On ne peut pas comprendre ni se faire comprendre sans parler. En Espagne, l’affaire du Sahara marocain a toujours buté sur un problème majeur : l’absence de communication avec les communautés politique et associative de ce pays sur les fondements de la légitimité de la position marocaine. Certes, il existe, en Espagne, des acteurs politiques et des militants associatifs qui roulent, volontairement, pour la thèse des séparatistes, mais il existe aussi, et c’est la majorité, des gens qui sont convaincus que le Polisario est la victime dans cette affaire. Cette prise de position s’explique tout simplement par l’absence d’une démarche communicative marocaine envers l’opinion publique espagnole. Durant des années, on gérait ce dossier sur la base de deux approches. La première consiste à dénoncer, au Maroc, le soutien espagnol au Polisario, la deuxième à mobiliser quelques membres de la communauté marocaine résidant dans ce pays pour manifester à chaque fois qu’un événement est organisé par des ONG espagnoles en faveur du Polisario.
Ainsi, dans le domaine de la communication, on se limitait à parler aux Marocains. Ce qui revient à prêcher un convaincu au lieu de s’adresser à l’opinion publique espagnole. Et dans le domaine de l’action, l’image que provoquaient les manifestations contre le Polisario avait, le plus souvent, un effet contraire à celui espéré par les organisateurs. Dans les médias espagnols, les Marocains étaient présentés comme des agresseurs et des perturbateurs qui veulent empêcher les Polisariens de s’exprimer. L’opinion publique espagnole les voyait immédiatement comme des victimes.
Aujourd’hui, tout cela est en train de changer. Certes, lentement, mais le changement se fait déjà sentir. La présentation, la semaine dernière, de la version espagnole du livre «Le Sahara, liens sociaux et enjeux géostratégiques», du chercheur Mohamed Cherkaoui montre à quel point «les gens se comprennent en parlant». Deux interventions, l’une à Madrid et l’autre à Barcelone, ont été suffisantes pour créer un climat différent de celui qui entoure généralement toute intervention défendant le point de vue marocain. Car, cette fois-ci, la parole a pris le dessus sur la manifestation ou le simple discours d’indignation et de dénonciation. Mohamed Cherkaoui a su expliquer la spécificité du dossier et convaincre de la légitimité de la position marocaine d’une manière qui a impressionné l’assistance à Madrid comme à Barcelone. Avec une argumentation scientifique et un discours clair et pertinent, il a géré les débats qui ont suivi ses interventions. Une pertinence qui s’illustre parfaitement dans l’entretien qu’il a accordé, samedi 18 avril, au quotidien espagnol Publico.
Interrogé sur les droits de l’Homme au Sahara, il a répondu : «Il ne faut pas mélanger les choses. Qu’il y ait des problèmes de droits de l’Homme au Sahara ou dans d’autres régions du Maroc est une chose, mais cela ne délégitime pas la position du Maroc». Simple, mais magistral.