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«Tuez Arafat !» (4)

© D.R

Eytan, chef du commando de récupération d’Eichmann, et Malhin, qui a exécuté l’enlèvement, sont les deux hommes les plus indiqués pour réunir les informations, afin de faciliter la tâche du Mossad en vue de liquider le symbole du terrorisme mondial. De l’avis de tous ceux qui participent au siège de Beyrouth, il est évident que la mort d’Arafat entraînerait la reddition de ses cohortes démoralisées, mettant ainsi fin au siège et aux pertes en vies humaines. En juin 1982, Malhin se trouve aux Etats-Unis où il se livre à son passe-temps favori, la peinture. Dès le déclenchement de la guerre du Liban, il rentre en Israël, réaction typique des patriotes israéliens qui s’empressent de regagner leur pays dans les moments graves pour apporter leur aide. Eytan et Malhin se mettent aussitôt au travail. Ils commencent par étudier les renseignements fournis par les Phalanges sur les déplacements d’Arafat. C’est, nous l’avons dit, sur la foi de ces renseignements que les avions israéliens bombardent les gratte-ciel de Beyrouth-Ouest où Arafat est supposé se cacher. Un général de brigade a été chargé par le chef d’état-major de centraliser les renseignements et de pointer les bombardiers dans la bonne direction. Zvi Malhin découvre que les bombardements israéliens servent parfois les règlements de comptes entre Chrétiens et Musulmans, sans aucun rapport avec Arafat. Les chefs des Phalanges profitent de la situation pour faire liquider par les Israéliens leurs ennemis personnels. Dans un cas précis, Malhin me téléphone à Tel-Aviv de son point d’observation à Beyrouth pour me demander de prévenir le ministre de la Défense d’une fausse information concernant la cachette d’Arafat. Tout cela est, bien entendu, dit à mots couverts. Je transmets d’abord au chef du service de renseignements militaire la mise en garde de Malhin. Puis, pour plus de sécurité, je téléphone à Ariel Sharon qui se trouve à Jérusalem dans le bureau du Premier ministre. Le ministre de la Défense réagit sur-le-champ et ordonne d’annuler le raid, sans doute à la grande déception des Phalanges. Tout cela démontre à quel point le Mossad manquait d’informations fiables sur le principal ennemi à Beyrouth-Ouest, et aussi – c’est bien plus grave – que les Phalanges ont délibérément induit Tsahal en erreur. Très vite, l’activité de Malhin et d’Eytan irrite le Mossad. Menahem Begin reçoit une lettre le priant de prévenir son conseiller de se garder d’entreprendre quoi que ce soit à l’insu du Mossad. Plus tard, un officier supérieur du Mossad a laissé indirectement entendre que Rafi Eytan et Zvi Malhin étaient impliqués dans le massacre de Sabra et Chatila – une calomnie qui s’est, bien entendu, révélée mensongère. Non seulement le Mossad n’a pas exécuté l’ordre venu d’en haut de liquider Arafat, mais il a tenté d’empêcher des hommes sortis de ses rangs de le préparer. Dans un cas au moins, il a interdit à Malhin de se servir d’un agent pour préparer un coup contre Arafat en lui disant : « Cet homme est à nous, pas question de le recruter ! » Finalement, Malhin réussit à mettre au point un plan qui obligerait Arafat à se trouver à un certain endroit à un moment donné. Mais il est trop tard. Le 7 août 1982, à la suite du lourd bombardement d’objectifs palestiniens réels – identifiés cette fois par des photographies aériennes -, Arafat annonce à Philip Habib qu’il est prêt à quitter Beyrouth avec dix mille de ses hommes. Washington exige aussitôt qu’Israël s’engage à laisser Arafat sortir vivant du Liban. Le tireur d’élite israélien qui tient dans son viseur télescopique le chef de l’OLP en train d’embarquer le 30 août sur le bateau à destination de Tunis reçoit donc l’ordre de ne pas tirer à cause de l’engagement de Begin vis-à-vis des Etats-Unis. Une fois de plus, Yasser Arafat est sauvé par la monumentale impéritie du Mossad. La voie vers la reconnaissance internationale, y compris celle des Etats-Unis, s’ouvre ainsi devant le chef de l’OLP et son organisation terroriste, lui permettant en 1993 de diriger à partir de Tunis la négociation avec Israël sur l’établissement d’un Etat palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.Les erreurs du Mossad ont donc entraîné le prolongement inutile de la guerre du Liban, le siège de Beyrouth et, finalement, l’inexécution de l’ordre de Menahem Begin. Personne au Mossad n’en a payé le prix. Aucune commission d’enquête n’a été nommée. Parce que Menahem Begin a toujours été indulgent à l’égard des services de sécurité. De plus, le mandat de Yitzhak Hoffi se terminait de toute manière. Avec sa générosité de caractère, Begin ne pouvait porter atteinte à l’honneur du chef du Mossad et entacher sa future carrière. Noblesse oblige.
• D’après «Mossad, 50 ans de guerre secrète» de Uri Dan

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