Le spectacle sans précédent de femmes d’affaires ou appartenant à des professions libérales, dont certaines ont osé lever leur voile, participant et s’adressant au Forum économique de Djeddah auquel participaient un millier d’hommes était, pour le grand mufti, cheikh Abdel Aziz Al-Cheikh, la goutte qui a fait déborder le vase. Cheikh Abdel Aziz a vivement dénoncé les Saoudiennes qui ont, selon lui, enfreint la règle de ségrégation des sexes pour se mêler aux hommes. Des femmes se sont permises de se laisser photographier pour que leurs photos, tout sourire, occupent la Une des journaux saoudiens.
« Nous avons suivi ce qui s’est passé au forum économique de Djeddah », en particulier « le mélange des hommes et des femmes qui sont sorties sans porter le voile (exigé par) la charia », a déclaré cheikh Abdel Aziz, qui préside le Conseil des grands oulémas d’Arabie, la plus haute autorité religieuse (sunnite) du pays.
« C’est illicite », a-t-il dit, dénonçant « la publication par les journaux de photos de ces femmes dans cet état contraire à la charia » (loi islamique). Le forum de Djeddah, qui s’est achevé lundi, a été marquée par un discours d’ouverture prononcé par une femme d’affaires saoudienne pour la première fois dans l’histoire du royaume, une nouveauté saluée comme « historique » par la presse locale favorable à des réformes en Arabie.
« Sans changement réel, il ne peut y avoir de progrès réel. Si nous voulons progresser en Arabie saoudite, nous n’avons pas d’autre alternative que d’adopter des réformes », a déclaré Loubna Olayan, directrice générale d’Olayan Financing, un groupe de 40 compagnies. Mais elle a ajouté qu’un tel changement devrait se faire « de manière à préserver nos principales valeurs islamiques ». Des femmes, séparées des hommes, ont tour à tour pris la parole pour saluer Mme Olayan. Trois d’entre elles ont prononcé des discours et animé un débat sur le thème : « Femmes : force motrice pour une croissance économique ». L’ancien président américain Bill Clinton, qui participait au Forum, a plaidé, en même temps que de nombreux Saoudiens, en faveur d’un plus grand rôle de la femme dans le royaume où la gent féminine ne représente que quelque 5% de la main-d’oeuvre, mais 58% des diplômés du pays. « C’est une réaction naturelle », a estimé Rim Abdelaziz Al-Jarbou, conseillère en relations internationales à la Chambre de commerce et d’industrie de Djeddah. « Le dialogue au Forum était très positif (…) et c’était la première fois que les femmes sont autorisées à y participer », a-t-elle ajouté mercredi, interrogée par l’AFP.
« Les femmes n’ont rien fait contre l’islam. Si les autorités ne voulaient pas (de ce dialogue), elles l’auraient arrêté », a-t-elle ajouté.
Mme Jarbou a révélé que des femmes à Djeddah et Ryad préparaient une pétition en réponse au mufti, qu’elles entendent envoyer au prince héritier Abdallah Ben Abdel Aziz, qui dirige de facto le royaume et qui soutient un plus grand rôle de la femme après des décennies de marginalisation.
« Cela fait partie du dialogue national », a-t-elle ajouté, en référence au débat engagé sur des réformes dans le royaume, au moment où les autorités tentent de démanteler les réseaux des islamistes extrémistes après deux attentats attribués à Al-Qaïda ayant fait 52 tués à Ryad en 2003. « Des changements sont en cours. Nous avançons sur la voie du changement, mais nous devons le faire étape par étape », a déclaré pour sa part le prince Abdallah Ben Abdel Aziz, interrogé mercredi par l’AFP.
• Barry Parker (AFP)