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Aziz Rabbah : «Plus de radars fixes pour le contrôle automatisé»

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ALM : Même avec un nouveau Code de la route, pourquoi nos routes sont-elles toujours aussi meurtrières ?
Aziz Rabbah : De par le monde, les statistiques de l’insécurité routière montrent que 80% des accidents de la circulation routière sont essentiellement dus au comportement humain du conducteur. Il s’agit là d’un constat également confirmé au niveau national, d’où l’intérêt de s’attacher prioritairement à agir sur les causes humaines de l’insécurité routière dans le dessein d’infléchir la courbe des statistiques des accidents routiers. La nécessité d’améliorer le comportement humain comprend de nombreux aspects que l’on peut répartir en deux grandes catégories : la sensibilisation et l’éducation routières, dont l’impact ne peut être ressenti qu’à moyen et long termes et le contrôle routier et la sanction, dont l’impact est immédiat, eu égard à la crainte du conducteur d’être intercepté, contrôlé et sanctionné sévèrement. C’est cet effet psychologique qui a été à l’origine des réductions significatives enregistrées pendant le premier trimestre de mise en œuvre du Code de la route et qui illustre le lien entre les indicateurs de l’insécurité routière et le comportement humain. En effet, l’entrée en vigueur le 1er octobre 2010 de la loi n°52.05 portant Code de la route a eu un impact très positif sur les indicateurs de la sécurité routière, durant le 1er trimestre de son application (octobre à décembre 2010) avec des réductions par rapport à la même période de l’année 2009, respectivement de 17,59, 18,52, 18,12 et 19,76 % du nombre d’accidents, de tués, de blessés graves et de blessés légers selon les statistiques de 2010.

Mais actuellement l’effet psychologique n’a-t-il plus aucun impact sur les conducteurs marocains ?
Cet effet psychologique s’est dissipé rapidement par la vulnérabilité du contrôle qui a fait défaut durant la période octobre 2010 avril 2011, à cause de la non-disponibilité des équipements de contrôle conformes aux nouvelles exigences du Code de la route, faisant de ces équipements non seulement des outils de mesure, mais obligatoirement des producteurs de preuves matérielles pour la verbalisation des contrevenants. Par conséquent, il a fallu plusieurs mois pour adapter, par les constructeurs, les équipements existants sur le marché mondial. Le contrôle routier n’a démarré effectivement qu’à partir du mois de mai 2011 pour la Gendarmerie royale et le mois de juillet 2011 pour la DGSN avec la réception de la 1ère tranche des équipements de contrôle (230 radars pour la GR et 120 pour la DGSN). La solution immédiate a été apportée par la réunion du Comité permanent de sécurité routière (CPSR) tenue le 17 février 2012 qui a décidé d’agir sur le comportement du conducteur par la montée en charge du contrôle routier et a fixé des seuils à atteindre pour chaque thématique de contrôle.  À titre d’illustration, pour le contrôle de la vitesse par la GR, la montée en charge a permis d’atteindre 4.964 sorties/mois et envisage d’atteindre le seuil fixé par le CPSR qui est de 6.000 sorties/mois après acquisition de la 2ème tranche des équipements de contrôle. Pour la DGSN, elle en est à 2.460 sorties par mois pour atteindre à terme les 4.000 sorties/mois. Par ailleurs, on a envisagé d’accompagner l’effort déployé par les corps de contrôle par l’extension du réseau des radars fixes pour le contrôle automatisé de la vitesse à travers le choix d’une société dans le cadre d’une concession pour la mise en place, la gestion et l’exploitation de 970 radars fixes de contrôle de la vitesse, 120 équipements de contrôle de franchissement des feux rouges au niveau des carrefours urbains et 10 radars mesurant la vitesse moyenne.

Mais malgré ces actions, on constate que l’on a du mal à faire baisser le nombre des victimes...
De manière générale, nous estimons que les solutions à apporter pour agir sur la courbe des statistiques macabres de nos routes marocaines ne peuvent réussir que si l’on adopte une approche globale qui intègre trois éléments. Le changement du comportement de l’usager de la route, à travers l’éducation, la réglementation, les contrôles et les sanctions. L’amélioration de la sécurité du véhicule, notamment à travers les moyens du contrôle de l’état du véhicule. Le renforcement de la sécurité des infrastructures routières, à travers le traitement des «points noirs», et l’amélioration de l’état de nos routes (construction de murets, de pistes cyclables et de voies latérales). Ce sont là les solutions auxquelles nous nous attellerons dans le court et moyen termes.

Une carte pour les conducteurs professionnels est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2012. Quel bilan faites-vous de cette opération ?
Le concept de conducteur professionnel a été introduit par la loi n°52-05 portant Code de la route en vue de reconnaître le statut professionnel des conducteurs, des moyens de transport public de personnes et de marchandises, de préserver leurs droits et de valoriser leur métier. L’article 310 du Code de la route donne le droit aux conducteurs professionnels, exerçant avant le 1er octobre 2010, de bénéficier de cette carte sans l’obligation de suivre la formation de qualification initiale. En termes de bilan, il convient de signaler qu’à fin décembre 2011, environ 50.000 conducteurs ont procédé au retrait de leurs cartes professionnelles auprès des services compétents du ministère de l’équipement et du transport sur un total d’environ 300.000 conducteurs. Eu égard au faible taux de retrait des cartes (16%), et suite à la requête des représentations syndicales des conducteurs, le ministère a accordé un délai supplémentaire de 6 mois pour le retrait des cartes de façon à ce que le démarrage effectif du contrôle de la carte de conducteur professionnel interviennent ne à partir du 1er juillet  2012. À la date du 4 juillet 2012, le nombre de cartes retirées dépasse 150.000.

Aujourd’hui avec les stages d’éducation à la sécurité routière (SESR), on mise sur la formation pour lutter contre les accidents. Comment évaluez-vous l’impact de ces mesures ?
La loi n° 52-05 portant Code de la route instaure de nouvelles dispositions relatives au permis de conduire, notamment la création du permis de conduire à points. Celui-ci s’inscrit, avant tout, dans une démarche pédagogique et de sensibilisation, l’objectif étant d’éviter l’infraction et sa récidive. Il répond à un objectif de prévention et de pédagogie en «responsabilisant» les conducteurs et en sanctionnant le comportement de ceux qui transgressent les règles du Code de la route. Par ailleurs, ce dernier prévoit le suivi d’une session d’éducation à la sécurité routière pour les cas suivants. Volontairement pour les conducteurs désirant récupérer 4 points, cette récupération ne peut avoir lieu qu’une seule fois tous les 3 ans. Et obligatoirement pour les conducteurs titulaires d’un permis de conduire probatoire ayant perdu au moins deux tiers de leur capital de points ; les conducteurs dont le permis de conduire a été annulé suite à la perte totale de leur capital de points ; et les conducteurs responsables d’un accident de la circulation ayant provoqué des homicides ou des blessures involontaires.

Qu’en est-il des stages ?
Pour la mise en œuvre des SESR, une convention a été signée le 18 février 2011 entre le ministère de l’équipement et du transport et l’OFPPT pour la prise en charge de ces stages. Les centres de l’Office ont assuré des stages au profit de près de 970 personnes qui sont, pour la totalité, des conducteurs impliqués dans des accidents de la circulation ayant provoqué des homicides ou des blessures involontaires et astreints à suivre ces stages dans le cadre de l’exécution de jugements judiciaires. L’option de suivi volontaire de stages  pour la récupération des points n’est pas encore adoptée par les conducteurs marocains ; ce qui fait qu’il est tôt de mesurer l’impact de cette opération.
 
L’année dernière, l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM) s’est alliée avec le CNPAC pour lutter contre la contrefaçon. Que pensez-vous de ce genre d’actions ?
La circulation et l’usage des pièces contrefaites posent un problème triple : de sécurité du fait des risques encourus par l’utilisateur ; économique, en raison du préjudice financier dû au marché frauduleux des pièces contrefaites, mais aussi citoyen eu égard aux conditions dans lesquelles s’exerce la contrefaçon.
Estimée entre 5 et 10% dans l’Union européenne, la part de la contrefaçon dans le secteur automobile atteindrait 20 à 30% au Maroc, d’après un rapport de l’UNIFAB. Contrairement aux pièces contrefaites, les pièces garanties par les constructeurs sont étudiées dès leur conception. Elles forment un tout et interagissent les unes avec les autres. Autrement dit, utiliser une pièce contrefaite peut détériorer une fonction mais aussi un ensemble de fonctions entraînant des réactions en chaîne. C’est pourquoi les pièces garanties par les constructeurs font l’objet de tests et de crash-tests rigoureux. Pour ces différentes raisons, le fléau de la contrefaçon fait l’objet d’une prise de conscience mondiale où le Maroc est également engagé. De ce fait, l’initiative du CNPAC et de l’AIVAM est louable et ne peut être qu’encouragée et soutenue. La sécurité à tous les niveaux, notamment quand il s’agit de la préservation des vies humaines, n’a pas de prix. On veillera à ce que ce genre d’opérations dans le futur soit renforcé car son impact aussi bien pour l’économie nationale que pour la sécurité routière est très positif.

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