Société

Une équipée de voyous

Son nom est Hanane, c’est-à-dire «affection». Et pourtant, personne n’a jamais eu ni tendresse ni affection pour elle. Née en 1986 à Ben H’med, près de Settat, elle grandit au milieu de huit frères et soeurs. Le neuvième était la misère, la pauvreté, l’indigence. Elle n’a pratiquement jamais vécu une belle journée.
Mêmes les jours de fêtes lui paraissent tout aussi «normaux» que les autres. On ne lui achetait pas de nouveaux habits… Son père se contentait d’aller au souk hebdomadaire pour y acheter des vêtements usés, des dons de l’étranger. Elle ne s’est jamais rendue compte de cela, jusqu’au jour où elle rejoint, à l’âge de huit ans, son cousin à Casablanca. Son cousin ne l’a accueillie ni pour ses beaux yeux, ni pour la faire admettre dans une école pour mettre fin à son analphabétisme. Il l’a adoptée pour qu’elle aide son épouse dans les tâches domestiques, pour lui garder son petit enfant, pour faire les courses. Pour l’exploiter.
Hanane se réveille la première pour dormir la dernière, elle fait tout le travail à domicile comme une adulte. Elle ne se plaint pas, comme si elle considérait que toute cette corvée était normale. Sa récompense : de nouveaux habits, de bons plats, des sorties de temps en temps au parc des jeux et au centre ville de Casablanca. Elle ignore si son cousin paie son père ou pas. Mais le père affirme qu’il reçoit de temps à autre une petite somme qui ne dépasse pas, dans le meilleur cas, 500 dirhams. «Qu’est-ce que tu me fais ?», demande-t-elle au beau-frère de son cousin qui leur rend visite, de temps à autre. Il ne répond pas, lui relève la jupe et la dénude complètement. Il lui fait des choses qu’elle ignore. Elle n’a jamais confié ce secret à l’épouse de son cousin. Garde-t-elle le mutisme parce qu’elle éprouve quelque plaisir de ces jeux interdits, nouveaux pour elle, ou seulement parce qu’il lui a demandé de se taire ? Nul ne peut y répondre.
Seulement ce silence a encouragé le beau-frère de son cousin à aller plus loin. Et il la déflore alors qu’elle est âgée de 15 ans. Là non plus, Hanane a continué à garder le mutisme. Mais elle décide de retourner chez elle. Elle ne veut plus rester à Casablanca bien que sa mère et son père s’opposent à sa décision.
«Puisqu’elle ne veut plus rester avec nous, tu dois la reprendre…Sinon elle risque de s’enfuir…», explique le cousin à son oncle. Hanane retourne donc chez elle. Mais, au bout de quelques mois, elle demande à sa mère de la laisser retourner chez son cousin à Casablanca. Le matin du lundi 25 février. Elle prend un grand taxi qui l’emmène à Casablanca. Lorsqu’elle arrive, elle emprunte son chemin à pied pour chercher un bus l’emmenant chez son cousin. «Salut ma belle…Ça va? Je me prénomme Hamid…Est-ce que je peux t’aider à porter ta valise ?». Hanane sourit. Comme toute fille de son âge, elle est ravie de se savoir séduisante. Hamid s’approche d’elle, lui dit quelques mots. Elle rit. Il hèle un grand taxi. Ils montent. Deux autres jeunes montent également dans le véhicule. Ce sont des amis de Hamid. Mais elle ne le sait pas. Hamid lui demande de descendre avant l’entrée de Berrechid. Elle descend sans dire mot. Les deux autres jeunes les ont suivis. «Mais ou allons-nous ?», demande-t-elle à Hamid. «Tu fermes ta g… !», lui répond-t-il. L’endroit est désert. Hanane comprend qu’elle est piégée, entre les griffes des trois jeunes ; Hamid, 20 ans, Saïd, 19 ans et Aziz, 21 ans. Ils l’emmènent dans une baraque aménagée dans un terrain vague et la violent à tour de rôle. Elle pleure, les implore pour qu’ils la relâchent, leur dit que son cousin l’attend. Mais personne ne l’entend. Ils ne la relâchent que le dimanche 3 mars, soit sept jours plus tard. Elle retourne chez elle et alerte la police. Au jour d’aujourd’hui, seuls Hamid et Saïd ont été arrêtés, Aziz court toujours. Pendant ce temps, la pauvre Hanane, meurtrie, continue à chercher la tendresse et l’affection dans un monde cruel.

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