Au départ, les autorités syriennes s’étaient efforcées de minimiser la portée des sanctions annoncées le 11 mai. Mais il y a quelques jours, le ministre syrien du Commerce, Ghassan Rifaï, a reconnu leur « impact négatif ».
Selon lui, il ne s’agit pas « d’un bon signe au moment où le pays prône une ouverture économique et veut attirer des investissements ». « L’annonce des sanctions nous a démoralisés et va détériorer le climat des investissements, le commerce, l’industrie et nos transactions financières avec l’étranger », a dit à l’AFP le représentant en Syrie d’une entreprise américaine, sous couvert de l’anonymat.
L’ambassade des Etats-Unis à Damas a réuni, le 21 mai, dans ses murs 150 hommes d’affaires syriens pour leur expliquer les détails des mesures qui interdisent l’importation de produits américains autres que la nourriture et les médicaments, ainsi que celles concernant le gel des avoirs aux Etats-Unis de la Banque commerciale de Syrie, la principale banque nationale. Après cette rencontre, les hommes d’affaires ont pleinement réalisé la gravité des sanctions. « Je crains un manque à gagner et des retards car nous importons des technologies et des biens d’équipements des Etats-Unis », confie un importateur. Selon les chiffres de l’ambassade des Etats-Unis, le volume des échanges commerciaux syro-américains a atteint 473 millions de dollars en 2003, dont 214 d’importation depuis les Etats-Unis, surtout des produits alimentaires.
Selon l’importateur, « les échanges sont en fait plus importants car des commandes sont sous-facturées ». « Selon l’ambassade américaine, les sociétés internationales dans lesquelles la participation américaine est supérieure à 10% sont concernées par les sanctions et l’on ne peut les contourner car tout transit vers la Syrie de produits prohibés est interdit aux pays voisins », explique le représentant d’une entreprise américaine.
Il raconte ses déboires: « Je n’ai pas pu faire entrer en Syrie des biens d’équipements pourtant commandés avant le 11 mai, même par Chypre ». Les sanctions vont influer négativement sur les transactions des importateurs avec l’étranger et sur les avoirs syriens qui seront gelés par le Trésor américain.
Le directeur général de Syrian Arab Airlines, Nachat Nimr, dont la compagnie pourra, sous conditions, continuer à importer des pièces de rechange pour ses Boeing, affirme que les virements de la compagnie en dollars de par le monde pourraient être affectés. Mais selon un ancien responsable syrien, « la Syrie pourra trouver des sources d’approvisionnement de rechange notamment en Asie du sud-est et en Turquie, avec laquelle elle va créer une zone de libre-échange ». « Les entrepreneurs privés éviteront l’Europe –pourtant partenaire privilégié de la Syrie avec laquelle un accord d’association devrait être prochainement signé– car l’euro leur coûtera 20 à 25% plus cher », explique un importateur.
Un système dirigiste est en vigueur en Syrie depuis les nationalisations massives du début des années 1960. Aujourd’hui cependant, le secteur privé représente 60% de l’activité économique, selon le Premier ministre Naji Otri. Mais beaucoup reste à faire pour moderniser le système.
Les sanctions américaines ont pour but de punir la Syrie, accusée de soutenir le terrorisme, de chercher à produire des armes de destruction massive et d’entraver la stabilisation de l’Irak voisin.
• Nagib Khazzaka (AFP)