Le Proche-Orient a toujours été un sujet délicat à traiter pour les médias américains, mais ceux-ci se sont retrouvés ces dernières semaines au centre d’une véritable tempête de critiques pour leur couverture de la crise en cours.
La colère du public s’est traduite par des boycotts, la publication de messages de protestation dans les journaux, et des critiques parmi les plus dures jamais reçues par les médiateurs des journaux.
«Ils critiquent tout ce que nous faisons dans les moindres détails», témoigne Don Wycliff, journaliste au Chicago Tribune.
Selon lui, les protestations sont quasiment toutes pro-israléliennes, arrivant au rythme d’environ une vingtaine de courriers électroniques par jour, dénonçant la longueur de certains articles ou encore le fait que certains papiers sous-estimant le nombre de manifestants au cours d’une manifestation pro-israélienne.
À Los Angeles, 1.000 lecteurs ont suspendu leur abonnement au Los Angeles Times pour protester contre ce qu’ils appellent le parti-pris pro-palestinien du quotidien.
Un médecin juif, Joe Englanoff, qui travaille dans un hôpital de Los Angeles, a déclaré au quotidien la semaine dernière que cette mobilisation résultait de semaines de discussions et d’une campagne par e-mails qui a touché des milliers de personnes. À Chicago, des rabbins ont passé le mot à la synagogue, appelant les membres de leur congrégation à mettre le Chicago Tribune «en vacance», selon Don Wycliff.
À Minneapolis (Minnesota, nord), des partisans d’Iraël on critiqué le Star Tribune dans ses propres pages pour ne pas avoir qualifié tous les auteurs d’attentats suicide de terroristes au début du mois. «Les terroristes sont des terroristes, que les victimes soient des juifs en Israël ou des Américains dans le World Trade Center», a affirmé un groupe se faisant appeler «les habitants du Minnesota contre le terrorisme». Ce groupe a obtenu le soutien de poids-lourds politiques : trois parlementaires de l’Etat et le gouverneur, Jesse Venura, ont signé la lettre.
Mais les journalistes du Tribune ont répondu qu’ils préféraient laisser les lecteurs émettre leurs propres jugements en évitant d’utiliser des étiquettes et en recourant à un langage plus précis, comme «homme armé», «séparatiste» et «rebelle» quand cela est possible.
«Ce n’est pas le travail d’un journaliste assis à Minneapolis de changer les papiers d’agence venant de Jérusalem ou de Ramallah», a expliqué un porte-parole du Star Tribune, Ben Taylor.
La radio national Public Radio est habituée aux critiques pour sa couverture du Proche-Orient venant notamment d’un groupe juif appelé Camera (Comité pour l’exactitude de la couverture de l’actualité proche-orientale).
Mais le médiateur de Jeffrey Dvorkin assure que lui-même et 60 autres médiateurs à travers le pays «n’avaient jamais vu quelque chose de comparable» à ce qui se passe en ce moment.
«Il y a d’intenses pressions des deux bords qui ne le soient pas», dit-il. Lui-même assure avoir reçu près de 10.000 e-mails en trois semaines «est passé à l’offensive», affirme James Zoghby, président de l’Institut arabo-américain de Washington.
Abraham Foxman, directeur de l’anti-defamation leader, un groupe de lutte contre l’antisémitisme basé à New York, n’est pas d’accord.
«Les protestations sont spontanées», affirme-t-il. Les deux bords sont en colère et frustrés parce qu’ils ne peuvent rien faire pour changer la situation sur place».
• Louise Daly (AFP)