Un monsieur qui s’appelle Mustapha Aberchan, président d’un parti politique local à Mellilia, a appelé, hier lundi, lors d’une conférence de presse tenue dans cette ville occupée, à la création d’une police de frontières unifiée entre les Marocains et les Espagnols. Selon M. Aberchan, les deux polices marocaine et espagnole devraient créer une force commune qui s’occuperait de la gestion du passage frontalier de Beni Ansar afin d’éviter, pense-t-il, les problèmes enregistrés cet été lorsque la police espagnole a tabassé des citoyens marocains au moment où ils traversaient la frontière. Le président de la Coalition pour Mellilia (CPM) va même jusqu’à proposer la gestion d’un territoire qui est sous l’autorité marocaine par ce «corps unifié». Pour lui, il existerait un no man’s land que la police marocaine aurait occupé sans raison. L’idée soulevée par ce politicard aurait été recevable s’il s’agissait d’une frontière légitime entre deux Etats. Dans ce cas là, une police conjointe pour gérer les problèmes d’un poste frontière serait la bienvenue. Tous les Etats civilisés, qui ont des frontières assez sensibles, ont opté pour cette solution. Le cas des «équipes intégrées de la police des frontières (EIPF)» créées par le Canada et les États-Unis dans le cadre de l’idée géniale dite de «frontière intelligente» est une réussite exemplaire que l’on enseigne dans les instituts de police. Mais, le poste de Beni Ansar est totalement différent. Il s’agit d’une frontière née d’une décolonisation inachevée. Comment donc peut-on imaginer une police conjointe entre les deux? Accepter l’idée du côté marocain serait reconnaître la légitimité de l’autorité espagnole sur Mellilia occupée. D’un autre côté, il est étonnant de voir quelqu’un comme M. Aberchan défendre cette thèse. Aurait-il oublié que jusqu’à 1987, lui et les siens, à savoir les Marocains natifs et résidant à Mellilia depuis des siècles étaient considérés comme des apatrides par l’Etat espagnol ? Même l’Espagne démocratique continua, de 1978 à 1987, à refuser de les reconnaître comme des citoyens marocains tout en leur déniant la nationalité espagnole. Ils avaient juste droit à «une carte de recensement» (la tarjeta de estadistica) qui leur permettait juste de prouver qu’ils habitaient dans la ville occupée mais ne leur accordait aucun droit à la citoyenneté espagnole. M. Aberchan lui-même semble avoir oublié que durant 27 ans il avait un statut d’apatride. A force de vouloir plaire au colonisateur, certains politicards d’origine marocaine tentent de montrer qu’ils sont plus espagnols que les Espagnols. C’est malheureux, mais l’histoire des colonisations regorge de ce genre de comportements.