«Pourquoi tu ne te tais pas ?». Cette fameuse phrase avec laquelle le Roi d’Espagne Juan Carlos Premier a sommé le Président vénézuélien Hugo Chavez de mettre fin à son attaque contre l’ancien chef du gouvernement espagnol José Maria Aznar est déjà entrée dans les annales diplomatiques. C’est la première fois qu’un chef d’Etat demande d’une manière aussi crue à un autre de se taire.
Mais, au-delà de cet aspect diplomatique et les effets politiques que l’attitude du Roi d’Espagne aura sur les relations entre son pays et l’Amérique latine, la formule utilisée par le chef de l’Etat espagnol vient d’être adoptée par les forces de l’opposition au Venezuela qui combattent les ambitions dictatoriales d’Hugo Chavez. Dans une manifestation organisée hier à Caracas, les opposants du président Chavez ont brandi des banderoles géantes sur lesquelles on pouvait lire «Porque no te callas ?» (Pourquoi tu ne te tais pas ?). L’opposition ne pouvait pas trouver meilleur slogan que cette phrase. Surtout qu’il s’agit d’un président qui a battu tous les records en matière de durée des discours. Son dernier record personnel remonte au mois de septembre où il avait parlé sans arrêt pendant plus de huit heures. Tout cela pour convaincre les Vénézuéliens de l’importance des réformes qu’il veut introduire à la Constitution de son pays. Parmi ces réformes, il y a, bien sûr, une qui lui tient vraiment à cœur. Il s’agit de rendre possible l’élection d’un président à vie. Une sorte de «leader maximo» à sa manière. Et le président Chavez veut être le successeur spirituel et idéologique de Castro. Il s’est d’ailleurs autoproclamé comme interface entre le chef de l’Etat cubain agonisant et le monde extérieur. Une attitude qui commence à agacer même les Cubains les plus fidèles à Fidel.
Sur le plan diplomatique, le «Pourquoi tu ne te tais pas ?» de Juan Carlos va devenir aussi une formule très simple et très directe qui permettra aux chefs d’Etat et de gouvernement de rappeler à l’ordre Hugo Chavez à chaque fois que ce dernier franchira les limites du tolérable lors des rencontres internationales. Connu pour ses excès, il risque de se l’entendre dire plusieurs fois. Sur l’affaire du Sahara, par exemple, où il adopte une attitude hostile à l’intégrité territoriale du Maroc alors qu’il méconnaît totalement le dossier. Il lui a suffi d’une rencontre, en 2004, avec le chef des séparatistes de Tindouf, Mohamed Abdelaziz, arrangée par le président algérien, pour qu’il adopte une position anti-marocaine. Des ONG sahraouies marocaines défendant la marocanité du Sahara se préparent déjà à recourir, à la première occasion où son gouvernement adoptera une position pro-polisarienne, à la formule de Juan Carlos en lui disant: «Pourquoi tu ne te tais pas? ».