Société

Une migrante subsaharienne sur trois victime de violences sexuelles

© D.R

Médecins sans frontières (MSF) vient de rendre public un rapport alarmant sur la violence sexuelle subie par les femmes migrantes d’origine subsaharienne qui arrivent au Maroc et tentent de gagner l’Europe. Il en ressort que 39% des migrants subsahariens (MSS) interrogés pendant le recensement réalisé en janvier 2010 ont reconnu avoir subi une agression. Sur la base du recensement, MSF estime que le nombre actuel des MSS au Maroc s’élève à 4.500. Le rapport intitulé «Violence sexuelle et migration» indique qu’entre mai 2009 et janvier 2010, une femme sur trois prise en charge par MSF à Rabat et Casablanca a admis avoir subi un ou plusieurs épisodes de violence sexuelle que ce soit dans son pays d’origine, pendant le processus de migration ou sur le territoire marocain. Ce chiffre pourrait être bien plus élevé dans la mesure où plusieurs femmes ont refusé de parler. Selon l’ONG l’usage de la violence sexuelle figure parmi les pratiques violentes les plus courantes subies par les femmes dans le contexte des migrations. Sur 63 femmes interrogées ayant subi des violences sexuelles, 45% d’entre elles ont déclaré avoir été violées pendant le trajet migratoire. Tel est le cas de O.A, âgée de 26 ans qui a quitté son pays en raison du conflit politique. «En Mauritanie, comme elle n’avait pas de passeport, un chauffeur de camion lui a proposé de la cacher sous son siège. En route, le chauffeur et un autre homme qui voyageait avec eux lui ont dit de descendre du véhicule ; il n’y avait personne, ils étaient en plein désert. Le chauffeur de camion s’est alors approché d’O.A. et l’a frappée. Elle est tombée par terre où il lui a pressé les seins et l’a insultée, puis l’autre homme l’a violée. Elle a crié, mais personne ne l’entendait, ils étaient en plein désert. Quand ils ont fini, les deux hommes ont pris la fuite», peut-on lire dans le rapport. Par ailleurs, elles sont 29% à reconnaître avoir été violées avant de quitter leur pays et un tiers a déclaré avoir subi des abus sexuels au Maroc (hors Oujda). MSF note que 59% de ces 63 femmes qui sont passées par Maghnia pour rejoindre Oujda ont subi des violences sexuelles. «Ce chiffre pourrait être encore plus important s’il était extrapolé à la totalité des MSS qui passent par ce point puisqu’il s’agit de la route la plus empruntée par les migrants (les réseaux de trafic les conduisent à cet endroit) et les acteurs qui opèrent dans la zone entre les deux postes-frontières sont particulièrement violents», souligne le rapport. A noter que parmi ces 63 femmes 21,5% sont mineures dont 10% ont moins de 16 ans. La majorité d’entre elles sont originaires de la République démocratique du Congo (37%), du Nigeria (30%), du Cameroun (8%), du Congo-Brazzaville et de la Côte d’Ivoire (5%). La grande majorité de ces femmes (70% des cas) ont indiqué avoir fuit leur pays d’origine en raison d’un conflit armé, de la persécution politique ou abus en l’occurrence les mariages forcés. MSF qui est un témoin direct de l’impact de la violence sexuelle sur les femmes migrantes subsahariennes depuis leur lieu d’origine jusqu’à leur séjour obligé au Maroc relève que le viol dans des contextes de conflit armé, la violence domestique, les mariages forcés ou l’exploitation à des fins de prostitution font partie des principaux problèmes qui touchent la femme MSS tout au long du processus migratoire. L’ONG précise que malgré différentes mesures adoptées par certains départements ministériels, en collaboration avec les associations locales, dans la lutte contre la violence domestique et sexuelle (un plan opérationnel pour appliquer la stratégie de lutte contre la violence envers les femmes, des cellules de protection juridique dans certains tribunaux…), la plupart de ces ressources sont limitées et peu connues. MSF explique que la stigmatisation subie par la femme subsaharienne en raison de son origine et de sa situation irrégulière, lui empêche l’accès à une prise en charge complète comprenant les aspects sociaux, médicaux, psychologiques et juridiques. Pour MSF, la création de cellules de protection policière n’est pas une garantie pour l’accueil, la protection et la prise en charge des victimes en raison de leur statut de sans-papiers. Les migrantes subsahariennes qui s’adressent aux commissariats ou aux gendarmeries risquent non seulement d’être arrêtées mais également d’être expulsées vers la frontière en quelques heures. L’ONG note qu’en dépit de signes encourageants au sein des organisations sociales et des institutions, il n’existe pas de ressources spécifiques pour ces femmes. Face à l’ampleur des violences sexuelles que subissent les migrantes d’origine subsahariennes, MSF appelle le gouvernement marocain à apporter une réponse aux victimes de violences sexuelles qui se trouvent sur son territoire et revendique une plus grande responsabilité des pays de l’UE devant leurs politiques de migration et d’asile très restrictives et qui ont pour conséquence de porter atteinte à la santé et à la dignité des migrants.


Violence dans leur pays d’origine et pendant le trajet
Selon le rapport, 70% des femmes interrogées par Médecins sans frontières (MSF) ont expliqué avoir fuit leur pays d’origine en raison d’un conflit armé, de la persécution politique et d’autres types de violence ou abus comme les mariages forcés, la violence domestique et la violence conjugale. Les autres témoignages ont avancé des raisons économiques, comme la pauvreté. Près d’un tiers de l’ensemble des femmes interrogées, soit 29% ont reconnu avoir été violées avant de quitter leur pays. La majorité d’entre elles effectue le trajet dans des conditions physiques très dures. En général, elles voyagent entassées pendant plusieurs jours à l’arrière des pick-up qui traversent le désert, sans s’arrêter pour dormir ni manger, et avec très peu d’eau. Elles sont parfois obligées de marcher pour éviter les contrôles de police. Selon plusieurs témoignages recueillis, des hommes, des femmes et des enfants sont décédés suite aux mauvaises conditions de voyage ou aux violences subies. En outre, les femmes sont exposées à un risque très élevé de violence sexuelle. Dans près de 45% des témoignages, les femmes ont subi un ou plusieurs épisodes de viol pendant le trajet migratoire, que ce soit en raison du crime organisé ou par des individus qui profitent de leur situation de vulnérabilité pour exploiter ou même violer ces femmes pendant leur voyage.

 


23% des migrantes subsahariennes
enceintes d’un viol
L’analyse de la morbidité des migrants subsahariens pris en charge par MSF en 2009 (sur 5 231 consultations) met en évidence une détérioration de la santé à la fois physique et psychologique de cette population. L’année dernière, 14 % des consultations réalisées par MSF étaient dues à des blessures et à des traumatismes causés par la violence. Ce pourcentage a diminué par rapport à 2005 où 23,5 % des consultations réalisées par MSF étaient dues à la violence, mais il se maintient par rapport à 2007. Concernant les pathologies dérivées des conditions de vie des MSS, on remarque une légère hausse des problèmes ostéo-musculaires et de l’appareil digestif par rapport aux années précédentes. En ce qui concerne la santé sexuelle et reproductive, MSF a traité 54 femmes pour des séquelles d’avortements, 74% d’entre eux ayant été provoqués en raison de grossesses non désirées. Les femmes victimes de violences sexuelles forment un segment particulièrement vulnérable au sein de cette population. Sur le total des femmes ayant fourni leur témoignage à MSF, 23% se sont retrouvées enceintes suite à ces viols. Par ailleurs, 35% présentaient divers problèmes de santé sexuelle et reproductive liés aux épisodes de violence sexuelle, et 33% ont déclaré des problèmes d’ordre psychologique résultant également de ces viols: insomnie, anorexie, cauchemars, stress et anxiété, dépression, passivité affective, fort sentiment de culpabilité.

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