Or depuis quelques mois, force est de constater que sa fille Marine, en campagne pour prendre la succession de son père, voit sa cote de popularité grimper dans les sondages. Lors d’une récente émission politique de France 2, elle a remporté un succès d’audience meilleur que celui qu’a connu à la même époque le Premier ministre François Fillon Ces dernières années, elle avait donné un visage plus «poli» de l’extrême-droite, mettant notamment en sourdine l’antisémitisme viscéral qui est une caractéristique de son père et d’une partie des électeurs du Front. Mais ces jours-ci, la fille reprend la rhétorique « musclée » de son géniteur. L’obsession des Juifs semble abandonnée, mais elle est largement remplacée par la dénonciation du danger islamique. Voilà peut-être, d’ailleurs, une différence entre la fille et le père: tout en dénonçant «l’invasion» des immigrés en provenance d’Afrique, Jean-Marie Le Pen gardait une fascination pour les régimes arabes forts (on se souvient de son soutien à Saddam Hussein), avec lesquels il pouvait avoir en commun une même détestation des Juifs. Marine, elle, a choisi de partir en guerre contre la présence musulmane en France. En témoignent les derniers propos qu’elle a tenus à Lyon le 10 décembre : «Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment parler de la Seconde Guerre mondiale, s’il s’agit de parler d’occupation, on pourrait en parler pour le coup. C’est une occupation de pans de territoire. Certes, il n’y a pas de blindés, il n’y a pas de soldats, mais elle pèse sur les habitants».
Ces quelques mots ont fait l’effet d’une bombe dans l’univers politique français. Car chacun sait que ce que Marine Le Pen a dit, des secteurs entiers de la population française le pensent. Il n’en faut pas plus, dès lors, pour que revienne dans les esprits le spectre de 2002, celui du deuxième tour des élections présidentielles où Jean-Marie Le Pen s’est retrouvé en face de Jacques Chirac. Pour les élections de 2012, ce pourrait être Marine Le Pen en face d’un candidat socialiste. Scénario impossible? La droite prend le danger au sérieux, comme en témoigne la réaction virulente de Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP : «Marine Le Pen, c’est son père! Il faut arrêter de se mentir.» Partout en Europe, les courants populistes d’extrême-droite ont le vent en poupe. Récemment, ce courant est entré au Parlement suédois. Les Pays-Bas, longtemps regardés comme une terre exemplaire de tolérance à l’égard des minorités, sont maintenant obsédés par la présence de l’Islam. En septembre dernier, en Allemagne, une personnalité de la Banque centrale allemande a remporté un grand succès de librairie avec un livre dénonçant l’islamisation du pays. Pour mille raisons, les Européens se sentent fragilisés dans leurs identités particulières et ils ont peur. On leur sert l’Islam comme «bouc émissaire». Trop nombreux sont ceux qui mordent à l’hameçon.













