel la ville de Salé est réputée. Cette grande salle est scindée en deux parties par une barrière en bois, faisant ainsi paraître un espace réservé aux hommes et un autre pour les femmes. A l’intérieur, l’on remarque toujours le mouvement, mais de manière plus solennelle. Quelques femmes sont allongées, d’autres sont assises alors que plusieurs tournent autour de la tombe du saint en faisant des gestes de leurs mains comme pour embrasser son épitaphe. Tout cela sous un fond de psalmodie du Coran et de prières. En sortant de la pièce, 36 chambres d’hôtes, appelées «bnikas», jalonnent un semblant de couloir. «Jadis les aliénés munis de chaîne et du carcan traditionnel se réfugiaient dans ces cabanons», explique le gardien du mausolée. Lui-même descendant de la famille Ben Achir, il raconte avec fierté les qualités de son ascendant : «Il était un modèle d’abstinence et d’ascétisme. Il a toujours fui la communauté des humains, en particulier les gouvernants, pour se consacrer au culte et à la dévotion. Et c’est pour cette raison que plusieurs viennent se recueillir sur sa tombe», poursuit le gardien du mausolée.

Vers 1908, le notable slaoui Moulay Ahmed Saboudji fit construire, à côté du bâtiment principal de Sidi Ben Achir, une longue salle destinée à abriter les pèlerins indigents. Il s’agit d’un maristan comportant une trentaine de chambres réservées aux malades, en particulier aux personnes atteintes de maladies mentales. L’époque d’après, des mécènes slaouis ont ajouté d’autres chambres pour abriter les visiteurs venant de loin. Cette aile est désertée depuis maintenant cinq ans, mais témoigne toujours des tourments auxquels étaient victimes ses occupants durant des siècles. Venus en principe pour prier et atténuer leurs maux, les indigents avaient en fait pris possession de la chambre qui leur a été généreusement affectée.

Depuis, les indigents de Sidi Ben Achir vivent exclusivement de mendicité. Leur nombre variait entre 100 et 200 à l’époque. Aujourd’hui, ils sont beaucoup moins nombreux, mais toujours existants. On le remarque le soir, quand ils entourent le mausolée, attendant que quelques mécènes de la région leur apportent à manger. La majorité a déjà perdu son esprit sous l’effet des drogues. Ils entrent et sortent librement de ces locaux sans aucun contrôle. Ils y viennent s’abriter la nuit contre le froid ou pour éviter les intempéries. Le jour ils se dispersent à travers la ville, et se cantonnent le long des rues par petits groupes ou ils sillonnent les artères pour mendier.

Maryem Laftouty

(journaliste stagiaire)

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