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Zineb Benamour Khoungui, diabétologue et nutritionniste : «L’idéal est de dîner juste après le ftour»

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ALM : Il est très connu que le mois de ramadan, au-delà du volet spirituel, est aussi associé à des habitudes alimentaires spéciales. En tant que médecin diabétologue pouvez-vous nous dire quels sont les problèmes de santé les plus constatés ?
Dr Zineb Benamour Khoungui : Je dirais qu’en tant que médecin, je rencontre plus de difficultés avec les patients souffrant de maladies chroniques. C’est d’abord, pour le cas des personnes diabétiques, des cas de déséquilibres qui s’aggravent pendant ce mois. A la limite, quand une personne est diabétique, mais équilibrée, elle peut jeûner sans grandes difficultés. Le hic c’est surtout le cas des personnes qui ne doivent pas jeûner mais qui tiennent à le faire. Je donnerais aussi l’exemple des patients hypertendus. Quand ceux-ci ne sont pas bien pris en charge, autrement dit quand ils ne sont pas réguliers pour ce qui est de leur suivi, ils risquent, en jeûnant sans demander l’avis de leur médecin traitant, de sombrer facilement. C’est pourquoi il est absolument nécessaire qu’ils fassent une consultation « pré-ramadan » au moins un mois au préalable. A titre d’exemple, il y’a des personnes qui négligent leur suivi pendant une longue période, et ce n’est que quelques jours avant, voire la veille, qu’ils se présentent chez le médecin avec un taux élevé de tension artérielle ou d’insuline et exigent du médecin d’y remédier en un temps record afin qu’ils puissent jeûner. A ce moment là, nous, médecins, nous nous retrouvons les mains liées devant ce type de cas. Autre exemple. Je citerais les personnes souffrant de maladies du rein, ou même états dépressifs graves qui sont liés par des obligations de prise de médicaments ou de consommation d’eau (pour les malades du rein), au risque de sombrer dans des crises. Ces personnes-là doivent être très conscientes de la gravité de la chose. S’il est question de jeûner, et si bien sûr leur médecin ne s’y oppose pas, ils ne doivent pas négliger les quantités et les horaires de prise de médicaments.

Que pensez-vous de la composition du menu «ftour» pendant le ramadan dans les familles marocaines, et des horaires des repas ?
Le volet relatif à l’alimentation est un point tout aussi important que le premier. En fait, le problème majeur réside dans le fait que notre alimentation est d’un grand déséquilibre. Pour commencer avec la rupture de jeûne. Le premier conseil, mais aussi l’un des plus importants que je puisse conseiller c’est bien de réduire la consommation en sucreries. Il faut que les gens sachent que les divers aliments sucrés consommés, je parle ici de «chebbakia», «sellou», «briouat», «baklawa» et «halwa filalya» sont rangés dans la catégorie des friandises. Et, en tant que friandises, ils doivent être consommés occasionnellement. Or, ce qui se passe c’est que non seulement les gens en consomment chaque jour, mais ils le font en en prenant beaucoup par repas et par jour.  C’est excessif. Et comme la tendance est de goûter à tout, la conséquence directe en est une consommation excessive de sucres pendant un seul repas. A la limite, 4 à 5 dattes par jour seraient largement suffisantes. J’en arrive à un autre point qui est celui de la soupe préférée au Maroc, la «harira. C’est, effectivement, un repas complet pour ce qu’il contient en protéines, en légumes secs…, mais le préférable serait de préparer la «tédouira» de cette soupe à base de légumes moulus, au lieu d’utiliser la farine. Tercio, et sur ce volet, je commenterais en disant que c’est l’aberration. Les mets servis en accompagnement du ftour sont une masse de calories superflues que l’on fait ingérer au corps. Il s’agit des «msemen», des viennoiseries, des pizzas et des divers chaussons et «briouates» fourrés de toutes sortes de farces.

Les jus, eux, sont à éviter. En effet, les jus de fruits sont hyper-caloriques. Au lieu du jus, pourquoi ne pas consommer le fruit lui-même dans son état pur ?
Pour ce qui est du dîner. L’idéal serait de dîner une fois pour toutes au moment même, ou peu de temps après le ftour. Cela permettrait au corps de digérer tranquillement les aliments consommés.

En guise de conclusion, quelle serait la vraie raison de ce déséquilibre durant le mois de ramadan, et quels conseils donneriez-vous à ce sujet ?
En somme, le vrai problème durant le mois de ramadan, est relatif tant aux quantités qu’aux qualités des plats consommés. Un corps qui est sevré toute la journée, et tout de suite «inondé» de calories, ne peut que mal se porter. Le pire c’est que cela est associé, dans une grande majorité des cas, à un manque d’activité ce qui favorise le stockage de ces toxines dans le corps. Pour donner un exemple, si l’on compare le Maroc au reste des pays arabes, il est quasiment le seul à avoir de telles habitudes alimentaires. Je conseillerais, donc, de revenir à l’utile et à l’essentiel, de sortir de l’avidité et d’être conscient que le ramadan est un mois qui devrait être dédié à la spiritualité et non au gavage. Ce serait bien l’occasion de faire la «diète».

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