Le lendemain de l’intervention du chef de l’Etat, des affrontements ont opposé des manifestants à des gendarmes dans plusieurs localités de Kabylie, faisant au moins une quarantaine de blessés. Les heurts les plus violents ont eu lieu à El-Kseur, Akbou, près de Béjaïa, en petite Kabylie (260 km à l’Est d’Alger), à Azazga et Tizi Ouzou (grande Kabylie, 110 km à l’Est) et Bouira, la troisième ville de cette région (120 km au Sud-Est).
Les manifestants, en majorité des jeunes, se sont attaqués aux brigades de gendarmerie, dont ils demandent le départ depuis le début de la crise, le 18 avril 2001, lorsqu’un lycéen avait été tué dans la gendarmerie de Beni Douala, près de Tizi Ouzou.
Les gendarmes, accusés de « corruption » et d’abus d’autorité par la population de Kabylie, sont également tenus pour responsables de la répression sanglante des émeutes qui ont fait, d’avril à mai, 60 morts et 2.000 blessés, selon un bilan officiel, 106 morts et 6.000 blessés, selon les Aârouch qui ont pris en main la contestation en Kabylie. Le départ des gendarmes, exigé par les Aârouch et rejeté par les autorités, constitue la pierre d’achoppement sur laquelle bute le règlement de la crise.
Le président Bouteflika a affirmé que les gendarmes avaient été sanctionnés quand ils avaient «commis un usage abusif de leurs armes», mais «que leur départ n’est pas raisonnable». «Il serait inconcevable, alors que le pays continue de lutter contre la barbarie terroriste, d’en demander le démantèlement pur et simple », a-t-il estimé. En outre, l’accueil fait par les Kabyles à ce discours apaisant, à l’approche des élections législatives du 30 mai, fait planer le spectre d’un boycottage massif de ce scrutin. L’aile radicale des Aârouch avait «rejeté » la tenue de ces élections bien avant ce discours et a rappelé cette décision, malgré la promesse du président Bouteflika d’inscrire le Tamazight comme «langue nationale» dans la Constitution. En revanche les «dialoguistes» du mouvement, minoritaires en Kabylie et considérés comme des «traîtres» par les radicaux, ont «salué» les mesures annoncées par le chef de l’Etat. Les radicaux ont estimé que ces mesures étaient «insuffisantes» et «tardives». Ils maintiennent leur exigence d’une langue «nationale et officielle» pour le Tamazight et du départ «inconditionnel» des gendarmes. La reconnaissance du Tamazight et le départ des gendarmes sont les principales revendications «non négociables» sur les 15 contenues dans la plate-forme d’El-Kseur, le document de référence des Aârouch élaboré le 11 juin dans cette petite de ville, près de Béjaïa. La veille du discours de M. Bouteflika, des urnes avaient été brûlées par des manifestants à Tizi Ouzou. L’un des principaux partis implantés en Kabylie, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a appelé, le 14 mars, au boycottage de ces élections.
Son rival, le Front des forces socialistes (FFS) qui a accueilli froidement ce discours, devrait se prononcer dans les jours qui viennent après la réunion de ses instances dirigeantes. Une manifestation à laquelle il avait appelé, avait été empêchée par la police, le 14 mars à Alger.