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Une étude sociologique pour finir avec les clichés du «blédard»

© D.R

«Il faut finir avec les clichés du blédard et de la négation de l’autre», c’est l’objectif énoncé sans complexe dans l’ouvrage récent du sociologue Mohamed Hamadi Bekouchi autour des MRE et qui s’intitule «Les Marocains d’ailleurs, identités et diversité culturelle». Et pour atteindre cet objectif, en plus de données scientifiques, de questionnaires précis , d’entretiens et de rapports, le sociologue se base sur sa propre expérience personnelle et professionnelle de 25 ans dans différents pays d’immigration de par le monde. Une période qu’il estime suffisante pour percevoir les mutations qui interviennent dans le mode de vie et les influences survenues concernant le développement de la personnalité socioculturelle et économique de la diaspora marocaine. «La diversité de la diaspora marocaine est suffisamment large et complexe pour qu’on puisse s’entourer de toutes les garanties nécessaires pour sonder le degré de leur pluralité, le poids de leur valeur, leur amour et l’attention qu’elles portent à leur terre d’origine et son histoire, de même que la solidarité matérielle et l’affection portée aux membres de leur famille qui sont restés» souligne dans son ouvrage Pr Hamadi Bekouchi. Un ouvrage de 263 pages où le sociologue s’est également penché sur les rapports socioculturels et économiques que les diasporas entretiennent avec leurs collectivités d’origine et d’accueil, avec comme souhait. «Nous souhaitons que notre travail serve de rampe de lancement à une série de recherches monographiques, thémathiques, sectorielles, transnationales, afin de poser toutes les questions, par une démarche scientifique excentrée des champs traditionnels d’investigation et des schémas périmés exposant une  sociale plastique, cynique d’hier des «émigrés marocains»», souligne le sociologue. Ce dernier pose le constat que l’évolution sociologique et culturelle de la diaspora marocaine a connu depuis une trentaine d’années des transformations profondes. Incontestablement, le passage d’une émigration de main-d’œuvre provisoire quasiment masculine, analphabète et invisible à une émigration familiale, de commerçant, d’artisans, de gens d’affaires, de travailleurs intellectuels et de scientifiques et aussi de créateurs et de sportifs constitue sa principale caractéristique. Ainsi, selon lui, jusqu’au début des années 1970, les migrants étaient à 90% des ruraux, très peu instruits et sans qualification professionnelle. Il a fallu attendre le milieu des années 1970 pour que d’autres groupes apparaissent, dont les bataillons les plus importants se composaient de femmes, d’enfants et d’étudiants. Et quinze ans plus tard vers les années 1980 a commencé l’immigration des cadres, des artistes et aussi des espoirs sportifs. Et puis à la fin des années 1990, un nombre impressionnant de jeunes scientifiques. Cette immigration accélère le rajeunissement, le niveau d’instruction et un certain équilibre entre les deux sexes de la diaspora. M. Bekouchi révèle plusieurs chiffres, notamment que plus de 60% de la diaspora marocaine ont moins de 25 ans et 47% représentent le sexe féminin, et à peine 2,5% dépassent l’âge de 65 ans, contre une moyenne de 17,1% dans les 27 pays de la diaspora. Il estime que le nombre de Marocains d’ailleurs est passé de 60. 000 en 1960 à plus de 4 millions en 2010, la moyenne de séjour par personne dépassant largement les 20 ans. Leur séjour se prolonge et de ce fait leurs pratiques sociales et culturelles, leurs activités professionnelles et leur projet de vie se structurent en fonction de la spécificité de l’environnement. «Irréversiblement, leur profil s’enrichit du phénomène de la double appartenance socio affective et de la bi nationalité. A ce propos, toutes populations confondues, jeunes et moins jeunes, 50% des Marocains jouissent de la double nationalité», indique le sociologue. Et de noter qu’ à l’image sociologique marocaine, «la diaspora marocaine se caractérise par deux grandes tendances antinomiques. D’une part, une large partie d’analphabétisme, au taux avoisinant les 50%, de l’autre, une minorité de 8 à 10% à peine forme le noyau dur des surdiplômé et des cadres supérieurs». Dans cet ouvrage, le professeur Bekouchi explique que les mouvements internationaux de populations migrantes marocaines sont une composante capitale et durable du paysage économique et culturel du pays. «Chaque fois que les diasporas marocaines prennent pied quelque part aux quatre coins du monde, elles favorisent un peu plus l’intégration du Maroc dans les canaux et la dynamique de la mondialisation». Dans ce sens, il pose, entre autre, la question de la gestion politique de l’émigration marocaine. Selon lui, la gestion politique de l’émigration marocaine doit s’effectuer dans le cadre de la mobilité et du développement durable local. «Tout accord de partenariat doit s’inscrire dans une stratégie réservant une place centrale, dans la contribution et le gain, aux Marocains du monde», note le sociologue, ajoutant que «pour le moment, il n’y a pas de transactions favorables à une coopération gagnante, puisque les pays du Nord gèrent à leur guise et ceux du Sud, en l’occurrence le Maroc, observent que le train passe».

Rôle de la femme dans l’intégration
A l’étranger, dans un couple où seule la femme est d’origine marocaine, la culture marocaine paraît plus présente et mieux symbolisée quotidiennement par des actes concrets et des signaux. Qu’elle soit intellectuelle ou illettrée, chef d’entreprise ou simple salariée, installée au centre de Manhatan ou aux grandes bornes de Montfermeil dans la région parisienne, la Marocaine du couple mixte a le don de se mettre à l’épreuve. Même quand elle est rebelle par rapport à des pratiques archaïques des cultures parentales, elle s’engage à les valoriser entièrement ou en partie. Par une méthode douce, sournoise et avec beaucoup de conviction, elle fait aimer sa culture à son époux et à ses enfants, et même à ses amis, afin, de les préparer à aimer le Maroc. En suivant son instinct et son intelligence émotionnelle, elle favorise bel et bien l’équilibre entre les cultures et fait des merveilles dans le développement de l’image des diasporas marocaines. Les rapports du couple étranger-marocaine sont souvent chaleureux et les liens sont constants avec les parents vivant au Maroc. Les relations s’avèrent structurées et largement assumées par les époux. A cet égard, le phénomène de conversion religieuse est fort significatif. En effet, si chez le couple marocain-étrangère, il y a exceptionnellement des épouses qui embrassent l’Islam, chez les couples étrangers-marocaines, le nombre d’époux qui embrassent l’Islam est plus important.

83,5 % de la diaspora marocaine résident au sein de la communauté européenne
Dans son ouvrage «Les Marocains d’ailleurs. Identités et diversité culturelle» publié en partenariat avec le ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l’étranger, le sociologue Mohamed Hamadi Bekouchi parle de diasporas marocaines (au plurielle) dès plus visibles dans les pays européens et aux USA, aux plus discrètes notamment en Afrique noir et en Océanie. Et c’est au sein de la communauté européenne que réside la grande majorité de la diaspora marocaine, démontre Dr Bekouchi : 83,5% du total s’y trouvent, dont presque un sur deux vit en France. «Cette présence de 1.300.000 Marocains dans l’Hexagone s’explique par des raisons socio-historiques, culturelles, économiques, qui lient les deux pays. Les Marocains sont établis dans toute la France, cependant, ils se concentrent sur quatre régions qui forment de grands pôles industriels et universitaires», explique-t-on dans l’ouvrage. Enfin, les 120.000 régularisés depuis 1999 ont appréciablement relevé le niveau sociologique de la diaspora marocaine en France. Pour sa part, selon l’ouvrage, la diaspora marocaine en Espagne, d’émigration relativement récente, arrive en seconde position, avec ses 800.000 membres, suivie de peu par l’Italie. Depuis la régularisation des années 2000, la communauté marocaine d’Espagne a gagné la première place en nombre par rapport aux populations étrangères d’Espagne. Elle représente 50% de la population étrangère. Et comme en Italie, plus de 90% de la population maghrébine est d’origine marocaine. «En dépit de l’arrivée de quarantaine de milliers d’étudiants ces dernières années, il semble que la situation de la communauté marocaine soit la moins réjouissante de toutes les autres minorités étrangères en Espagne», explique le sociologue Bekouchi. Par manque de culture professionnelle et de qualification et aussi d’esprit civique, les Marocains d’Espagne endossent le maillot de lanterne rouge. À peine un sur deux des ressortissants marocains est en situation régulière. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas tous affiliés à la sécurité sociale, ni ne bénéficient d’assurance santé obligatoire. Plus de 25% d’entre eux travaillent dans le bâtiment et plus de 20% vivotent grâce à de petits boulots et au travail domestique. 30% servent à peupler les villages autochtones, tout en fournissant une main-d’œuvre à bon marché indispensable aux immenses exploitations agricoles d’Andalousie, grenier de l’Europe. Par ailleurs, les Marocains du Benelux se sont installés en masse dans les années 1970, ils représentent beaucoup moins que les pays méditerranéens d’immigration; 310.000 en Belgique et 290.000 dans les Pays-Bas. Néanmoins, selon le sociologue, proportionnellement, la Belgique et les Pays-Bas réunissent les plus fortes concentration des diasporas marocaines dans le monde.

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