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Ramadan à Tindouf : Les maîtres de Tindouf (3)

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Dans les camps du Polisario, le traitement était tellement inhumain que nous nous considérions dans la période de la Jahiliya, l’époque anté-islamique. Nous ne pouvions ni nous laver, ni même boire sans risquer de tomber malade. Et oui. L’eau, soi-disant potable, à laquelle nous avions droit était versée dans des barils infects. Nous buvions donc de l’eau mélangée à de l’essence ou du gasoil. Pas de douches dans les camps du Polisario. Pendant des années, nous vivions ainsi. Personne, à part quelques officiers algériens, ne nous rendaient visite. Je reviendrais plus tard sur les visites des ONG européennes, essentiellement espagnoles, et leur rôle dans ce qui est arrivé et ce qui se passe toujours à Tindouf. En tout cas, nous étions coupés du monde. Il était impossible pour nous de savoir quel jour nous étions, un lundi ou un vendredi. Quelle année exactement, 1986 ou 1996. De temps en temps, on tombait sur un journal du Polisario, le « Sahara Libre », un journal en langue arabe. Il était bourré de fausses informations sur leurs pseudo- exploits militaires et diplomatiques. Sans plus. Toutefois, on a appris avec le temps à décrypter les faits et gestes des responsables du Polisario et en déduire que quelque chose de bon ou de mauvais pour le Maroc a eu lieu. Par exemple, à la mort d’Anouar Saddate, les polisariens étaient tous très contents. On le sentait. Grâce à un prisonnier marocain, je pouvais avoir quelques informations pour éclairer ma lanterne. Ce prisonnier était, avant qu’il ne soit kidnappé par le Polisario, un technicien à Agadir. Il réparait les radios. C’est ainsi qu’il a eu pour tâche de réparer les radios du Polisario. Il écoutait régulièrement les informations marocaines. C’est donc lui qui m’a expliqué que Anouar Sadate, le président égyptien a été assassiné. Mais je n’ai toujours pas compris pourquoi cela semblait soulager autant le Polisario. Une chose est sûre, l’Égypte n’a jamais aidé le Polisario. Nous avions l’occasion de décharger des munitions et des armes envoyées au Polisario. Les caisses venaient de l’armée algérienne et libyenne. Même la Syrie aidait le Polisario. Le régime de Damas envoyait essentiellement des missiles. Un autre jour, j’ai remarqué que les responsables de la sécurité et certains gardes étaient tristes et inquiets. Mon ami technicien m’a appris par la suite qu’un tremblement de terre avait secoué la ville d’Asname au Nord de l’Algérie. Depuis que j’ai été arrêté, six hommes se sont succédés à la tête de la fameuse direction de la sécurité militaire. Le premier que j’ai eu l’occasion de connaître est un criminel, un véritable boucher. Il s’appelle Sidi Ahmed El Batal. Il est originaire de Tan Tan. C’est lui qui a conduit les attaques et les incursions au sein du territoire marocain en 1979. Il a atteint avec ses commandos la ville de Tan Tan. A la fin de l’été de 1983, je pense que cela fut en septembre plus exactement, il a participé à la bataille d’Asiyed, contre l’armée marocaine. C’est une bataille célèbre car les troupes marocaines avaient pulvérisé celle du Polisrio grâce notamment aux hélicoptères Gazelles. Celles-ci se sont avérés très efficaces puisque le Polisario n’a pas réussi à dépassé la ceinture de sécurité. Dans cette bataille historique, Sidi Ahmed El Batal a été blessé aux yeux. Depuis, il est devenu aveugle. Il ne voit plus rien. Aujourd’hui, il occupe le poste de ministre de la Communication du Polisario. C’est un prisonnier militaire marocain, nommé Hammou, qui est aujourd’hui chargé de lui préparer à manger et faire le ménage chez lui. Sidi Ahmed El Batal est un grand criminel. Il était également directeur de la tristement célèbre prison d’Arrachid. On m’a raconté qu’un jour il a abattu de sang-froid plusieurs enfants. L’histoire de ces enfants n’est pas connue de tout le monde. En fait, depuis la création du Polisario, les services secrets algériens sont devenus très actifs en Europe, surtout en France et en Belgique, auprès des travailleurs marocains originaires du Sahara. Les Algériens ont entrepris d’approcher plusieurs d’entre eux pour les convaincre de rejoindre Tindouf et participer ainsi à la naissance de la chimérique république du Piolisario. Certains de ces pauvres travailleurs, un peu trop naïfs, sont vite tombés dans le piège. En venant à Tindouf avec leurs femmes et leurs enfants, ce fut la déception totale pour eux. Les hommes ont été sommés de poursuivre un entraînement militaire loin de leurs familles. Les femmes et les enfants sont restés dans les camps. Ces familles, habituées au confort européen, ont commencé à manifester leur colère. La réponse du Polisario et des Algériens ne s’est pas faite attendre puisque immédiatement ils sont exécutés. Impossible de quitter les camps une fois qu’on y pénètre. C’est dans cette période que certains ont vu El Batal assassiner des enfants. Je peux vous assurer qu’aujourd’hui, plusieurs de ces familles sont enterrées dans la prison d’Arrachid. Sidi Ahmed El Batal était donc le directeur de la sécurité militaire depuis 1980 jusqu’à la fin de 1982 ou au début de 1983. Je vous rappelle que le directeur de la sécurité militaire est le responsable sécuritaire de tous les camps des prisonniers Marocains. C’est lui qui donne les ordres pour l’assassinat d’un séquestré. Il reçoit lui-même ses instructions de l’officier de l’armée algérienne en poste à Tindouf. El Batal a été remplacé à ce poste, par Omar Hadrami. Ce dernier est rentré au Maroc et il est maintenant Wali de Settat. Hadrami, que j’ai eu également l’occasion de rencontrer, a, lui-même, été remplacé entre 1988 et 1989 par un autre responsable du Polisario, Oueld Khaddad. Actuellement, Oueld Khaddad a été nommé dernièrement coordinateur du Polisario avec la Minurso. Vers le début des années 1990, Ouel Khaddad est remplacé par Houmma Salama. Ce dernier est resté deux ou trois ans dans ce poste. Il est aujourd’hui, commandant de la 3ème région militaitre, celle de Mijik. Ce poste était occupé auparavant par Ayoub Lahbib, aujourd’hui rentré au Maroc. C’est sur ordre des militaires algériens qu’Ayoub Lahbib a été limogé de son poste de commandement de la troisième région. Houmma Salama est, comme tous les autres, un véritable sanguinaire. Je tiens à vous raconter l’histoire d’un militaire marocain, séquestré le 11 août 1979 à Biranzaran. Il s’agit du lieutenant Mouzoun El Arbi que Dieu ait son âme. C’était un de mes meilleurs amis parmi les prisonniers. Au début des années 90, quelques temps après la nomination de Oueld Khaddad, un responsable de sécurité appelé Chérif Filali, dont je vous ai déjà parlé, a fracturé le crâne du lieutenant Mouzoun alors qu’il était suspendu des pieds. Une mort atroce. Cette scène s’est déroulée en présence de Houmma Salama. Je tiens à cette occasion à souligner que le lieutenant Mouzoune El Arbi est originaire de Casablanca, comme moi. Nous étions de véritables amis. Un jour, il m’avait demandé au cas où je rentrerais au Maroc avant lui de rendre visite à sa famille qui se trouvait à Derb El Kébir. Aujourd’hui, je n’ai pas encore essayé de contacter la famille du défunt lieutenant. Je ne sais même pas s’ils habitent toujours Derb El Kébir.

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