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Les migrants, acteurs du développement local

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Aujourd’hui, les migrations sont un phénomène mondial et s’inscrivent davantage dans des mobilités transnationales complexes. La dichotomie classique entre pays pourvoyeurs de migrants (pays d’émission) et pays d’accueil (réception) ne fonctionne plus d’une manière aussi simple et linéaire. Avec la mondialisation et la gestion des frontières, nous assistons à des mouvements de populations circulaires qui font de chaque pays, un pays potentiellement d’immigration et d’émigration. Les migrations ont toujours perturbé les dispositifs de souveraineté des Etats par rapport à leur territoire et à leur population. Cependant, elles sont en même temps des facteurs de dynamisation économique et démographique qu’il ne faudrait pas nier. La perception du migrant uniquement sous le registre du problème à résoudre, de charge à supporter ne sert que certains intérêts politiques réducteurs. Les migrations sont à la fois une réalité de notre monde moderne et une nécessité pour sa reproduction sociale, économique et démographique. Le migrant dans ce sens, par sa double inscription territoriale (pays de résidence et pays d’origine), devient aussi un acteur économique, un médiateur socioculturel, voire un élément fondamental dans les relations bilatérales de coopération entre les Etats. Si le développement local et territorial est un processus complexe qui met en mouvement des acteurs locaux, des ressources humaines et matérielles dans des relations de négociation et d’intégration des multiples dimensions d’un territoire, le migrant ne pourra pas se soustraire à cette dynamique globale. Il est présent à la fois par ses transferts d’argent, ses investissements et ses implications dans le processus de changement. Nombreux sont ceux qui reviennent aussi pour participer à la gestion des communes. Les Etats aussi ont pris conscience de l’importance stratégique des migrations dans le développement national. Ils s’organisent pour mieux profiter de cette économie générée et pérenniser les liens d’allégeance et/ou d’appartenance de leurs ressortissants. Ce rôle des migrants en tant qu’acteurs de développement a été reconnu par certains Etats, la France en l’occurrence, sous le concept de co-développement1 dont l’idée centrale est d’établir une relation positive entre les migrations et le développement tant pour les pays d’origine que d’accueil. Cette approche a fait l’objet de débats contradictoires sur la place qu’occupe le migrant ou doit occuper dans le système transnational et les politiques de développement. La notion de co-développement considère les migrations dans les pays du Nord comme un facteur de développement dans les pays du Sud. C’est une reconnaissance de ce qu’ils font déjà tout en le structurant davantage dans le cadre d’une politique de coopération bilatérale et décentralisée.
C’est donc un processus de développement d’une économie sociale impliquant des organisations sociales (ONG, associations…) et administratives (départements publics) des deux pays concernés. Si on considère l’exemple marocain, les transferts des MRE représentent 9,5% du PIB marocain, soit quelque 4,7 milliards de dollars par an. Malgré les baisses annoncées des volumes transférés du fait de la crise, les migrants continuent à jouer un rôle important dans l’économie nationale.
En effet, les MRE (toutes générations et profils confondus) investissent annuellement environ 10 à 12 milliards de dirhams au Maroc. Cela représente près de 30% des fonds qu’ils transfèrent depuis leur pays de résidence. L’immobilier reste le principal choix, de 65 à 72% des investissements. Le reste se répartit entre les autres secteurs : services, agriculture, tourisme, industrie. Par contre, les comportements des jeunes générations issues de l’immigration en matière d’investissement sont différents de ceux des parents. Ils sont acculturés à l’idée de l’entreprise et entreprennent des projets d’investissement innovants. Ils s’orientent davantage vers le secteur tertiaire : commerce, restauration, tourisme, boulangerie, pâtisserie, blanchisserie et sous-traitance : «Les lauréats des grandes écoles, eux, optent d’entrée de jeu pour l’industrie, les nouvelles technologies, le conseil ou la santé.». En guise de conclusion, l’extrait d’entretien suivant nous place d’emblée au cœur de cette problématique de la participation des migrations au développement local et régional : «Personnellement, avant mon émigration, je pensais que j’ai été inutile pour le Maroc et que par mon départ j’allais tourner la page et vivre une autre vie en France complètement coupée de ma vie marocaine. Mais en venant ici, mes liens avec le Maroc sont devenus plus forts. Je me rends compte que je suis rattrapé par ma marocanité au point où j’envoies de l’argent à ma mère, j’ai aménagé la maison des parents et j’ai construit une autre. Au rez-de-chaussée, je vais ouvrir un café, qui va être géré par mon petit frère, resté au pays. Là c’est comme si je vais créer des emplois au pays grâce à mon travail en France. Je suis aussi membre d’une association ici qui travaille avec plusieurs associations dans ma région à Taroudant.
On mobilise les Marocains sur des projets de développement de nos villages pauvres.» (MRE, maîtrise en géographie, salarié associatif).

 Zoubir Chattou

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