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Bahij : «Il n’est pas de maître sans élève»

«A chaque instant de ta vie, tu dois t’efforcer d’apprendre quelque chose !» Hamid Bahij, maître de Karaté, a fait de cette petite phrase, qu’il répète souvent à ses élèves, le fil conducteur de sa vie.
Né en 1951, il commence à pratiquer en 1966 sous la direction d’Ahmed Tijari, pionnier du Karaté-Do au Maroc, fondateur du premier club dédié à cet art martial fondé il y a des siècles par des paysans de l’ile d’Okinawa, au Japon.
Hamid a quinze ans. Une fracture de la colonne vertébrale lorsqu’il avait cinq ans a fait de lui un adolescent de petite taille, chétif, fragile mais bien décidé à forcer son destin. Chez Maître Tijari, auprès des adultes qui constituaient la majorité de la clientèle du «Centre universel de karaté de Casablanca», il est formé à la dure.
Tant et si bien que cinq ans plus tard, il obtient sa ceinture noire, qui lui est décernée par Maître Tijari en personne. L’occasion pour celui qui est devenu depuis Maître Bahij, 6e Dan en Karaté-Do Shotokan, de rappeler qu’à l’époque, il n’existait pas d’instance fédérative du karaté et que le président de la Fédération de judo avait tendance à tenir le karaté pour un sport de voyous.
Fort de sa ceinture noire, Hamid décide d’aller parfaire son art en France. Là-bas, son destin lui fera rencontrer un autre pionnier, Maître Henri Plée, 8e Dan. Son perfectionnement auprès de cet homme durera six mois, aux termes desquels il obtiendra sa deuxième Dan.
Nous sommes en 1974. Pour gagner sa vie, Hamid Bahij a trouvé une place chez un distributeur de journaux et de livres. C’est de là que naîtra son amour pour la lecture, qui lui permettra de mener en autodidacte son initiation à la dimension philosophique et spirituelle des arts martiaux. Ce qui lui fait progressivement prendre conscience de l’insuffisance foncière de tout apprentissage du karaté qui se limiterait à un arsenal de techniques de combat. Cela dans la mesure où le véritable combat est mortel et lorsque l’on est amené à se battre pour survivre, ce sont d’autres ressorts qui se déclenchent et un autre art qui entre en jeu: celui de tuer. Or dans ce cas, les karatékas le savent bien, l’académisme n’a plus cours, seul compte l’instinct profond du cerveau reptilien, qui ne sait que fuir ou attaquer…
Si ce n’est pas la maîtrise de l’art de tuer que l’on recherche sur la voie du karaté, se demande dès lors Hamid Bahij, qu’y a-t-il d’autre à conquérir par le biais de ce sport qui n’en est pas vraiment un ? Soi-même, lui répondent les livres dans lesquels il se plonge avec passion et assiduité.
En 1993, invité à se rendre au Japon par la fédération mondiale de Karaté Shotokan, il aura d’ailleurs l’occasion de confirmer son intuition et le bien fondé de l’orientation que très tôt, il a donné à sa pédagogie.
Au Japon, il a l’impression de débarquer sur une autre planète. Heureusement, à l’escale de Séoul, il fait la connaissance d’un compatriote, haj Mohamed Zekrioui, résidant au pays des Samouraïs et chargé de développer les relations commerciales maroco-japonaises en matière d’artisanat. Cerise sur le gâteau, l’homme a pratiqué le karaté et se propose aussitôt de lui servir de guide et surtout, d’interprète.
C’est ainsi qu’au terme d’un voyage qui lui fera découvrir la rigueur et la discipline de l’esprit martial japonais, ainsi que la culture du respect sans laquelle il n’est pas de vrais guerriers, Hamid Bahij rentrera au bercail transfiguré, métamorphosé.
Entre temps, au Maroc, les clubs de Karaté se sont multipliés. Au point de justifier l’institution, en 1982, d’une Fédération au sein de laquelle Maître Bahij officiera, à partir de 1998, en qualité de président de la commission nationale des grades. Une responsabilité plutôt ingrate, dans la mesure où, confie-t-il, le climat n’était ni à la rigueur ni encore moins à la confiance. De plus, il ne se reconnaît pas dans le Karaté sportif, et supporte de moins en moins la façon dont la fédération tolère, par la force des choses certes, l’attribution du statut d’enseignant sur des bases minimalistes, ne tenant pas assez compte des exigences d’excellence, de maturité et de compétence pédagogique sans lesquelles un karatéka ne peut prétendre transmettre son art et sa philosophie.
Quant au karaté de compétition, il ne peut que déplorer que les conditions de sa pratique au Maroc poussent fatalement les champions nationaux à émigrer clandestinement en Europe à la moindre occasion, ruinant ainsi l’image de marque d’un sport en mal de repères éthiques.
S’il évoque aujourd’hui avec amertume l’état des lieux du karaté dans son pays, il ne manque pourtant pas, à titre personnel, de raison d’être fier de sa carrière. Particulièrement de son second voyage au Japon, en 1997, à l’invitation de Maître Kinyuki Kaï, 10e Dan, dans le cadre du festival international de Budo de la ville de Nobeoka, dans le sud de l’archipel dont il avait remporté le premier prix de Kata et s’était vu décerné, à titre honorifique, son 7e Dan en Seïbu Kan, une discipline voisine du karaté.
Professeur attitré de deux salles casablancaises, Maître Bahij aimerait aujourd’hui mener campagne contre une mentalité qui nuit gravement, selon lui, à l’esprit de cet art martial et qui fait que, déplore-t-il, «non seulement nos champions ne pèsent quasiment rien sur la scène sportive internationale mais de plus, il n’est pas possible pour un maître réellement qualifié de gagner correctement sa vie compte tenu de la tutelle que la fédération prétend imposer à ses affiliés.
Savez-vous que sans son aval, il est impossible d’organiser des séminaires de formation ou de perfectionnement ? Ce que nous sommes quelques uns à revendiquer aujourd’hui, c’est un encadrement digne de ce nom, sans tutelle étouffante et décourageante». C’est ce qui s’appelle, en karaté comme en communication, toucher un point vital.

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