Spécial

Des entreprises à la traîne

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ALM : Quel est le domaine d’intervention de Maroc Telecommerce ?
Azedine Mountassir Billah : Maroc Telecommerce a vu le jour fin 2000 à l’initiative d’un groupe de banques.Notre budget de départ est de 20 millions de dirhams. Nous sommes un opérateur du commerce électronique et du paiement électronique sécurisé.
Que pouvez-vous dire du e-commerce au Maroc ?
Le marché du e-commerce au Maroc n’a pas véritablement démarré. En gros, on peut le diviser en deux créneaux : le local et l’export. En ce qui concerne le local, le marché est encore à ses débuts. Il faut dire que le Marocain n’est pas habitué au commerce à distance. C’est l’une des raisons des lenteurs du développement du marché. Pour qu’un marché démarre, il faut trois acteurs. Un vendeur, un acheteur et un arbitre qui les met en contact. Au Maroc, les entreprises sont à la traîne. Au niveau des grandes entreprises, en dehors de Royal Air Maroc qui a enfin osé, personne n’a franchi le pas pour de multiples raisons au pré-requis nécessaire pour la vente à distance..
Mais pourtant de plus en plus d’entreprises disposent de leurs sites web ?
Certes, mais il ne suffit pas d’avoir un site web et de faire appel à un opérateur électronique pour vendre sur le net. C’est beaucoup plus que cela. La plupart des sites en question sont de simples cartes de visites. En effet, la vente sur Internet nécessite la mise en place d’une véritable stratégie, d’une organisation interne adéquate et d’une infrastructure logistique. En d’autres termes, la vente en ligne nécessite des investissements importants que les entreprises marocaines considèrent, à tort, comme étant non encore opportuns.
Le créneau de l’export dispose d’un potentiel important ?
On a fondé beaucoup d’espoirs sur l’export. Les secteurs du tourisme et de l’artisanat disposent d’un potentiel important. Encore faut-il savoir les exploiter. Ce n’est malheureusement pas le cas. Dans le tourisme, les opérateurs proposent des chambres et des nuitées sur Internet. Là s’arrête leur intervention. Ils ne vendent pas des prestations à l’image des Tours Opérateurs qui proposent une prestation touristique complète composée de la location d’hôtels, de la location de voitures, de visites guidées et de spectacles, etc. Aucun opérateur au Maroc ne peut rivaliser avec ses homologues comme Nouvelles Frontières, Neckerman et d’autres… Côté artisanat, c’est le même constat. Le Maroc a de très bons artisans capables de réaliser de belles oeuvres. Mais à l’aval, il n’ y a pas de professionnels capables de vendre en ligne.
La plupart des entreprises parlent du problème de sécurisation des ventes en ligne
C’est un beau prétexte pour ne pas investir. Il y a 200 entreprises marocaines qui déclarent leurs salaires via Internet en toute confidentialité. Il n’y a pas de fuites. Beaucoup d’opérateurs se cachent derrière les problèmes de sécurisation. C’est manifestement un faux problème. Remarquons juste que la carte bancaire, n’a aucune base légale au regard du droit marocain, son utilisation est régie par un contrat entre la banque et son client . D’ailleurs, le volume annuel des flux financiers drainés par les cartes bancaires représente plusieurs dizaines de milliards de Dirhams sans que cela ne nécessite de cadre juridique redéfini. Les contrats signés entre les clients et les banques, d’une part, et entre les commerçants et les banques, d’autre part, régissent le fonctionnement du système.
Mais la loi doit quand même suivre
C’est exact. Mais que cela ne serve pas de prétexte. Il y a actuellement deux textes de loi qui sont dans le circuit réglementaire. L’un d’eux concerne la reconnaissance des messages électroniques en tant que preuve juridique. L’autre concerne la protection des données nominatives.
L’Administration marocaine s’intéresse-t-elle à l’e-commerce?
Souvent on reproche à l’Administration d’être à la traîne par rapport au secteur privé. Dans le domaine du e-commerce, c’est plutôt le contraire. L’Administration en ligne avance à grand pas. Depuis 2002, de grands projets ont été entamés. Maroc Telecommerce a eu le privilège de mettre en place, pour le compte de la Caisse nationale de sécurité sociale, le premier portail marocain pour la télé-déclaration des salaires et le paiement électronique sécurisé des cotisations. La direction générale des impôts a lancé un programme qui devra révolutionner la déclaration des Impôts. Celle-ci pourrait à terme être faite en ligne en toute sécurité et en toute transparence. Il y a la direction de la Conservation foncière qui suit aussi la tendance, l’OMPIC qui s’intéresse à la mise en place d’une centrale de bilan et le ministère de la Justice qui veut publier en ligne les jugements des tribunaux de commerce et la consultation des informations sur le registre du commerce. L’Administration est donc en avance par rapport aux entreprises.
Quelles sont les perspectives d’avenir?
Le marché est énorme. Sa situation m’inspire cette anecdote. Deux employés d’une entreprise européenne de fabrication de chaussures, en prospection en Afrique au début de l’ère coloniale sont allés, à la recherche des opportunités d’investissement. A leur retour, à la question de leur chef d’entreprise, le premier donne ses impressions : «tout le monde marche pieds nus là-bas. Donc nous ne pouvons rien vendre…». Et son compagnon de répliquer : «Non ! Puisque tout le monde marche pieds nus, nous pouvons vendre une chaussure quelle que soit sa qualité ». C’est exactement la situation du marché marocain. En conclusion, le Maroc, compte tenu de sa taille, ne peut que suivre les grandes tendances mondiales. Aussi, plus nous démultiplierons les exemples de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les domaines du commerce et de l’Administration, plutôt nous arriverons à insérer notre économie dans le marché mondial de plus en plus ouvert et concurrentiel..

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