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Confessions ramdaniennes de Nezha Bidouane

© D.R

Aujourd’hui Le Maroc : Le mois sacré suppose-il des changements dans votre rythme de vie, vous qui êtes une athlète de haut niveau ?
Nezha Bidouane :Ramadan est un mois qui reste très difficile à vivre pour un athlète de haut niveau. D’un côté, il y a les séances d’entraînement qui doivent se succéder à un rythme normal. De l’autre, les changements que suppose ce mois sacré dans la vie de tous les jours de n’importe quel musulman, athlète ou pas. En ce qui concerne les sportifs, le plus grand problème qu’ils doivent affronter demeure incontestablement la déshydratation. Nous devons faire très attention aux quantités d’eau que nous buvons chaque jour. Pour ce qui est de mon planning d’entraînement, il n’a subi aucun changement. Ce sont par contre les horaires des séances qui différent tout au long de ce mois. Je m’entraîne donc deux fois par jour comme d’habitude, mais les séances se déroulent avant et après le ftour. La première est programmée à 15h et la seconde vers 20h30. Mais juste après le repas du ftour, une sieste est obligatoire.
Vous vous préparez sérieusement pour la prochaine saison. Un titre olympique est-il dans votre ligne de mire ?
Demandez à n’importe quel athlète, il vous dira que l’année prochaine est très importante dans sa carrière sportive en raison de la tenue des Jeux Olympiques. Il est donc tout à fait normal que les préparatifs pour la saison olympique soient encore plus intensifs que d’habitude. Pour ma part, j’ai arrêté les compétitions il y a presque deux années en raison de la venue au monde de mon premier enfant, et je n’ai toujours pas signé mon come-back sur la scène athlétique internationale. J’ai commencé à m’entraîner début 2003 mais j’ai contracté plusieurs blessures qui m’ont encore éloignée des pistes. Actuellement, je m’entraîne sérieusement pour la saison prochaine et j’estime reprendre la compétition en juin prochain. Cependant, je ne pourrais avancer qu’un titre olympique est mon principal objectif. Tout dépend de mon niveau et ma forme lors des meetings qui précéderont les J.O. et auxquels je prendrais part. Je n’irais pas à Athènes uniquement pour décrocher la médaille d’or.
Deux années pour se remettre d’un accouchement. N’est-ce pas un peu long dans la carrière d’une athlète de haut niveau ?
Vous savez, je me suis mariée en 1992 et je n’ai eu mon bébé qu’en 2002. J’ai donc attendu une dizaine d’années avant de tomber enceinte, et ce justement pour ne pas compromettre ma carrière. J’avais sacrifié jusque-là beaucoup de chose pour l’athlétisme et je ne l’ai jamais regretté d’ailleurs. Mais comme l’année 2002 était une année durant laquelle aucun grand événement athlétique n’était au programme, ni Jeux Olympiques ni championnat du monde, et que même ma discipline, les 400m haies, n’était pas programmée dans la plupart des meetings internationaux, j’ai pris la décision de me consacrer enfin à mon foyer et de fonder une famille. Le bon Dieu m’a donné un petit coup de pouce et j’ai eu mon bébé, Mohamed Yassine, âgé de 15 mois. J’avais l’intention de reprendre le chemin des pistes quelques mois après l’accouchement et j’ai effectivement repris les entraînements à cet effet. Mais la malchance m’a poursuivie et j’ai contracté une série de blessures qui ont retardé mon retour.
Combiner une carrière d’athlète de haut niveau et un statut de jeune maman est-il aussi facile que vous nous laissez croire ?
Pas du tout. La difficulté est ressentie par toutes les mamans qui travaillent et veillent au bien-être de leur enfant. Mais j’ai la chance d’avoir un mari, Abdelaziz Sahir en l’occurrence, ancien athlète, très compréhensif, qui m’aide beaucoup à ce niveau.
Le fait que votre mari et vous apparteniez au même domaine sportif vous facilite donc beaucoup la tâche.
Oui. Nous nous sommes rencontrés Sahir et moi en 1988 sur une piste d’athlétisme. Au tout début, ce n’était pas le coup de foudre puisque nous sommes restés longtemps de simples collègues au sein d’une même équipe. A l’époque, Sahir comptait parmi les meilleurs athlètes du demi-fond au Maroc alors que je n’étais qu’une jeune athlète, qui venait à peine d’entamer sa carrière. Ce n’est que par la suite que nous nous sommes rapprochés et nous nous sommes mariés en 1992. Vous savez, la vie de deux athlètes, qui doivent suivre un stage deux fois par an à Ifrane, d’une durée de quatre à six semaines chacun, et qui vivent pratiquement en Europe de juin à septembre en raison des meetings et compétitions internationales, n’est pas de tout repos. Les problèmes surviennent très vite et il faut vraiment une grande dose de compréhension pour les surmonter. Donc je pense que la meilleure chose qui puisse arriver à une athlète est d’épouser un athlète.
Si votre enfant voudrait devenir athlète à son tour, suivre en quelque sorte la tradition familiale, quels conseils lui donneriez-vous ?
D’abord, je lui déconseillerais formellement de suivre ce chemin. Non que je sois mécontente de ce que j’ai vécu durant ma carrière d’athlète ou que je ne sois pas fière de ce que j’ai réalisé comme performances, mais la dureté de cette discipline et les souffrances qu’il faut endurer pour atteindre un haut niveau me pousseraient à le faire changer d’avis. La clé de toute réussite, pas uniquement au sport, est la patience. Il faut en avoir des tonnes pour pouvoir suivre le rythme et les enchaînements des entraînements. Il faut également être très fort, non seulement d’un point de vue physique mais surtout moral pour ne pas s’effondrer devant le premier obstacle qui se dresse sur son chemin, et Dieu sait qu’il y en aura beaucoup. Mais l’amour et la passion de l’athlétisme nous ont permis d’aller de l’avant. Ce que ressent un athlète après avoir remporté une épreuve est incomparable. N’importe qui a goûté à cette joie de vaincre ne la changerait pas contre tout l’or du monde.

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