Sur la grande route qui conduit de Jérusalem à Ramallah, les coups de matraque des garde-frontières israéliens s’abattent sans distinction sur les pacifistes, qu’ils soient juifs, ou arabes. L’attaque survient sans préavis et la charge est brutale. Les deux mille manifestants rassemblés juste avant le poste de contrôle d’Al-Raam, à une dizaine de kilomètres de la ville où le président palestinien Yasser Arafat est encerclé par les troupes de l’Etat hébreu, sont pris au dépourvu et refluent en désordre.
Le rassemblement se déroulait sans incident majeur jusqu’à ce qu’une camionnette, remplie de vivres et de médicaments affrétée par les pacifistes à destination de Ramallah, se présente au barrage.
Lorsque les cris en hébreu « paix maintenant, non à l’occupation » ou en arabe « palestine, palestine » commencent à fuser, les manifestants sont surpris par le brusque mouvement en avant des soldats et policiers. Les garde-frontières en treillis vert olive et casques à visière, les membres des unités anti-émeutes en casquette et combinaison bleue tirent plusieurs volées de grenades lacrymogènes ou assourdissantes qui projettent sur les bas côté boueux militants du « Goush Shalom » (bloc de la paix), une coalition pacifiste, journalistes et badauds. Militantes juives en chasuble blanc « symbole de paix et de non-violence » selon l’appel à la manifestation, femmes arabes portant des Keffiehs (foulards) blancs et noirs, jeunes gens aux lunettes cerclées portant au revers du veston une badge avec les drapeaux israélien et palestinien accolés et vieux palestiniens aux traits rugueux pleurent et suffoquent collectivement tandis que soldats et policiers remontent l’avenue au pas de gymnastique.
Ephraim Kidron, 73 ans, un artiste israélien d’origine mexicaine à la barbe fleurie, qui quelques instants plutôt expliquait qu’il était ici pour protester contre « l’occupation (des territoires palestiniens) et les massacres », reflue sous les coups de matraque et de bâton et les grenades assourdissantes qui continuent à pleuvoir. Un homme aux cheveux gris crie en hébreu aux soldats: « vous n’avez pas honte, vous n’avez pas honte » et des manifestant scandent, toujours en hébreu « criminels de guerre, criminels de guerre » en direction des hommes casqués.
Les drapeaux palestiniens vert, blanc, noir et rouge, sont systématiquement arrachés des mains de ceux qui les portent.
Un garde-frontières donne de grands coups de pieds dans le panneau vert d’un enfant d’une dizaine d’années sur lequel est écrit en hébreu et en anglais « arrêtez l’occupation, libérez les prisonniers ». Malgré la violence du soldat, le gamin résiste et défie du regard le militaire qui redouble de violence. Il faut toute la détermination de deux adultes pour l’entrainer à l’écart. La chaussée est jonchée de panneaux et de banderoles en anglais, en arabe et en hébreu « arrêtez l’occupation », « IDF(armée israélienne) go home », « sortez » (des territoires).
Plusieurs manifestants, dont un députés arabe israélien qui tente de calmer la fureur des soldats, portent des marques de coups sur le visage. Un homme au visage totalement christique, cheveux longs et barbe, a du sang qui coule d’une plaie sur la pommette droite.
à un carrefour où les pacifistes remontent dans les autobus qui les ont amenés, des garde-frontières montent la garde, le doigt sur la gâchette de leur fusil lanceur de balles en caoutchouc.
Un policier jette à une collègue une bannière palestinienne roulée en boule prise à « l’ennemi ». Elle l’emmène vers sa jeep grillagée comme un précieux trophée.
• Erwan jourand (AFP)