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Évasion sur le sable et sur les ondes

© D.R

Il ne faut pas croire que le polisario est composé de militants convaincus par cette soi-disant cause sahraouie. Détrompez-vous. Pratiquement, tous les gardiens et responsables de sécurité, surtout ceux d’origine marocaine, n’ont qu’une seule idée en tête, fuir vers le Maroc. Je vous relaterai une histoire qui s’est déroulée dans un centre au sud-est de Tindouf, où des prisonniers marocains travaillaient dans des conditions abominables. Ils calcinaient des pierres pour obtenir la chaux. C’est la raison pour laquelle on appelait ce centre, le poste « gire ». Un jour de 1984, lors d’une visite de routine, les responsables de sécurité ont découvert le centre complètement vide. Je vous rappelle que les visites de ces responsables de sécurité se déroulent une fois par semaine. Le reste du temps, les dix prisonniers marocains sont surveillés uniquement par des gardiens. Ce jour-là donc, le poste « gire » était complètement vide. Où est passé tout le monde? En fouillant, les responsables de sécurité ont découvert un gardien ligoté, jeté dans une fosse et évanoui car cela faisait trois jours qu’il n’avait ni bu, ni mangé. Ce garde s’appelle Limam, c’est le plus cruel de tous. Les dix prisonniers et les autres gardes avaient disparu. Les recherches ont immédiatement commencé. Les fugitifs avaient pris la fuite à bord d’un camion militaire. L’armée algérienne a mobilisé tous les moyens dont elle disposait: avions Mig 21, hélicoptères et patrouilles terrestres. Les ratissages n’ont heureusement rien donné. Nos vaillants fugitifs étaient déjà confortablement installés au Maroc. Ce fut la deuxième évasion réussie. La première a eu lieu quelques mois plus tôt, plusieurs autres prisonniers avaient volé une 4X4, des munitions et du carburant et se sont dirigés à toute vitesse vers le Maroc. Nous avions connaissance des détails de ces opérations, et de celles qui ont malheureusement échoué, de la bouche des gardiens pro-marocains, avec lesquels nous entretenions des relations de fraternité. Mais ces rapports étaient strictement discrets car nous avions peur des prisonniers qui mouchardent pour le polisario. Je reviendrai à ces taupes. Mais avant, j’aimerais vous parler de la première fois que nous avions regardé la télévision et surtout la chaîne marocaine. Avant 1998 et 1999, il était inconcevable pour un prisonnier d’avoir un poste radio. En fait, certains prisonniers réussissaient à voler des postes radios dans plusieurs endroits. Parfois, on volait dans les bureaux du polisario lors des travaux de nettoyage, chez un gardien ou même dans les camions des chauffeurs algériens qui transportent les aides humanitaires du port d’Alger vers Tindouf. Bien évidemment, il ne fallait jamais exhiber le poste volé comme un trophée. Si un des délateurs s’aperçoit de l’existence du poste radio, les gardiens et les responsables sont immédiatement prévenus. Une fouille totale est effectuée et le poste confisqué. Avec le temps, nous avons commencé à en parler aux responsables du Comité International de la Croix Rouge (CICR). Ils nous ont beaucoup aidés. Ils ont fait pression sur le polisario et sur les Algériens pour que nous soit permis la radio. Après cela, les gardes ont commencé à fermer les yeux. Même s’ils entendent un poste radio allumé, ils font comme s’ils n’avaient rien entendu. On écoutait essentiellement et très discrètement les stations comme la BBC, France-Inter, la radio espagnole en arabe et Médi 1. Dans cette dernière station, on aimait surtout écouter le journal du monde arabe pour nous régaler des malheurs des Algériens. Ces postes radio nous permettaient d’oublier les stations du polisario avec lesquels ils nous brisaient les tympans. Leurs stations diffusaient à longueur de journée des chansons insultantes contre le Maroc et des informations sur des pseudos bombardements contre les FAR qui ont fait 400 morts et d’énormes dégâts matériels. Bien sûr, ce ne sont que des mensonges dont le but est avant tout de remonter le moral des troupes du polisario. Un moral qui est, je vous l’assure, au plus bas. D’ailleurs, les gardiens eux-mêmes venaient chaque matin nous demander discrètement ce qui se passait dans le monde entier. Et pour cause, ils n’ont strictement pas le droit d’écouter une autre information que celle livrée par les officiels du polisario et l’Algérie. De temps en temps, nous tentions de capter la station de radio marocaine qui émet chaque soir depuis la ville de Laâyoune. Mais à cause du brouillage, cela s’avérait toujours impossible. C’est ainsi que nous avions redemandé aux responsables du CICR de refaire pression sur les polisariens pour nous autoriser de posséder une télévision. En fait, le polisario a compris que si les prisonniers marocains n’ont aucune échappatoire ils risqueraient de perdre la raison tous et très rapidement. L’écoute des informations nous permettait de tenir le coup. En outre, nous permettre de posséder des postes radio est une manière pour le polisario de redorer son blason, terni par les tortures et les meurtres qu’il a commis et dont le CICR était au courant. Au début, nous ne pouvions capter que la télévision algérienne. Et encore une fois, les pressions du CICR nous ont permis d’avoir une parabole. Grâce à une série de manigances, nous réussissions toujours à acheter ce que nous voulions. Je vais vous expliquer comment exactement. En fait, nous étions de mèche avec les chauffeurs algériens dont je viens de vous parler. Au moment du décharge des marchandises, nous laissions volontairement quelques sacs de nourriture comme du sucre ou du riz. Le chauffeur peut revendre par la suite les vivres et avec une partie de l’argent nous acheter tout ce que nous voulons. Ce genre de magouille nous l’opérions également avec les gardiens eux-mêmes. En fait, ce sont ces derniers qui nous ont appris les techniques de détournement. Ils avaient besoin de nos services au moment de l’ouverture des immenses colis de vêtements en provenance essentiellement des pays occidentaux. Sur ordre des gardiens, les prisonniers étaient chargés de trier les habits et de subtiliser quelques vêtements. Les prisonniers n’oubliaient pas de prendre leur part. Les gardiens savaient pertinemment qu’une grande partie de l’aide humanitaire a déjà été détournée par les hauts responsables. A leur tour donc de prendre leur part. Tout le monde raisonne de cette manière au polisario. Cette bande de mercenaires n’est plus qu’une entreprise de pillage et de détournement. Tout le monde vole. Les gradés plus que les simples exécutants. Les prisonniers ne font qu’en profiter pour améliorer leur quotidien. Revenons à la parabole que nous avons achetée. Dès que nous l’avons reçue, nous nous sommes attelés à la mettre en marche. Ça nous a pris quelques heures et, l’ayant bien réglée, nous avons pu capter la télévision marocaine. Ce jour-là nous étions 450 prisonniers autour d’un seul poste de télévision. Notre joie a été immense, comme si nous avions été libérés. Nous ne rations jamais le journal télévisé de 20 heures. C’était notre émission préférée. De temps en temps, les mouchards avaient des ordres de changer de chaîne avant le début des informations pour nous empêcher de voir ce qui se passait au Maroc. Evidemment, ces taupes s’exécutaient avec une abnégation que je n’arrive toujours pas à comprendre. Demain, je vous donnerai les noms de deux mouchards qui sont aujourd’hui rentrés au Maroc.

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